Culture \ Livres Faut-il avoir peur des masculinistes ?

Oui, répond Stéphanie Lamy dans son livre au titre expressif La terreur masculiniste. Cette spécialiste des guerres de l’information s’est lancée à la recherche des masculinistes un peu partout sur la planète et dresse, de la Californie à l’Australie en passant par l’Europe, un portrait de ces mouvements dont on parle de plus en plus.

C’est vrai, déjà la Grèce Antique valorisait les muscles virils, de nombreuses statues en attestent. C’est vrai, l’histoire est remplie du mépris et de la haine des femmes et l’idée de « besoins sexuels » des hommes a encore de beaux jours devant elle. Rien de nouveau là-dedans. Mais ce que décrit ce livre très documenté est un panorama des différents aspects que prennent aujourd’hui ces habitudes anciennes. A l’ère d’internet, ce qui pouvait s’exprimer dans le sport, l’amitié virile ou dans le goût pour la chasse, se développe de façon vertigineuse. Comme la classification fait aussi partie de notre époque, l’autrice décrit parmi la troupe masculiniste les « tradis », les « primitifs », les « relationistes » ou les « performatifs ». Mais ces catégories ne se suffisant pas à elles-même, elle distingue également en leur sein des sous-catégories …

Les media ont fait connaître les incels, ces hommes qui haïssent les femmes qui d’après eux les négligent et vont jusqu’à les tuer comme en 1989 à Montréal lorsqu’un homme, a assassiné quatorze étudiantes de l’Ecole polytechnique en criant « Je hais les féministes ! » De même, les pères divorcés qui réclamaient la garde de leur enfants par des actions d’éclat ont régulièrement fait la Une des journaux. Mais ce que l’ont découvre dans ces pages va beaucoup plus loin. Que ce soit des dizaines d’attentats identifiés dans le monde entier contre des femmes, des postures suprémacistes et violentes, ou la valorisation d’un accès illimité au corps des femmes, ces nouveaux mouvements sont le terreau pour un terrorisme masculiniste utilisé par des hommes radicalisés.

Le terrorisme, c’est, outre l’excellente enquête, le sujet que voulait dénoncer Stephanie Lamy. Car la violence faite aux femmes exprimée par ces conjoint violents qui tuent leur compagne d’innombrables coup de couteau est rarement comprise par les autorités comme du « terrorisme ». Il n’est pas si loin le temps où l’on évoquait les « crimes passionnels ». En France, ce n’est pas du tout pris en compte dans la détection de la radicalisation, pourtant, comme le souligne l’autrice, « la plupart des attentats qui sont commis dans notre pays ont un lien avec la violence masculine ». En février dernier pourtant, un attentat a été déjoué près d’Annecy : un jeune homme qui avait menacé sur Tiktok de s’en prendre à des femmes s’est vu arrêter pour cause de terrorisme. C’est une première et permet à Stéphanie Lamy de s’en féliciter lors d’une inteerview.

Mais ce dont il s’agit avant tout chez ces masculinistes, c’est bien sûr une misogynie fondatrice et omniprésente. Car les masculinistes ne reconnaissent pas aux femmes le droit d’exister, elles ne sont pour eux qu’un objet qui n’a pas de droits, l’ennemi étant en particulier un féminisme qui aurait gagné, qui risquerait de leur enlever leur virilité. On commence peu à peu à mieux les connaître, mais ce que l’autrice a voulu faire c’est permettre de mieux les comprendre. Pour mieux s’y opposer. Pari réussi.

Moira Sauvage 50-50 Magazine

Stéphanie Lamy La terreur masculiniste Ed. du Détour 2024

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