Articles récents \ France \ Société Juliette Rouquette : «Dans ce centre maternel je suis dans une belle structure avec de belles missions, de beaux enjeux»

Juliette Rouquette est Française d’origine Iranienne. Elle a 22 ans et travaille dans un centre maternel dans les Hauts-de-Seine. Educatrice spécialisée en formation, très heureuse de travailler dans ce centre, elle en parle avec passion.

Qu’avez-vous fait comme étude Juliette ?

Moi j’ai eu un bac L. Et ensuite à la sortie de mon bac, j’ai fait une licence de psychologie, et à côté des mes études, je faisais un job étudiant. J’étais surveillante dans un collège où j’ai rencontré une médiatrice qui était éducatrice spécialisée. Je lui ai demandé si elle connaissait une bonne école d’éducateurs, de travailleurs sociaux et elle m’a donné le nom d’une école qui est à Montrouge. Et je me suis redirigée vers cette voie-là.

Qu’est qu’un centre maternel ?

Un centre maternel, c’est un hébergement d’accueil qui fait partie d’un volet de la protection de l’enfance, c’est une structure qui accueille des jeunes mères mineures ou majeures, avec des enfants de moins de 3 ans et des femmes enceintes.

Depuis combien de temps travaillez-vous dans le centre ?

Cela fait 6 mois seulement que je travaille dans le centre.

En fait avant j’ai travaillé dans un Centre d’Hébergement de de Réinsertion Sociale (CHRS) qui accueille des femmes victimes de violences conjugales. C’est une structure différente d’un centre maternel même si il y a des parcours qui sont à peu près les mêmes. Dans ce centre maternel, je suis dans une belle structure avec des belles missions, des beaux enjeux et objectifs d’accompagnement.

Quelles sont les missions du Centre ?

Nos missions sont de préparer l’arrivée des mamans et de leur bébé, c’est l’accompagnement à la parentalité. Il s’agit aussi de travailler sur leur réinsertion professionnelle et de les aider à trouver un logement.

Nous sommes une trentaine. Nous avons une équipe éducative, une psychologue, une infirmière, des cadres de santé, des auxiliaires de nuit, des auxiliaires de jour etc. Nous n’avons pas d’éducatrices jeunes enfants ni d’assistantes sociales, ce sont des postes à pourvoir.

Il y a donc des auxiliaires de nuit qui sont là parce qu’il y a certaines femmes qui sont sous ordonnance de placement provisoire (OPP), c’est à dire qu’il y a un juge qui a mis un protocole en place. Il faut faire attention, il faut être vigilantes. Les auxiliaires de nuit passent dans les chambres vérifier, voir si tout va bien. Ce n’est pas de la surveillance, ce n’est pas du flicage, c’est de l’accompagnement.

Moi je suis avec des éducatrices qui sont dans la structure depuis très longtemps, qui sont dans le métier depuis une trentaine d’années. Je les admire beaucoup.

Vous proposez des logements aux mamans ?

Oui , nous leur proposons des chambres, des petites chambres. Il y en a 16, avec les toilettes sur le palier. Les mamans prennent leur repas au self. Nous avons également des studios où elles sont complètement indépendantes, autonomes.

On voit comment cela se passe au niveau de la relation mère-enfant, au niveau de l’insertion, du travail, et de l’autonomie. Si tout se passe bien, si elles sont indépendantes au niveau financier, on les fait passer de la chambre au studio. Ensuite quand elles sont en studio, aux 2 ans de l’enfant, on fait une demande de Droit au logement opposable (DALO) , c’est à dire une demande de logement social.

Quels sont les profils de ces femmes que vous accueillez ?

Il y a des femmes qui sont issues d’un parcours migratoire, il y a des parcours d’errance, des parcours de rues, des parcours de prostitution, des parcours de violences conjugales…

Parfois c’est avec l’accord des parents qui ne peuvent pas ou plus héberger leur fille, avec leur enfant. Donc il peut y avoir un accord entre le centre et les parents. Il y a aussi des parcours de l’aide sociale à l’enfance (ASE).

Pouvez-vous nous parler de jeunes femmes qui vous ont marquées ?

Je pense à une femme dont j’ai été la référente mais qui aujourd’hui n’est plus dans la structure. C’était une jeune femme qui avait un parcours migratoire très difficile ayant vécu des violences intrafamiliales. Elle est tombée enceinte et quand elle est arrivée au centre maternel, elle avait accouché 10 jours auparavant, sous césarienne. Elle avait donc un nouveau-né. C’était une jeune femme très très douce. Elle était jeune, elle avait la vingtaine et elle souffrait à cause de sa césarienne. L’ambivalence de ce métier, c’est que dès le lendemain de son arrivée, je l’accompagnais à la préfecture de Boulogne pour un renouvellement de titre de séjour. Elle n’avait aucun papier. J’ai dû constituer le dossier en quelques heures et nous sommes allées à la préfecture de Boulogne en transports en commun alors qu’elle avait encore mal, avec le nouveau-né qui avait 10 jours. C’était assez marquant.

Pour nous, aider les jeunes femmes à obtenir des papiers c’est normal, mais ce n’est pas le pilier de notre métier. Concernant cette jeune femme, c’était assez étonnant, vous pouvez constater l’ambivalence du métier d’éducatrice, c’est-à-dire qu’ on se connaît depuis 2 jours et je l’accompagne à la préfecture avec un nouveau-né dans les bras. C’était assez touchant. Elle est sortie du centre assez rapidement car elle a obtenu un logement.

Je pense à une autre jeune femme qui est actuellement dans la structure. Elle a un parcours Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Une enfance difficile. Elle a toujours été de foyer en foyer. C’est une jeune femme française très attachante, elle va avoir besoin de beaucoup d’attention. Elle a un lien fort avec les éducatrices, elle est dans l’affect, dans la complicité avec nous.

Et les pères, voient-ils leur enfant ?

Dans certains centres maternels, le père peut être là un week-end sur deux. Pour nous c’est non, il y a juste une salle de visite, le père peut donc venir. Mais la plupart du temps, de toutes façons, les pères ne sont pas présents ni dans la vie de la femme ni dans la vie de l’enfant.

Propos recueillis par Caroline Flepp 50-50 Magazine

 

 

 

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