Monde \ Afrique Cléopatre Kougniazondé : “la nomination de Mariam Chabi Talata comme première vice-présidente de la République du Bénin en mai 2021, une première historique pour le pays” 1/3

Au cœur de l’Afrique de l’Ouest, le Bénin rayonne par sa diversité ethnolinguistique, son histoire plurimillénaire et son héritage culturel vibrant. C’est au Bénin que le puissant royaume de Dahomey a été fondé. Les Amazones du Dahomey, femmes guerrières hors pair, sont un héritage vivant du Bénin. Leurs exploits militaires et leur courage exceptionnel résonnent encore dans l’histoire du monde. Le Bénin est aujourd’hui en pleine mutation et engagé sur la voie de l’égalité de genre et de l’innovation sociale. Depuis quelques années, le Bénin démontre une forte volonté politique en faveur des droits des femmes, à travers des réformes législatives, la scolarisation accrue des filles, et la mise en place d’institutions dédiées comme l’Institut National de la Femme. La statue de l’Amazone, la deuxième plus haute statue en Afrique, inaugurée à Cotonou en 2022, incarne cette résurgence mémorielle et cette ambition de bâtir un avenir où les femmes occupent une place centrale. Dans ce paysage en pleine transformation, Cléopatre Kougniazondé incarne une nouvelle génération de femmes africaines qui bâtissent des ponts entre tradition et modernité, entre identité et innovation. Son engagement profond pour la justice sociale et le leadership féminin font d’elle une actrice clef du changement et une voix influente.
Quel est votre parcours et pourquoi êtes-vous passionnée par le leadership féminin et l’autonomisation des femmes ?
Je suis spécialiste en diplomatie et relations internationales, consultante en langue anglaise, traductrice-interprète, et experte en tourisme et promotion de destination, avec 18 ans d’expérience. Entrepreneure engagée, j’ai fondé MUSKA+ Consulting Group, qui propose des services en coaching linguistique, traduction et organisation de séjours touristiques à travers ses agences DARAJA Bénin et TOURA Bénin. Je suis également cofondatrice de FIWÈ, une agence pionnière du tourisme intelligent au Bénin. Mon parcours singulier et ma passion pour la valorisation du patrimoine africain ont fait de moi une véritable ambassadrice d’un Bénin en mouvement, enraciné dans ses valeurs mais surtout tourné vers l’avenir.
Mon engagement pour le leadership féminin est profondément enraciné dans mon parcours personnel et dans la conviction intime que les femmes ont un rôle fondamental à jouer dans la construction d’un monde plus équitable, plus humain et durable. J’ai grandi dans un environnement où les défis étaient nombreux, mais où des femmes solides, résilientes et visionnaires faisaient preuve d’un courage admirable au quotidien. Leur force tranquille, leur sens du devoir et leur capacité à tenir debout face à l’adversité ont été pour moi de véritables écoles de vie.
Très tôt, j’ai compris que le leadership ne se limite pas à l’exercice du pouvoir ou à l’occupation d’un poste prestigieux. Il s’exprime avant tout dans l’attitude : dans la capacité à prendre soin des autres, à porter une vision, à poser des actes concrets et à inspirer autour de soi. Le leadership, tel que je le conçois et le vis, c’est cette force intérieure qui pousse à dépasser les épreuves, à rester debout malgré les vents contraires, et à faire émerger des solutions même dans les contextes les plus incertains.
En tant que femme africaine ayant évolué dans des contextes parfois peu ouverts à l’expression du potentiel féminin, j’ai fait de mon parcours une réponse, une affirmation, un engagement. C’est celui de contribuer à déconstruire les stéréotypes, à ouvrir la voie pour d’autres femmes, à montrer qu’un leadership féminin authentique et transformateur est non seulement possible, mais nécessaire. Cet engagement inspire chacun de mes projets et nourrit ma détermination à bâtir des espaces où les femmes peuvent s’exprimer librement, innover avec confiance, entreprendre avec force et générer un impact durable dans leur communauté.
Comment expliquez-vous la volonté du gouvernement actuel à vouloir changer les mentalités en offrant plus de visibilité aux femmes et d’accès à des postes clefs ?
Le Bénin, comme tous les pays du monde, fait face à des défis persistants en matière d’égalité de genre. Aucun pays au monde, aussi développé soit-il, n’a encore atteint une égalité réelle entre les femmes et les hommes. Néanmoins, les avancées récentes témoignent d’une dynamique encourageante. Depuis l’arrivée au pouvoir du Président Patrice Talon en 2016, le Bénin affiche une volonté politique affirmée de promouvoir l’égalité de genre. Cette dynamique se manifeste à plusieurs niveaux, tant sur le plan normatif que sur le plan institutionnel.
Des réformes majeures ont été entreprises pour consolider les droits des femmes. L’adoption du nouveau Code de la Personne et de la Famille, de la loi sur la santé sexuelle et reproductive et du Code pénal révisé témoignent d’une réelle prise en compte des problématiques liées aux violences basées sur le genre, à l’autonomie corporelle et à la protection des droits fondamentaux des femmes.
Le gouvernement a pris des mesures concrètes pour améliorer la représentation féminine dans les sphères politiques et administratives. L’instauration du quota de 24 sièges réservés aux femmes à l’Assemblée Nationale en est un exemple significatif. Bien que perfectible, cette mesure a permis une augmentation notable du nombre de femmes parlementaires depuis les législatives de 2023, marquant une rupture avec les décennies précédentes.
La création de l’Institut National de la Femme (INF) marque une étape importante dans l’ancrage institutionnel de la politique de genre. Cet organe joue un rôle stratégique dans la promotion de l’égalité des sexes dans les sphères politique, économique, sociale, juridique et culturelle et la lutte contre toutes les formes de discrimination et de violence à l’égard des femmes et des filles.
L’un des marqueurs les plus forts de cette dynamique est la nomination de Mariam Chabi Talata comme première Vice-Présidente de la République du Bénin en mai 2021, une première historique pour le pays. Cette avancée symbolique et politique envoie un signal fort sur la place que le gouvernement souhaite accorder aux femmes dans la sphère décisionnelle nationale.
Cela dit, malgré ces avancées, des défis structurels demeurent : la persistance des stéréotypes de genre, les résistances socioculturelles, et la sous-représentation des femmes dans certains secteurs stratégiques. Par ailleurs, le passage de la législation à l’application effective reste un enjeu majeur. L’égalité de genre ne peut être atteinte sans une transformation profonde des mentalités et un engagement multisectoriel continu.
Propos recueillis par Laurence Dionigi 50-50 Magazine
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