DÉBATS \ Contributions Le récit de vie d’une femme d’Amérique Latine, ex-guérillera et féministe

Ana-Maria Araujo fut une guérillera, une Tupamara. Après avoir été recherchée par les Forces armées de la dictature militaire uruguayenne, et ensuite par les Forces armées et les services d’intelligencia au Chili et en Argentine, elle dû s’exiler en France. Aujourd’hui elle est professeure de psycho- sociologie à l’ Université de la Republica-Uruguay. Son dernier livre raconte son histoire de guérillera et de féministe.

Un livre précieux : voilà ce que je pense du livre d’Ana Maria Araujo. 

Précieux parce que c ‘est d’abord un véritable banquet des amies. Un grand “salut à toi”, un hommage rendu à celles/ceux, mortes ou vivantes, qui nous aident à comprendre, à bâtir, à nous construire, qui nous aident à vivre et à garder espoir. Il y a beaucoup d’amies dans le livre de cette femme qui nous raconte son histoire, beaucoup de monde dans le monde de cette femme qui a beaucoup vécu, beaucoup rencontré, beaucoup lu et lutté car cette femme sait que rien n’est possible toute seule, pas même penser.

Alors j’ai d’abord aimé ce livre parce que j’ai aimé les êtres à qui Ana Maria Araujo rend hommage : des philosophes, des poètes, des chanteuses/chanteurs, des femmes et quelles femmes ! Des femmes et des hommes de toutes les disciplines, de toutes les recherches, de tous les temps, de tous les lieux, mais qui ont toutes/tous le souci de soi et le souci des autres, et qui considèrent que ce n’est pas parce que les choses existent qu’elles méritent d’exister ainsi. 

J’aime le livre d’Ana Maria Araujo parce que j’aime les livres qui se font ponts entre « je » et « nous », soi et les autres, les époques et les continents, les savoirs mais aussi parce que c’est un livre qui fait « chemin » vers ce qui n’est ni tracé, ni achevé, un livre qui dit « cherchons ensemble », qui fait vivre dans le doute sans pour autant perdre tête ou boussole. Ces livres- là sont précieux, parce qu’ils font du bien et parce qu’ils deviennent rares…

J’ai aimé le livre d’Ana Maria Araujo parce que c’est le récit d’une femme qui toujours a interrogé les structures du pouvoir et qui, toujours, a lutté pour ce qu’elle croit être juste, vrai. Et qui en a payé l’indicible prix de la perte et de la séparation….

Mais elle n’est pas qu’une figure de la lutte au passé, elle qui continue de regarder le monde, d’un œil lucide, toujours intéressée par la création collective d’une pensée critique, faisant parmi les autres, entendre une voix singulière et forte qui ne confond jamais individualité et individualisme.

Le travail d’Ana Maria Araujo dans ce livre est un travail bien fait, un travail honnête, d’une honnêteté prise entre révolte ou entre ce que d’autres en d’autres temps auraient appelé le pessimisme de la critique et l’optimisme de la volonté .

Le livre d’Ana Maria Araujo est un livre précieux parce qu’il parle d’une vie qui n’a pas peur de puiser aux sources de l’amour et de la poésie, une vie qui déploie à sa manière le très beau vers d’Eluard « c’est à partir de toi que j’ai dit oui au monde », un livre précieux puisqu’il défend « ce qui n’a pas de prix », afin que nous puissions, peut-être, un jour, renaître de nos décombres….

Karine Chevrier professeure de lettres

Le Mouvement de libération nationale-Tupamaros (MLN-T) est un mouvement politique uruguayen, d’extrême gauche qui dans les années 1960 et 1970 lutta contre la dictature. 

Ana Maria Araujo  Les chemins de l’exil. Les luttes d’une femme d’Amérique Latine. Ed Syllepse 2025

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