Brèves Le Tribunal administratif de Paris au secours des sites pornographiques en flagrant délit d’infraction

Le 16 juin 2025, le Tribunal administratif de Paris a suspendu en référé l’arrêté du 26 février 2025 ordonnant le blocage de 17 sites pornographiques, dont Pornhub et YouPorn, pour non-respect des obligations légales de vérification de l’âge des utilisateurs.

Contre toute attente, le juge des référés a estimé qu’il y avait urgence à suspendre cet arrêté alors même que de nombreux motifs d’ordre public et notamment la protection des mineurs et le respect du code pénal auraient dû dicter le contraire.

Intérêts économiques privés de sociétés criminelles vs. protection de la santé des mineurs, le Tribunal administratif de Paris tranche

En 2023 déjà Jean-Noël Barrot, alors ministre délégué, chargé de la Transition numérique et des Télécommunications qualifiait l’accès des mineurs à la pornographie de « scandale de santé publique. » 

Depuis, une loi, des décrets, des arrêtés et toujours pas d’application effective du contrôle d’âge sur les sites pornographiques.

Face au gouvernement, l’industrie met toute sa puissance pour faire entrave. Depuis plusieurs années, les plateformes pornographiques multiplient les procédures contentieuses partout en Europe pour éviter, ralentir ou contourner la mise en œuvre du contrôle d’âge. Questions prioritaires de constitutionnalité, question préjudicielle, référés, etc. Pour cause : le modèle économique de ces sites repose en grande partie sur l’accessibilité gratuite et massive de leurs contenus, y compris pour les mineurs. L’exposition précoce à la pornographie est non seulement tolérée, mais activement exploitée comme levier de profits.

L’arrêté suspendu était une mesure de protection concrète contre l’exposition des mineurs à la pornographie. En suspendant cette mesure, le juge met en danger la santé psychique et sexuelle des jeunes, et prive les autorités françaises d’un outil de protection indispensable.

Le juge des référés justifie la suspension de l’exécution de l’arrêté en invoquant une prétendue incompatibilité avec le droit de l’Union européenne, se fondant pour cela sur une question préjudicielle actuellement pendante devant la Cour de justice de l’Union européenne, introduite par le Conseil d’État. Pourtant, cette question porte sur un tout autre sujet : elle concerne l’obligation pour la France de notifier à la Commission européenne un décret d’application de la loi du 30 juillet 2020 obligeant les plateformes pornographiques à mettre en place un contrôle d’âge effectif. Or, l’arrêté suspendu s’inscrit dans un nouveau cadre juridique — la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024, article 1er l’objet d’une notification à la Commission. Ce décalage soulève de sérieuses interrogations quant à la rigueur de l’analyse du juge administratif.

Une inaction inquiétante des pouvoirs publics :

De son côté, le ministère de la Culture n’a produit aucun mémoire en défense. Ce silence fait écho à une négligence précédente. En 2021, ce même ministère avait omis de notifier à la Commission européenne le décret d’application de la loi obligeant les sites pornographiques à renforcer leur dispositif de contrôle d’âge, retardant de manière conséquente sa mise en œuvre effective. Cette répétition d’erreurs et d’absences participe à une stratégie d’évitement, et affaiblit durablement la régulation de la pornographie.

Alors même que plusieurs membres du gouvernement alertent publiquement sur l’urgence de réguler l’accès des mineurs à la pornographie, l’exécutif donne l’image d’un pouvoir divisé.

 La ministre déléguée chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique, Clara Chappaz, et la ministre déléguée à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, ont affirmé dans les médias que le contrôle de l’âge était une priorité urgente ;

Pourtant, le ministère de la Culture, de tutelle de l’ARCOM, porte préjudice à cette politique en ne défendant pas l’arrêté attaqué.

Cette cacophonie ministérielle laisse le champ libre à une industrie pornographique surpuissante, qui s’organise méthodiquement pour échapper à toute forme de régulation.

Nous appelons 

Le ministère de la Culture, à initier un pourvoi en cassation de la décision du Tribunal administratif.

 Les institutions, y compris les magistrats, à prendre la mesure de la gravité de la crise de santé publique liée à la diffusion de la pornographie aux mineurs.

La France à intervenir auprès de la Commission européenne pour que l’industrie pornographique ne soit pas protégée au nom de la libre circulation mais reconnue comme un sujet d’ordre public.

Signataires :

Hélène Bidard, adjointe à la Maire de Paris en charge de l’égalité femmes-hommes, de la jeunesse et de l’éducation populaire / Laurence Cohen, sénatrice (2011-2023), co-rapportrice de la mission sénatoriale sur la pornographie / Céline Piques, rapportrice du rapport Pornocriminalité du Haut Conseil à l’Egalité / Laurence Rossignol, sénatrice, ex-ministre des Droits des femmes, co-rapportrice de la mission sénatoriale sur la pornographie / Danielle Simonnet, députée / Céline Thiébault-Martinez, députée / Shirley Wirden, adjointe au maire en charge de l’égalité femmes-hommes, des solidarités, de la lutte contre l’exclusion, des affaires sociales et de la protection de l’enfance, Mairie de Paris centre.

Organisations signataires :

Osez le féminisme ! FNCIDFF, ECVF, Collectif droits des femmes, Ensemble contre le sexisme, Femmes Solidaires, Amicale du Nid, Assemblée des femmes, Coordination française pour le lobby européen des femmes, Women without violence, Collectif féministe contre le viol.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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