Articles récents \ Culture \ Théâtre « J’ai envie de faire l’amour tous les jours ! »

La pièce de Mohamed El Katif, “La vie secrète des vieux”, fait réfléchir à un impensé qui imprègne encore trop nos mentalités : celui de la revendication des vieilles/vieux à aimer encore. La femme qui prononce cette phrase, n’a plus vingt ans, loin de là, elle a même dépassé les 90 ans… Avec le thème de la sexualité des vieux- ne faut-il pas plutôt dire des vieilles? elles sont en effet plus nombreuses… la pièce de Mohamed El Katib surprend, pour ne pas dire qu’elle en choque certains.
Car le tabou du plaisir auquel les vieilles et les vieux n’ont plus, dans l’esprit de la société, ni droit ni accès, est très vivace. Pour le revendiquer, ils sont sept sur scène, cinq femmes et deux hommes. Si l’une est en fauteuil roulant, d’autres ont les cheveux blancs ou marchent lentement. Elles/Ils sont accompagné·es par leur metteur en scène. Pour les surveiller ou éviter les incidents ? Un avertissement s’inscrit en effet avec humour sur un écran , qui rappelle que ceux qu’on regarde ne sont ni de vrais acteurs, ni de la première jeunesse : « Compte tenu de leur âge, les personnes présentes dans ce spectacle sont susceptibles, telle Dalida, de mourir sur scène d’un instant à l’autre. Aussi, en cas d’incident, nous vous invitons à rester calme et à considérer qu’il vaut mieux mourir sur scène qu’à l’EPHAD. »
Habitué d’un théâtre inspiré de la vie des gens, fondé sur des collectes de témoignages, El Ketif s’est en effet décidé à créer ce spectacle après avoir travaillé dans des EPHAD. Il n’a cette fois ci pas créé une pièce, même si tout est contrôlé, il a décidé de les laisser parler. Et ces propos inhabituels ( parle-t-on à sa vieille mère à qui l’on rend visite de choses aussi personnelles?) paraissent d’un fraîcheur insoupçonnée. Ces femmes n’ont pas la langue dans leur poche, elles rêvent d’un autre corps, elle se languissent des baisers qu’elles appréciaient tant, elles dévoilent sans pudeur des envies d’adolescentes… et l’on se prend à se demander pourquoi, une fois ménauposées, nous reléguons nos mères, tantes et vieilles cousines au musée des amours endormies. La vieillesse fait donc si peur qu’on la souhaite vierge?
Donnée cet été au festival d’Avignon, la performance de ces vieillard·es amatrices/ amateurs a connu un grand succès, malgré certaines critiques qui regrettaient le manque de profondeur de la pièce. Mais la nouveauté de son propos équilibre l’ensemble, la tendresse des sentiments aussi. On en sort heureuses/heureux et amusé·es, sans oublier toutefois la tristesse et l’indignation qui prend la spectatrice/ le spectateur en entendant l’histoire de ces amoureuses/amoureux septuagénaires que la famille de l’un d’entre eux a voulu séparer en envoyant leur père dans un autre établissement. Résultat : loin de son Romeo , Juliette, désespérée, a choisi de mourir. Tabou, quand tu nous tiens…
Moïra Sauvage 50-50 Magazine
En tournée de novembre 24 à juin 25 :
Du 27 au 29 novembre 2024 : Centre dramatique national Orléans
18 et 19 décembre 2024 : Points communs – Nouvelle Scène nationale, Cergy-Pontoise (95).
9 et 10 janvier 2025 : Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence(13).
Du 13 au 15 janvier 2025 : Tandem – Scène nationale d’Arras-Douai, Arras (62).
17 et 18 janvier 2025 : Le Channel – Scène nationale, de Calais
28 janvier 2025 : Équinoxe – Scène nationale, Châteauroux (36).
30 janvier 2025 : Halle aux grains – Scène nationale, Blois (41).
Du 12 au 15 février 2025 : La Comédie Scène nationale, Clermont-Ferrand (63).
Du 11 au 15 mars 2025 : Théâtre national de Bretagne, Rennes (35).
28 et 29 mars 2025 : Bonlieu – Scène nationale, Annecy (74).
8 et 9 avril 2025 : Espace Malraux Scène nationale, Chambéry (73).
Du 15 au 17 avril 2025 : MC2 – Scène nationale, Grenoble (38).
27 et 28 mai 2025 : L’Espal – Scène nationale, Le Mans (72).
Photo de Une : Yohanne Lamoulère