France \ Politique Helène Bidard : « Cette année, nous avons eu plus d’actions sur les violences faites aux femmes »

Hélène Bidard est adjointe à la maire de Paris en charge de l’égalité femmes-hommes, de la jeunesse et de l’éducation populaire. Elle revient sur toutes les actions de la mairie de Paris dont une cérémonie en mémoire des victimes de féminicides ainsi que des actions sur l’IVG. Hélène Bidard a également des projets à l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques.

Qu’avez-vous fait le 25 novembre dernier ?

Nous avons dédié le 25 novembre 2023 à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Dans les évènements marquant cette année nous avons notamment organisé une cérémonie en mémoire des victimes de féminicides avec les associations concernées et les familles des victimes. Il y avait à nos côtés Anne-Cécile Mailfert, Présidente de la Fondation des femmes, Emmanuel Grégoire premier adjoint à la Maire de Paris, Jérôme Coumet Maire du 13e arrondissement et l’Union nationale des familles des féminicides. Ce fut un moment très émouvant. Nous allons organiser cette cérémonie chaque année et cela va entrer dans les agendas du protocole de la Mairie de Paris, il s’agissait en effet d’un vœu adopté en Conseil.

Comme je le disais, nous avons décidé de dédier ce 25 novembre 2023 à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. C’est pourquoi la 9e rencontre interprofessionnelle organisée par l’Observatoire Parisien des Violences faites aux Femmes était consacrée à cette thématique. Ainsi, le 23 novembre la Ville de Paris a réuni près de 200 professionnel·les. Il y avait des intervenant·es très divers, des syndicalistes, avec Myriam Lebkiri en charge de l’égalité femmes-hommes à la CGT qui a succédé à Sophie Binet, il y avait Charlotte Gorgiard, médecin légiste à l’unité médico-judiciaire de l’Hôpital Hôtel Dieu, la Procureure de Paris était représentée, et évidemment le Collectif Féministe Contre le Viol. Il y avait le juge Edouard Durand juste après ce que je considère comme la fin de la CIIVISE. Il y a 30 000 victimes qui témoignent mais la réponse du Gouvernement de l’époque a été de démanteler la CIIVISE et de en pas suivre les préconisations. Edouard Durand a fait un bilan de la CIIVISE et donné quelques préconisations. Mié Kohiyama de BeBrave France a évoqué de son côté les violences sexuelles sur les mineur.es et leur diffusion ligne ainsi que les futures directives européennes.

Nous avons également eu une table ronde sur la pornographie et la prostitution avec Alyssa Ahrabare, du réseau européen des femmes migrantes. L’association Contre les Violences sur Mineurs (CVM) a présenté son enquête sur les violences sexuelles chez les jeunes de 15 à 21 ans à Paris. Il y a en ligne un questionnaire, en direction des jeunes, qui pose de nombreuses questions sur les violences dont la prostitution. Aujourd’hui il y a très peu de chiffres. Nous attendons les résultats de cette étude pour mener les politiques publiques en conséquence.

Lors de cette journée nous avons abordé la question des mariages forcés avec Voix de femmes et celle des mutilations sexuelles avec le GAMS. Emmanuelle Piet, présidente du CFCV est revenue sur les viols conjugaux.

Ernestine Ronais, Présidente de l’Observatoire des Violences envers les femmes de Seine Saint Denis participait également à l’évènement ainsi que Floriane Volt de la Fondation des femmes qui a présenté le rapport de la Fondation « où est l’argent contre les violences faites aux femmes ? ». Nous n’avons pas de réponse de l’État sur cette question.

Après ces évènements, j’ai rencontré l’ancienne (à l’époque encore actuelle) Ministre à l’égalité femmes-hommes Bérangère Couillard qui nous avait annoncé un plan de lutte contre la prostitution et le traite des êtres humains qu’elle devait lancer en janvier 2024. Nous avions discuté de la définition du viol comme un euro-crime, je lui ai fait des propositions. Malheureusement, elle n’est plus ministre, c’est la neuvième ministre de l’Egalité femmes/hommes que j’ai rencontrée en 10 ans de mandat. Je n’ai pas encore rencontré Aurore Berger.

