Articles récents \ DÉBATS \ Contributions Marie Pape-Carpantier, fondatrice de l’école maternelle publique 1/2

Marie Pape-Carpantier (1815-1878) est pédagogue, libre-penseure et  féministe. Elle est la fondatrice de l’école maternelle publique à Paris et autrice d’ouvrages pédagogiques.

De la Sarthe à Paris: un itinéraire de découvertes

Marie Pape-Carpantier est née en septembre 1815 à La Flèche (Sarthe) dans des circonstances tragiques. Son père, maréchal des logis de l’armée impériale a été assassiné peu de temps avant par des royalistes pendant les Cent jours. Sa mère, de condition modeste, lingère au Prytanée militaire de la ville, se retrouve veuve avec la charge de deux enfants. Elle envoie Marie, la plus jeune, chez sa grand-mère maternelle qui la place en apprentissage comme dentellière à Alençon dès l’âge de onze ans. La marraine de Marie, Victoire Chauvelier de la Flèche, est la tante d’un adepte de Fourier, Auguste Savardan. Quelques francs-maçons locaux s’intéressèrent au sort de l’enfant autodidacte qui manifestait un goût prononcé pour les études et la poésie. L’instruction de Marie est prise en mains par Jean-Philippe de Neufbourg instituteur, intéressé aux idées fouriéristes. A cette époque la « Société philanthropique et littéraire » de La Flèche présidée par Neufbourg met tout en œuvre pour favoriser la création d’une salle d’asile sur le modèle de celle ouverte en 1834 au Mans. Il s’agit de recueillir les très jeunes enfants dont les parents travaillent dans la journée et n’ont aucun moyen financier de faire garder leurs enfants. Cette salle d’asile est confiée à un instituteur du département Claude Pape. Marie Pape-Carpantier est vite embauchée dans cette structure comme surveillante, secondée par sa mère, à ses débuts.

Les salles d’asile pour les jeunes enfants : premières expériences

Les salles d’asile sont une sorte d’institutions charitables à destination d’enfants de classes défavorisées. A Paris la première salle d’asile ouvre en 1826 à l’initiative de Jean-Denys Cochin et de quelques dames philanthropes dont Emilie Mallet, fille de l’industriel Oberkampf et épouse du banquier protestant Jules Mallet. Des initiatives se multiplient et en 1835 sous la direction de Cochin commence la publication de la revue « L’ami de l’enfance » qui fait le lien entre les initiatives pédagogiques des salles d’asile dans plusieurs départements. Le gouvernement de la Monarchie de Juillet avait demandé aux communes de plus de 500 habitant·es d’ouvrir une école primaire (Loi Guizot 1833). Il officialise en 1837 par ordonnance l’organisation des salles d’asile, mais il s’agit avant tout d’assurer la garde des enfants et de leur donner quelques principes de civilité ainsi que quelques prières (le cadre est bien antérieur à la naissance de la laïcité à l’école). Les personnes qui surveillent les enfants n’ont aucune formation pédagogique.

Marie Pape-Carpantier dirige la salle d’asile de La Flèche de 1834 à 1839, elle s’appuie sur les principes du manuel de Cochin (Instruction élémentaire pour la formation et la tenue des salles de l‘asile de l’enfance), mais elle tente aussi d’expérimenter une pédagogie nouvelle en observant les enfants et en se mettant à leur écoute. Elle propose selon leur âge, (entre deux et six ans) quelques notions d’alphabétisation, d’écriture, de calcul, des chants collectifs, des contes instructifs et quelques travaux d’ateliers (découpages, collages et travaux d’aiguille). Marie Pape-Carpentiet ajoute des activités de plein air et des jeux (cordes à nœuds, bascules, chevaux de bois …) Epuisée par tant de travail et si peu de reconnaissance matérielle, elle quitte sa fonction en 1839 et devient demoiselle de compagnie chez une habitante de la bourgeoisie fléchoise. Elle en profite pour étoffer ses connaissances littéraires, écrire des poèmes et en 1841 elle publie le recueil « Prélude ». Elle entre en relations épistolaires avec le poète chansonnier Béranger.

De la salle d’asile du Mans à la première « école maternelle »de Paris

En 1842, Claude Pape, qui avait aidé Marie dans son instruction, abandonne la direction de la salle d’asile du Mans et  munie de recommandations elle est sollicitée pour le remplacer. Âgée de 27 ans, elle accepte cette responsabilité et vient travailler au Mans. Elle y reste 5 ans . Elle est alors entourée d’ami·es républicain•es, francs-maçon·nes et fouriéristes. Elle est liée avec la famille de Félix Milliet qui lui fait découvrir le phalanstère de Condé-sur-Vesgre (ancien département de Seine et Oise) et ses idéaux. Marie Pape-Carpantier se rend de temps en temps à Paris, elle y fait la connaissance de l’écrivaine-poètesse Marceline Desbordes-Valmore et d’une saint- simonienne Pauline Roland. Par des ami·es commun·nes, elle rencontre Emilie Mallet, tante du ministre de l’Intérieur Narcisse de Salvandy. Marie profite de ces années pour écrire des articles dans le Courrier de la Sarthe, elle s’intéresse certes toujours à la poésie, mais aussi aux revendications des femmes pour accéder à l’instruction et par là à l’émancipation financière. C’est dans ce contexte qu’elle attire l’attention de George Sand. En 1846 Marie Pape-Carpantier publie un ouvrage très remarqué Conseils sur la direction des salles d’asile, il s’agit surtout de remarques pratiques mais aussi du fruit de ses discussions avec ses ami·es fouriéristes. L’ouvrage publié aux éditions Hachette est couronné par le prix Monthyon de l’Académie française.

Grâce à Emilie Mallet et à ses appuis au ministère, Marie Pape-Carpantier s’installe à Paris en 1847 et dirige la première « Maison provisoire d’études destinées à compléter l’instruction des personnes qui désirent se vouer à la direction ou à l’inspection des méthodes de salles d’asile ». Ce modeste établissement est créé dans le Marais. Le financement est difficile. D’autre part les rapports entre laïques/laïcs et clercs sont tendus, pour ne pas dire conflictuels. Marie Pape-Carpantier doit affronter bien des critiques.

A la suite de la Révolution de février 1848 et des débuts de la Deuxième République, le nouveau ministre de l’Instruction publique, Hippolyte Carnot nomme Marie Pape-Carpantier dans une commission d’enseignement ainsi que son amie Ondine Valmore (jeune professeure de lettres, fille de l’écrivaine Marceline Desbordes-Valmore). Elle présente un nouveau projet avec l’appui d’Edouard Charton éducateur populaire. Dans ce contexte, un arrêté d’avril 1848, institue à Paris une école maternelle normale dont Marie Pape-Carpantier est nommée directrice. Cette école dispose d’un local trop petit. Elle est transférée en 1851 rue des Ursulines (1) et va disposer d’une annexe avec une école pratique pour former des institutrices), à deux pas du Panthéon, dans un quartier alors modeste et peuplé d’artisans et d’ouvriers.

Catherine Chadefaud Agrégée d’Histoire, secrétaire générale de l’association Réussir l’Egalité Femmes–Hommes (REFH) 

1 Lors des journées du Patrimoine et du Matrimoine le 16 septembre 2017 une promenade suivie d’une conférence publique à la mairie de Paris Vème, fut organisée par l’association REFH pour faire connaître l’œuvre de pédagogue de Marie Pape-Carpantier et le quartier où elle enseigna, rue des Ursulines.

Catherine Chadefaud Histoire des femmes en France de la Renaissance à nos jours , Ed. Ellipses, 2023

 

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