Chroniques Chronique femmes du monde : Palestiniennes et Palestiniens dans l’enfer de Gaza 1/2

Gaza : plus d’enfants tué·es en dix-huit mois qu’en quatre ans de guerres dans le monde entier
Encore combien d’enfants devront-elles/ils mourir à Gaza, avant que la communauté internationale s’interpose ? 15 000 enfants et bébés de Gaza sont déjà mort·es depuis le 8 octobre 2023 sous les bombes, par balles, sous les gravats des bâtiments écroulés. C’est plus que le nombre d’enfants tué·es en quatre ans de guerres dans le monde entier… L’ONU alerte sur le risque imminent que 14 000 autres enfants meurent de faim et faute de soins à cause de la destruction méthodique des infrastructures et du blocus alimentaire et sanitaire imposé par M. Benjamin Netanyahou, Chef du gouvernement israélien sous mandat d’arrêt international depuis le 21 novembre 2024, inculpé par la Cour Pénale Internationale (CPI) pour « crime de guerre de famine comme méthode de guerre ; crimes contre l’humanité de meurtre, persécution et autres actes inhumains », avec M. Yoav Gallant son ancien ministre de la Défense, comme « supérieurs civils pour le crime de guerre consistant à diriger intentionnellement une attaque contre la population civile ».
Depuis, Gaza, cette petite langue de terre de 360 kilomètres carrés à la densité de population la plus forte au monde, n’est plus qu’un champ de ruines. Plus de 54 600 Palestiniens et Palestiniennes sont mort·es entre le 8 octobre 2023 et aujourd’hui : 70% sont des femmes et des enfants. Plus de deux millions de personnes sont «en danger de mort imminente» selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 125 000 sont blessé·es et 100% de la population gazaouie est menacée de famine, selon l’ONU. Il y a donc urgence.
De fait, les bombardements massifs s’abattent en continu sur des zones extrêmement peuplées, y compris les camps de réfugié·es, les hôpitaux, les écoles et les infrastructures essentielles. 94% des hôpitaux sont endommagés ou détruits. Les terres agricoles ont été ravagées et sont inutilisables à 95% (FAO). Selon plusieurs ONG dont Oxfam : «Israël utilise l’eau comme arme de guerre, à l’heure où l’approvisionnement de Gaza s’effondre de 94%, provoquant une catastrophe sanitaire mortelle». L’eau disponible correspond à moins de cinq litres par jour et par personne, l’équivalent de « moins d’une seule chasse d’eau» selon l’organisation. 95% des écoles ont été détruites. Adèle Khodr, la directrice de l’UNICEF pour la région, déclarait récemment : « Les enfants de la bande de Gaza ont perdu leur maison, les membres de leur famille, leurs amis, leur sécurité et leur vie quotidienne. Ils ont également perdu le lieu de refuge et de stimulation que leur offrait l’école, ce qui fait que leur avenir prometteur risque d’être assombri par ce conflit épouvantable».
Derrière les chiffres, les mots et les récits nationaux, celui d’Israël, celui de la Palestine, «qui de la poule ou de l’oeuf…», derrière les théories et les théocraties, Il y a des humains : des hommes, des femmes, beaucoup de femmes, et des enfants, surtout des enfants, de manière disproportionnée.
Des images des Gazaoui·es nous arrivent au compte-goutte, la presse internationale étant interdite d’accès à Gaza par l’Etat hébreu. Elles nous montrent des villes réduites à néant, des enfants affamé·es et dénutri·es, des milliers de personnes déplacées au gré des ordres d’évacuation d’Israël, vers le Sud, puis vers l’Est, puis de nouveau vers le Nord. L’ONU indique que 90% de la population totale ont subi plusieurs déplacements, plus d’une dizaine souvent, sur des routes dévastées et poussiéreuses, sous les bombardements incessants, sans possibilité de fuir dans cette enclave infernale, d’un camp de refugié·es à un abri de fortune : hommes, femmes, enfants, personnes âgées, valides, invalides. L’agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNRWA) indique que Gaza compte le plus grand nombre d’enfants amputé·es par habitant·e au monde. Le matériel médical et les médicaments étant soumis au même blocus que l’eau, le gaz et la nourriture, il n’est pas rare que les amputations des adultes comme des enfants soient réalisées sans anesthésie.
