Articles récents \ Culture \ Livres Eva Fargue : « Les trois principales religions monothéistes sont nées dans une société patriarcale »

.La docteure, Eva Fargue, est sexologue et médecin généraliste. Elle s’est intéressée à la place de la sexualité féminine dans les religions monothéistes en s’appuyant sur les textes du coran, de la bible et de la torah. De son sujet de thèse, Eva Fargue en a tiré un abécédaire dans lequel elle compare une trentaine de notions et concepts à travers le prisme de ces révélations « divines » lesquelles ont façonné depuis déjà plus de deux millénaires nos esprits et perdurent encore de nos jours dans nos sociétés.

Pourquoi vous êtes-vous intéressée à la place des religions monothéistes dans la sexualité ? 

La religion est toujours au cœur des débats de société et nous n’avons jamais autant parlé de sexualité dans les médias et les réseaux sociaux que maintenant. J’ai choisi dans le cadre de ma thèse de médecine et de mon diplôme de médecin sexologue d’explorer la place des religions dans la vie sexuelle des femmes en France. Le but était également de proposer une grille de lecture sur ce thème aux professionnel·les de santé. J’ai pris beaucoup de plaisir à mêler dans mon travail les thèmes de sociologie, histoire, actualité, art et médecine.

La sexualité chez certains animaux est un réflexe neuronal. Or, certains hommes justifient leurs violences sexuelles comme une pulsion incontrôlée. Pouvez-vous nous expliquer en quoi le réflexe incontrôlable copulatoire est différent des « supposées » pulsions sexuelles chez l’homme?

Chez les animaux, le comportement de reproduction est contrôlé par le système nerveux. Grâce notamment aux travaux de Serge Wunsch docteur en neurosciences, nous savons aujourd’hui que plus le système nerveux est simple, comme chez les insectes, plus le comportement est stéréotypé. Il est, par exemple, chez les mammifères non-primates (rongeurs) contrôlé par des boucles neuronales réflexes.

Quant à la sexualité humaine, elle résulte de l’association de caractères innés (les gènes, l’appareil génital, les hormones, le système de récompense) et de caractères appris (les croyances, l’imaginaire, les conditionnements émotionnels, les expériences, les valeurs, la culture). Au sujet de notre fonctionnement sexuel, nous avons conservé deux principaux réflexes : le réflexe d’excitation génitale et le déclenchement de l’orgasme à partir d’un certain niveau d’excitation appelé, point de non-retour. Tout le reste de notre fonctionnement sexuel est contrôlable par notre cortex. Considérer le viol comme un excès de pulsion sexuelle incontrôlable est, à mon sens, une erreur.

Comment avez-vous procédé pour réaliser votre thèse ?

Elle s’articule en deux parties. La première résultant de mes travaux de documentation. Et une seconde partie, sous la forme d’une étude qualitative avec réalisation de 15 entretiens semi-dirigés. Les entretiens ont été analysés à partir de nuages de mots. La sensation de saturation et la perception de ne pas ajouter d’éléments inédits aux témoignages déjà recueillis ont été la base du choix d’arrêter les entretiens.

De votre thèse, vous avez publié, Du sacré au plaisir : sexualité des femmes et religions, aux éditions Edilivre-Aparis. Comment s’articule votre essai ?

Il s’articule sous la forme d’un abécédaire permettant de faire un parallèle entre les trois principales religions monothéistes en France que sont le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam et différents thèmes de la sexualité des femmes. Il n’est bien sûr pas exhaustif tant les écrits sont nombreux, mais il s’agit d’un complément d’informations que j’ai voulu claire, à destination dans un premier temps de mes collègues professionnel·les de santé puis de tous celles/ceux que le sujet intéresse.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans vos comparaisons ? 

Je suis issue personnellement d’une éducation laïque, voire agnostique. J’ai aimé bousculer mes préjugés, lesquels malgré nous, infusent nos sociétés.

Comment expliquez-vous certaines interprétations, parfois extrêmes, des textes dits sacrés à travers l’histoire de l’humanité ?

Lorsqu’on lit des textes « sacrés », chaque passage peut être compris de manières différentes en fonction de nos valeurs propres, croyances et cultures. Ces textes ont leur histoire qui s’inscrit dans une société en perpétuel changement, avec des enjeux qui nous dépassent parfois.

Peut-on affirmer que les religions, et en particulier, monothéistes, aliènent les femmes ?

A l’origine, les religions avaient pour but d’apaiser, de rassurer l’être humain sur ses questionnements. Rapidement, elles ont élargi leur influence et ont imposé des règles strictes sur les différents aspects de la vie quotidienne. Les trois principales religions monothéistes sont nées dans une société patriarcale. Elles ont donc « tout naturellement » encadré principalement la vie sexuelle des femmes, et ce, plutôt, de manière, coercitive.

Propos recueillis par Laurence Dionigi 50-50 Magazine

Eva Fargue Du sacré au plaisir : sexualité des femmes & religions, Ed. Edilivre

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