DÉBATS \ Tribunes Rapport FACT-S 2025 Se mobiliser contre la prostitution des mineur.e.s

Pour la FACT-S, il y a un continuum du système prostitutionnel entre mineur.e.s et majeur.e.s : il s’agit de la même violence, liée aux mêmes causes, qui engendre les mêmes conséquences… De fait très souvent les personnes majeures en situation de prostitution ont été des mineur.es en situation de prostitution.
L’enfance et l’adolescence sont des périodes de vulnérabilité : pour cette raison la prostitution touche de façon disproportionnée les mineur.es. Elle s’inscrit le plus souvent comme l’aboutissement d’un parcours traumatique, marqué par une accumulation de violences antérieures : incestes, agressions sexuelles, violences physiques ou psychologiques au sein de la famille….
Rappelons que chaque année 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles en France, soit un toutes les trois minutes, que seule une victime sur 10 révèle les violences au moment des faits, que 3% seulement aboutissent à une condamnation.
Les enfants, adolescent.es ne deviennent pas victimes de la prostitution par hasard : les violences antérieures subies les rendent plus vulnérables aux stratégies de mise sous emprise des exploitateurs. Les agresseurs, clients et proxénètes choisissent leurs victimes en fonction de leur vulnérabilité et usent de fausses promesses pour instaurer un climat de confiance. L’argent agit ensuite comme un alibi à la domination exercée ; cette logique est accompagnée d’une inversion de la culpabilité dévalorisant la victime et la réduisant à une marchandise.
Une méthode fréquente est celle du « loverboy » qui utilise les sentiments amoureux pour entraîner des jeunes filles vers la prostitution. Mais de plus en plus de jeunes sont aussi victimes de viols en réunion filmés qui servent à exercer une contrainte par la menace de diffusion des images.
Selon les services d’enquête, le nombre de victimes mineur.es en situation de prostitution a augmenté de 285% depuis 2015,
L’âge moyen des mineur.es est de 16 ans en 2024 mais un rajeunissement préoccupant est observé avec la présence croissante de jeunes de 12,13,14 ans,
94 % sont des filles, 84% sont de nationalité française.
Voir d’autres chiffres dans le rapport, issus des actions des associations de terrain.
L’augmentation massive de situations de prostitution chez les mineur.es est la conséquence à la fois de la digitalisation du proxénétisme, de la banalisation de la prostitution et de l’exposition massive des enfants à la pornographie. Cette dernière donnée a des effets dévastateurs sur la construction d’une vie relationnelle et sexuelle : elle engendre une dangereuse accoutumance à la violence et à l’image d’une virilité dominante. Notons que la consommation pornographique augmente de 2,5 fois le risque de devenir agresseur chez les garçons et de 4 fois le risque d’’être victime d’agression sexuelle chez les filles.
Il est urgent de mettre fin à l’impunité de l’industrie pornographique et de contraindre, entre autres les plateformes à mettre en œuvre des mécanismes de vérification de l’âge.
Pour les enfants, les adolescentes et adolescents en pleine construction physique, psychique, identitaire, neuronale, les conséquences de la prostitution sont particulièrement graves et les traumatismes subis s’inscrivent durablement dans leur parcours de vie.
D’où l’importance d’un accompagnement spécifique, axé sur une approche pluridisciplinaire et un travail en réseau, pour les sortir de l’emprise des proxénètes, de les aider à reconstruire l’estime de soi, à s’ouvrir vers le monde extérieur, à se réapproprier leur corps, à dénormaliser la violence…
Or l’ASE est, aujourd’hui comme hier, en difficulté pour assumer ses missions, comme attesté par de nombreux rapports institutionnels.
Il faut intensifier la politique de protection de l’enfance et renforcer les moyens d’action de l’ASE.
La lutte contre la prostitution des mineur.es a fait l’objet d’un plan spécifique et des actions notoires ont été observées, par exemple les actions de sensibilisation mais elles sont à renforcer :
Il faut communiquer massivement pour sensibiliser aux risques de prostitution, lutter contre les violences sexuelles faites aux enfants et aux dangers de la cyberpédocrimninalité,
…former les travailleurs sociaux sur la question de la prostitution des mineur.es,
…mettre en place dans chaque département un lieu dédié à l’accueil des mineurs et situation de prostitution.
Venir à bout de la prostitution des mineur.es impose d’agir de manière systémique :
Avoir une action déterminée contre les pédocriminels : clients-prostitueurs et proxénètes, en France et à l’étranger (en s’appuyant sur la coopération internationale),
Eduquer à l’égalité et à la sexualité,
Accompagner les victimes et leurs proches,
Travailler en interdisciplinarité car cette problématique touche plusieurs domaines professionnels : droit et justice, santé, psychologie, éducation, travail sociale
Françoise Ritter Présidente de l’Amicale du Nid
La FACT-S est composée de l’Amicale du Nid, de CAP International, de la Fédération nationale des CIDFF, de la Fondation Scelles et du Mouvement du Nid et d’un collectif de survivantes.
Étiquettes : Violences Prostitution