Kfir, Ariel, Ayssel, Asser, Jubran, Eve, Sidra et les autres… rien que des enfants
Dans une précédente chronique du 17-10-2024, j’avais parlé de Kfir et Ariel, ces deux jeunes enfants israéliens de quatre ans et 9 mois, pris en otage avec leurs parents le 7 octobre 2023 par le Hamas. On ne les savait pas encore morts en captivité avec leur mère. Leurs photos avaient fait la Une des media et le sort de ces deux petits innocents nous avaient révolté·es, avaient révolté le monde.
Aujourd’hui, on commence aussi à mettre des noms sur les petits cadavres gazaouis, qui n’étaient jusque-là que des chiffres déshumanisés pour l’Occident.
On ne peut pas tous les citer, ils sont 15 000… Mais on peut, au moins, leur consacrer quelques lignes en rappelant deux tragédies parmi tant d’autres, tout au long de ce «massacre des innocents», qui dépasse désormais très largement l’objectif affiché d’éradiquer le Hamas dont les principaux chefs ont été tués – Ismaël Haniyeh, Yahya Sinouar et Mohammed Deif – selon Tsahal, l’armée israélienne elle-même.
Mardi 13 août 2024. Un jeune père de famille marié depuis un an, revient fièrement chez lui avec les certificats de naissance de ses jumeaux récupérés à la commune. Il n’a pas le temps de revoir ses bébés. Dans l’intervalle, sa maison a été bombardée, sa femme Joumana Arafa et ses enfants, Asser et Ayssel, ont été tuées, ainsi que leur grand-mère. Les nourrissons, un garçon et une fille, avaient trois jours. Jusqu’à son septième mois de grossesse, Joumana, pharmacienne de 28 ans, avait aidé bénévolement à gérer le flux des blessé·es et des malades privé·es de médicaments, dans l’un des rares hôpitaux qui fonctionnaient encore partiellement à Gaza.
Vendredi 23 mai 2025. Alaa Al-Najar, pédiatre palestinienne, venait de prendre son tour de garde à l’hôpital Nasser dans le sud de Gaza. Elle a vu arriver les dépouilles calcinées de neuf de ses dix enfants, tués par une frappe israélienne sur leur maison à Khan Younès. Elles/ils s’appelaient Yahya 12 ans, Rakan 10 ans, Eve 9 ans, Ruslan 7 ans, Jubran 7 ans, Revan 5 ans, Sayden 3 ans, Luqman 18 mois et Sidra 7 mois. Seuls survivants le père, médecin lui aussi, et un enfant, Adam 10 ans, tous deux entre la vie et la mort. Dimanche 1er juin, son mari Hamdi a succombé à ses blessures. Alaa reste seule avec son fils Adam grièvement blessé et l’image des sacs en plastique recouvrant les petits corps de ses neuf enfants.
Pendant tout ce temps, 20 mois de guerre sans merci au lendemain du massacre du 7 octobre 2023 en Israël, la communauté internationale a paru regarder ailleurs.
Les Etats occidentaux, Etats-Unis et Europe – laquelle semble à présent se réveiller d’une longue «absence» – comme les Etats arabes, se sont montrés particulièrement frileux dans leurs réactions. Malgré l’ordonnance de la Cour internationale de justice (CIJ) prévenant d’un risque de génocide à Gaza. Malgré les appels au cessez-le-feu au Conseil de Sécurité des Nations Unies (ONU), toujours bloqués par le droit de veto américain. Malgré les alertes des ONG humanitaires qui dénoncent depuis longtemps le «plan de conquête de la bande de Gaza» et la volonté du gouvernement de Mr Netanyahu d’en chasser définitivement la population native par tous les moyens dont le «départ volontaire des Gazaouis» de leur territoire, faute de pouvoir y survivre…
Jocelyne Adriant-Mebtoul 50-50 Magazine
Seconde partie le 12 juin 2025
Étiquettes : Violences Méditerranée