Cette année, nous avons eu plus d’actions sur les violences faites aux femmes organisées dans les arrondissements de Paris, je suis allée dans le 16 ème, le 5, ème le 6 ème. On voit que toutes les couches sociales se sentent concernées, que l’effet Metoo continue, mais je ne peux pas dire qu’il y a partout des revendications concrètes qui prennent forme dans les faits faute d’interlocuteurs et d’interlocutrices au niveau de l’Etat.

Nous avons également organisé des formations du personnel de la Ville de Paris autour du 6 février journée internationale contre les mutilations sexuelles féminines. Nous voulons faire de la prévention auprès des parents, des petites filles. Nous travaillons donc avec le GAMS et Isabelle Gillette-Faye sa Présidente. Il existe un protocole de la ville de Paris contre les mutilations. Nous travaillons avec les PMI pour qu’il y ait de la prévention sur cette question et nous allons réactualiser les brochures d’informations.

Vous avez porté plainte contre le groupuscule les Survivants ?

Nous avons un gros dossier sur l’IVG. En mai et en juin 2023, la Ville de Paris a subi deux attaques organisées par les Survivants, un groupuscule qui se bat contre le droit à l’IVG. Ils ont des moyens puisqu’ils ont fait fabriquer des stickers qu’ils ont collés sur les roues des Vélibs . Au total, ils ont vandalisé plus de 1500 Vélibs. J’avais annoncé qu’on allait porter plainte au nom de la ville de Paris et j’ai écrit en ce sens à Elisabeth Borne pour demander l’interdiction des Survivants. Ce courrier est resté sans réponse.

En déposant plainte, nous avons commencé une campagne d’affichage dans tout Paris rappelant que l’IVG est un droit fondamental mais aussi en donnant des contacts et des adresses pour y accéder. Je n’avais pas mesuré que personne n’avait fait de campagne publique pour le droit à l’avortement, ni l’État, ni aucune autre Ville. Je sais que Simone Veil avait voulu le faire mais elle n’avait pas réussi à aller jusqu’au bout.

Je voudrais que ce droit rentre dans la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne. Il s’agit d’une grosse bataille car il y a beaucoup de pays en Europe qui mènent des politiques en défaveur de ce droit fondamental.

A ce jour, nous n’avons toujours pas de retour sur notre plainte contre les Survivants mais en la déposant, nous avons saisi le Bureau d’enregistrement des noms de domaine pour leur demander qui se cachait derrière ce groupuscule. Ce bureau nous a répondu qu’il n’était pas possible de nous transmettre cette information étant donné que les Survivants avaient donné des noms et adresses fallacieuses, mais au vu de cela le site a finalement a pu être fermé, une audience a eu lieu le 7 mars et un procès aura lieu en 2025.

Qu’avez-vous fait le 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes ?

Le programme du 8 mars a été très chargé. Il y a deux contextes avec d’une part le contexte Metoo, la révolution continue. On parle de Depardieu, Nicolas Bedos, Jacques Doillon… Depuis 2017, il y a eu des avancées, on gagne du terrain dans différents secteurs et milieux sociaux, maintenant il faut que les politiques publiques étatiques suivent. Plus personne ne peut arrêter la révolution Metoo. Dans le même temps, l’IVG est entré dans la constitution, et il s’agit d’une bouffée d’air frais. La France est devenu le premier pays à constitutionnaliser le droit à l’avortement. La Ville de Paris a organisé avec la Fondation des femmes la retransmission en direct des votes du Congrès au Trocadéro le 4 mars dernier.

