Articles récents \ France \ Économie Merieme Chadid : « Les filles ont toutes les qualités requises pour suivre des études scientifiques » 2/2

Surnommée l’astronome de l’extrême, Merieme Chadid, est plus qu’une femme inspirante, c’est une véritable guerrière qui, lorsqu’elle a une idée en tête, met tout en œuvre pour l’accomplir. Il faut dire que Merieme Chadid s’est battue toute sa vie. A plus de 50 ans, elle garde son dynamisme et sa pugnacité pour aller toujours au-delà de ses rêves. Un parcours hors norme pour la solaire franco-marocaine.

En 2005, vous avez été la première astronome au monde à mettre sur pied une expédition en Antarctique pour y installer un observatoire astronomique. Vous êtes aussi la première Marocaine et Africaine à fouler ce continent.

J’ai travaillé dans le désert aride de l’Atacama pendant 4 ans au Chili pour y installer des télescopes. Cette expérience m’a renforcée personnellement, physiquement et moralement. Puis, je suis rentrée à Nice, je me suis mariée et j’ai eu 2 enfants. En 2005, je suis partie 6 mois en Antarctique dans des conditions extrêmes. L’hiver, la température tombait à -85 degrés, j’avais la peau qui collait aux instruments lorsque je devais les réparer. En 2013, j’ai robotisé les télescopes que je contrôle à distance bien au chaud. Mais les données enregistrées sur place sont lourdes à transférer et pour les récupérer, je dois m’y rendre tous les 2 ou 3 ans. Pour survivre en Antarctique, il faut être multifonctions et s’entraider entre scientifiques car il n’y a personne en cas de panne. Dans la station, nous partageons un espace restreint avec des glaciologues, des biologistes, des spécialistes de l’atmosphère, etc.

Comme il n’y a pas de médecin, il faut être en bonnes conditions physiques et ne pas tomber malade. J’étais sur un plateau à 4000 mètres d’altitude, nos efforts étaient réduits pour éviter l’apoplexie, on se déplace au ralenti comme dans une station spatiale. On n’a pas le droit à l’erreur. Ce sont des conditions de vie et de travail extrêmes. On ne voit que le blanc de la neige et le bleu du ciel pendant des mois. Je ressent de l’isolement, de la solitude et à chaque fois que je m’y rends, je suis la seule femme.

Quels enseignements avez-vous tirés de vos expériences de l’extrême ?

Mon mental s’est retrouvé renforcé. J’en ai tiré l’enseignement de la survie car je ne savais jamais si j’allais revenir vivante. Cela m’a aussi permis d’acquérir une certaine sagesse.

Vous faites partie des 30 personnalités listées par le magazine américain, Forbes, vous avez reçu de nombreuses distinctions. Qu’avez-vous à dire aux jeunes générations pour que les filles s’engagent dans des métiers scientifiques ?

La science est féminine, car elle a besoin des qualités féminines comme la précision dans les mesures, la persévérance dans les calculs, la patience dans les expérimentations et la tolérance dans le leadership. Les filles ont toutes les qualités requises pour suivre des études scientifiques. Il faut explorer le monde. Soyez audacieuses et restez toujours vous-mêmes ! Il faut oser aller vers des métiers scientifiques. Les filles manquent d’ambition pour révéler leur potentialité. L’observation, l’expérimentation, programmer des télescopes restent encore du domaine masculin. Dans mon domaine de recherche, je suis la seule femme ainsi que lorsque je me rends en Antarctique.

Vos parents sont-ils fiers de votre parcours ?

Ma mère, Zohra, est très fière. Initialement, elle ne croyait pas trop en moi. Elle s’est mise à pleurer quand je lui ai expliqué que son prénom signifiait Vénus et donc, que j’étais née de Vénus. Ma mère, c’est mon étoile du berger !

Quel est votre regard sur la condition des femmes au Maroc et dans le Maghreb en général ?

On est toujours dans une inégalité géopolitique. Je me bats pour les droits des femmes et en qualité de Présidente du Conseil scientifique international de l’ONU, je travaille sur les 17 objectifs du développement durable en préconisant des recommandations. La discrimination positive doit être appliquée, à diplômes et expériences égales. Je prends systématiquement une fille pour une thèse afin que les femmes contribuent davantage à l’humanité.

Au Maroc, on note une évolution de la place des femmes principalement dans le milieu rural, moins éduqué. Quand je pense à ma grand-mère qui n’est jamais sortie de chez elle… La société fait en sorte que les femmes restent dans l’ombre et que les garçons soient stimulés afin de résister aux difficultés, à la concurrence, à la pression. Pourtant les filles ont de meilleurs résultats à l’école mais elles n’osent pas choisir des carrières scientifiques. Il faut croire en ses rêves mais pour cela, il faut travailler dur.

Quelle est votre devise préférée ?

Sourire, explorer , découvrir et partager pour un monde meilleur et un univers dévoilé par la science.

 Propos recueillis par Laurence Dionigi 50-50 Magazine 

 

print