DOSSIERS \ Les Audacieuses Saveurs en partage, une épicerie bio portée par un collectif de femmes entrepreneuses

Manger bio, c’est bien, c’est bon, mais c’est parfois cher ! Saveurs en partage est une épicerie qui propose des produits bio en circuit court et accessible à tout·es, répondant ainsi aux besoins des familles les plus modestes. Un projet innovant, d’économie sociale et solidaire lancé par un collectif de cinq femmes issues du quartier de Belleville à Paris. Rencontre avec cinq audacieuses engagées.

Les familles les plus précaires doivent parfois renoncer à mettre dans leur panier des produits issus de l’agriculture biologique aux tarifs plus élevés. Pour rendre accessible le bio à tout·es, Samia Haddam, Aminata Ba, N’daye Marna, Marie-Claire Peguet et Mina Hassaine ont créé l’épicerie Saveurs en Partage. Ces femmes sont habitantes du quartier Belleville-Amandiers, dans le 20e arrondissement de Paris.

C’est en 2014, au centre social « Archipélia », association créée par des habitant·es du quartier, que les destins de ces cinq femmes se croisent. Elles participent chaque semaine aux ” Lundis Femmes Solidaires ”, un espace social intermédiaire co-animé par l’ONG Quartiers du Monde qui organise différents ateliers participatifs : théâtre, expression, écriture ainsi que des ateliers thématiques sur la question des droits des femmes. « Nous avons travaillé sur l’économie sociale et solidaire. C’est en découvrant les marches exploratoires que j’ai fait la rencontre des filles », partage Marie-Claire Peguet. Toutes les cinq ont participé à une marche exploratoire, organisée par Quartiers du Monde, au cours de laquelle elles ont constaté qu’il y avait très peu de magasins accessibles aux familles à faibles revenues. Marie-Claire Peguet explique : « des personnes sont contraintes d’aller de plus en plus loin pour faire des achats de première nécessité du fait que les magasins alimentaires sont devenus plus onéreux ». Pour elle, depuis de nombreuses années, la rue de Belleville se gentrifie à une allure « galopante ». Elle a connu la rue de Belleville quand elle était encore extrêmement populaire : « aujourd’hui si on arpente les rues du bas de Belleville jusqu’à la rue Olivier-Métra on trouve une fromagerie ou une boutique bio tous les mètres ». Elle poursuit : « les bas d’immeubles sont occupés par des start-up ou des galeries d’exposition. Le supermarché chinois a été remplacé par un Carrefour City ».

« On nous dit qu’il faut manger sainement or bien manger a un coût »

Si les racines du projet Saveurs en partage remontent à 2014, il commence à prendre vie en décembre 2016, au cours d’une deuxième marche exploratoire dans la rue de Belleville : « nous avons fait cette marche avec des élu·es de la mairie de Paris. Elles/Ils nous ont questionné sur ce qu’on souhaitions réellement faire, nous leur avons dit que nous voulions mettre en place un commerce s’adressant à tou·tes et accessible aux personnes à faibles revenues. », explique N’daye Marna. « Elles/ils nous ont dit qu’elles/ils suivraient notre projet alors nous avons commencé à l’entreprendre ». Le projet commence à se développer grâce au soutien de Quartiers du Monde qui obtient une subvention de la ville de Paris. Avec cette aide, les entrepreneuses ont pu faire appel à l’association Projets 19 qui œuvre à l’insertion sociale et professionnelle en accompagnant les personnes porteuses d’un projet. Pour N’daye Marna, il était essentiel de vendre des produits de qualité, c’est à dire issus de l’agriculture biologique. Les inégalités alimentaires restent trop fréquentes : « on nous dit qu’il faut manger sainement or bien manger a un coût. De nombreuses familles, sont privées d’une bonne alimentation en raison de leurs faibles revenues ».

Le collectif a mis en place un projet éthique responsable et respectueux de l’environnement. Samia Haddan affirme: « nous assurons la traçabilité du produit, nous savons d’où il vient. Il n’y a pas d’intermédiaires entre nous et la/le productrice/producteur ».

Les entrepreneuses ont pour objectif de rendre accessibles les produits issus de l’agriculture biologique en circuit court et issus du commerce équitable. « Saveurs en partage n’est pas une épicerie solidaire. Nous proposons aux habitant·es un magasin alimentaire classique de proximité », insiste Marie-Claire Peguet. Conscientes des difficultés économiques et de la précarité alimentaire qui règnent au sein des familles du quartier, les cinq femmes ont pour objectif de rendre accessible un certain nombre de produits alimentaires.

« Pleinement investie dans ce projet, je me sens utile et participe activement au bien-être des habitant·es du quartier »

Le collectif, en partenariat avec les services sociaux, lutte contre la précarité alimentaire en mettant en place un système de double tarification au profit des bénéficiaires du RSA et des familles monoparentales. Une carte de paiement solidaire leur sera adressée et leur permettra de consommer à hauteur de leur porte-monnaie. Une belle initiative qui permet également la création d’emplois pour les femmes porteuses du projet dans une démarche de gouvernance démocratique entre salariées. Le partage des décisions, des responsabilités et des tâches est à part égale afin d’assurer une équité entre toutes.

Un autre de leurs objectifs est de garder une interaction sociale et de mettre en place des animations pour favoriser la rencontre entre les habitant·es autour d’ateliers animés par des associations locales. Deux ateliers par mois par groupes de quatre à sept participant·es sur différents thèmes autour de l’alimentation ( alimentation responsable, utilisation des produits en vrac, concilier les petits budgets et le bio…) seront organisés. Saveurs en partage est un projet solidaire, qui s’adresse à tou·tes et dans lequel ces cinq femmes se sont investies dans l’intérêt du quartier. Un entrepreneuriat social qui donne du sens à leur vie : « aujourd’hui, je suis une femme engagée, pleinement investie dans ce projet, je me sens utile et participe activement au bien-être des habitant· es du quartier. Entreprendre tout en aidant les gens autour de moi, est une véritable fierté » conclue N’Daye Marna.

Fruits et légumes, épicerie sèche et épicerie fine et produits laitiers seront disposés dans les rayons de l’épicerie Saveurs en partage au 38 boulevard Mortier dans le 20e arrondissement de Paris qui ouvre ses portes en juin 2020.

Sabiha Zinbi 50-50 magazine

Photo de Une, de gauche à droite :  Aminata Ba, Samia Haddam, Marie-Claire Peguet et N’daye Marna.

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