Parlez-nous des Jeux Olympiques et Paralympiques

Nous accueillons les Jeux Olympiques et Paralympiques à Paris et nous allons organiser les festivités. Je rappelle qu’il y a 100 ans Alice Milliat se battait pour qu’il y ait des femmes aux Jeux Olympiques et que personne ne voulait l’écouter. Ces jeux 2024 sont les premiers jeux avec autant de sportives que de sportifs, toutes disciplines confondues, hors paralympiques. Beaucoup de sportives se sont battues et elles ont mis 100 ans à obtenir la parité aux jeux Olympiques.

Après l’inscription de l’IVG dans la constitution, nous allons continuer à envoyer un message féministe au monde entier.

Nous travaillons sur un plan pour des JOP féministes qui comprendra beaucoup d’actions en faveur de la participation des Parisiennes à ces jeux et aux grands évènements, mais aussi de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, la Valorisation des sportives amateures et de haut niveau, et enfin faire rayonner Paris comme Capitale des droits des femmes.

Nous allons mener des actions qui resteront après les JOP, dans l’objectif de laisser un héritage féministe. Nous avons subventionné des associations qui vont agir avant, pendant et après les jeux. Empow’Her a organisé un festival féministe et des expositions. Nous soutenons évidemment l’association Alice Milliat, mais aussi la Fondation des Femmes qui a travaillé avec nous sur le plan féministe, la Cité Audacieuse sera le lieu totémique féministe de la Ville de Paris.

Nous travaillons aussi sur la place des femmes qui font du sport dans l’espace public. L’idée de Paris sportive est de rendre les terrains de sport de Paris en libre accès aux femmes.

Le 3 mars nous avons organisé une action Paris Sportive sur les Champs Elysées afin de mettre en avant les associations qui œuvrent pour la pratique du sport par les femmes et qui sont financées par ailleurs par le dispositif Paris sportive du même nom.

Nous avons surtout financé des actions dans les quartiers populaires. Dans le 18e des associations vont chercher les mamans qui viennent de laisser leur enfant à l’école. Elles vont sur les terrains de sport et ensuite elles font leurs courses comme d’habitude. Si on ne va pas les chercher elles ne feront jamais de sport. Paris sportive a 4 ans et cette année 32 associations ont été financées, en 2023 il y a eu 3500 bénéficiaires, 585 séances sportives sur 50 terrains. Paris sportive accompagne des enfants, des femmes dont certaines sont un peu âgées.

Vous avez organisé deux conférences autour du 8 mars ?

Oui nous avons organisé deux évènements à l’Hôtel de Ville.

Le 7 mars nous avons organisé une demi-journée sur le thème « Gagner l’égalité c’est sportif ! » comprenant un forum avec de nombreuses associations, un village associatif des droits des femmes mais aussi d’entreprenariat des femmes, et des expositions. Deux tables rondes ont eu lieu. La première sur l’impact les crises économiques et sociales sur les droits des femmes avec Anne-Cécile Mailfert de la Fondation des femmes, Céline Thiébault Martinez de la CLEF, et Fanny de Coster de la CGT.

Lors de la deuxième table ronde nous nous sommes interrogées sur en quoi le développement démocratique et la lutte contre les extrémismes religieux est un garant du développement des droits des femmes. Etaient présente également des femmes qui ont dénoncé les violences sexistes dans le sport comme Sarah Abitbol.

La journée s’est conclue avec la prestation de deux artistes. Oumou, une femme Guinéenne qui a été excisée. Elle voulait être arbitre de foot et elle a dû fuir son pays, non pas à cause de son excision mais parce qu’elle voulait être arbitre. Aujourd’hui elle est arbitre de foot en France. Elle a fait de sa vie de victime de l’excision une pièce de théâtre. Charlotte Arnould était également présente. Elle est danseuse, et cela faisait très longtemps qu’elle n’était pas montée sur scène. Elle était la première à déposer plainte contre Gérard Depardieu.

Le 8 mars la Maire de Paris, Anne Hidalgo a pris la parole, entourée notamment de Michele Bachelet ancienne présidente du Chili et de Dilma Rousseff, ancienne présidente du Brésil.

Propos recueillis par Caroline Flepp 50-50 Magazine

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