Articles récents \ France \ Société Nadège Néchadi : «Les Femmes Ont de la Voix ! est un festival féministe d’éducation populaire»

Nadège Néchadi a initié et co-fondé avec Hélène Vitorge et Coralie Pradet le collectif Les Femmes Ont de la Voix ! Toutes les trois ont créé le festival féministe Les Femmes Ont de la Voix qui se déroulera les 24, 25 et 26 mai à Pantin. Son objectif est de donner la parole aux femmes.

Quel est votre parcours féministe ?

Je me suis toujours sentie féministe mais sans y mettre de mots. Le jour où j’ai compris ce que signifiait être féministe je me suis dit que ça correspondait bien à ma personnalité. Le point de départ je pense est que mon père voulait un garçon et il a eu une fille ; je pense qu’il m’a un peu élevé comme un garçon, avec la liberté que cela implique dans une société patriarcale.Très vite j’ai eu une volonté très forte d’être indépendante et autonome. Je suis partie de chez moi après le bac, j’ai beaucoup voyagé à travers le monde, seule et même vécu dans quelques pays. Pour moi le féminisme se vivait au quotidien. J’assumais mes choix et je n’avais pas besoin d’un homme, je n’avais pas cette envie de suivre le chemin traditionnel c’est à dire d’être en couple avec des enfants. J’ai longtemps travaillé dans la production de spectacle mais je n’avais pas beaucoup de temps pour m’investir dans des associations militantes. Mon parcours dans le militantisme a commencé tardivement.

Parlez-nous de vos conférences gesticulées et de vos émissions radio

Nous avons toutes les trois créées des conférences gesticulées, un outil de l’éducation populaire à mi-chemin entre le spectacle et la conférence, qui mêle autobiographie, analyse politique et théorie. Ma conférence gesticulée s’appelle « J’aurais dû m’appeler Aïcha [ou l’identité française en question] » elle parle de mon parcours d’assimilation et de mes prises de conscience quant au silence qui entoure l’héritage colonial en France. Pour me rapprocher de l’Algérie et des femmes algériennes dont je savais si peu, j’ai décidé de créer en 2019 un documentaire radio qui s’appelle Les Algériennes Ont de la Voix ! diffusé sur la radio associative Fréquence Paris Pluriel (FPP). C’est là que j’ai rencontré l’association féministe algérienne APEL-Egalité dont je suis membre.

FPP m’a alors proposé de faire une émission. J’ai voulu élargir la thématique et voilà comment l’émission Les Femmes Ont de la Voix ! est née. Partant du constat que les femmes bénéficient de deux fois moins de temps de parole que les hommes dans les médias, l’émission crée un espace de mise en valeur de la parole des femmes pour aborder des problématiques sociales et d’actualité. Comme je voulais leur donner le temps de s’exprimer, j’ai opté pour un format d’une heure. Un an après la création de l’émission, Hélène Vitorge m’a rejoint et depuis nous avons enregistré près d’une quarantaine d’émissions sur de nombreux sujets : la réforme des retraites, la loi asile immigration, la Palestine, la question de la non-mixité. Ces femmes ne se revendiquent pas forcément féministes mais ce qui est important pour nous c’est qu’on leur accorde le temps d’exprimer leur point de vue et leur analyse politique.

Qu’est-ce que le festival Les Femmes Ont de la Voix ! ?

Les Femmes Ont de la Voix ! est un festival féministe d’éducation populaire dont la 1ère édition a eu lieu au printemps 2022 à Montreuil, en Seine-Saint-Denis. Ce festival est né du désir de créer un espace de rencontres, d’échanges et de débats le temps d’un week-end, en collaboration avec d’autres femmes artistes et militantes associatives et universitaires. C’est un festival féministe car il donne la parole aux femmes et d’éducation populaire car l’objectif est de se questionner collectivement et de poser un regard critique sur des sujets de société dans un objectif d’émancipation.

L’éducation populaire est une approche horizontale du savoir et de l’analyse, horizontale car un des principes est de considérer que l’expérience est un savoir, qu’on est toujours experte de son expérience et donc légitime à prendre la parole. L’éducation populaire permet de développer ensemble une compréhension critique de la société et des origines des inégalités sociales. Il s’agit de se donner les moyens de comprendre le monde pour pouvoir agir et le transformer.

Le festival s’organise autour de conférences gesticulées qui orientent les thématiques et les propositions artistiques de chaque journée. A la base, on ne souhaitait proposer que des conférences gesticulées, mais nous nous sommes fait un peu dépasser par nos envies. Nous avons décidé d’ajouter des tables rondes, des ateliers d’éducation populaire, des ciné-débats, des rencontres littéraires, des concerts, des spectacles et cette année, nous proposons même une balade de l’histoire sociale du quartier.

La première édition portait sur la représentation des femmes au cinéma et à la télévision, la réforme de l’assurance chômage et la sécurité sociale et la troisième sur l’héritage colonial, et le racisme systémique. Un élément important pour nous était de proposer une garderie sur place pour permettre aux mères célibataires de participer au festival. Nous avons finalement organisé ce festival avec beaucoup de volonté, sans moyens financier, en l’espace de deux mois et demi. Nous avons compté sur notre réseau et sur la participation libre et consciente du public afin de permettre à un maximum de personnes de venir et de rémunérer au minimum les intervenantes.

La deuxième édition ne se déroule que deux ans après car nous avons passé beaucoup de temps à chercher des financements pour pouvoir rémunérer convenablement les intervenantes et être en cohérence avec notre positionnement politique qui dénonce le travail gratuit des femmes. Pour cette édition, nous bénéficions donc de l’aide du département de la Seine-Saint-Denis ainsi que de l’appui de fondations et du soutien financier d’anonymes qui ont participé à la cagnotte participative lancée il y a quelques mois. Cette année, le festival a donc lieu les 24, 25 et 26 mai à la Cantine Pas Si Loin à Pantin, toujours en Seine-Saint-Denis et les thématiques sont les suivantes : la domination des adultes sur les enfants et la violence éducative ordinaire ; la souffrance au travail, et la précarisation des personnes dans les métiers du lien et notamment des personnes racisées ; et enfin les injonctions patriarcales dans la société. La particularité de cette édition est qu’en plus de la garderie militante, nous proposons 4 ateliers d’éducation populaire à destination des enfants afin qu’elles/ils puissent prendre part à la réflexion collective et permettre aux parents isolées de participer aux événements. Nous avons près de 25 propositions d’éducation populaire.

Propos recueillis par Caroline Flepp 50-50 Magazine

Festival les Femmes Ont de la Voix

vendredi 24, samedi 25 et dimanche 26 mai

La Cantine Pas Si Loin – Artagon, 34 rue Cartier Bresson, Pantin, 93

Prix Libre et Conscient

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