Articles récents \ DÉBATS \ Tribunes Parité dans les exécutifs locaux : une occasion manquée ?

Plus de 30 000 communes (1) (sur 35 000 communes en tout) ont entièrement renouvelé leur conseil dès le premier tour des élections municipales et communautaires du 15 mars 2020. Tous les conseils municipaux intégralement renouvelés ont procédé, entre le 23 et le 28 mai dernier, à l’élection de leur maire et de leurs adjoint·es.
Suite à l’élection de ces conseils et exécutifs, et en écho à la Vigilance Egalité publiée avant les élections (2), le HCE alerte sur la nécessité de respecter les règles paritaires lors des élections du 28 juin prochain, notamment pour l’élection des premier·es adjoint·es, et de renforcer les règles paritaires pour l’avenir.
L’exercice du pouvoir reste aux mains des hommes : de 16 % en 2014 à 19 % de femmes maires lors du premier tour des élections municipales en 2020
Le partage du pouvoir n’atteint pas le haut de la pyramide. En 2014, les hommes représentaient 84 % des maires (87,1 % dans les communes de 1 000 habitant·es et plus et 82,3 % dans les communes de moins de 1 000 habitant·es). Les élections de 2020 ne témoignent que d’une faible avancée : 19,2 % de femmes parmi les maires, toutes communes confondues (18,5 % dans les communes de plus de 1 000 habitant·es et 19,5 % dans les communes de moins de 1000 habitant·es) (3). Plus la commune est petite et plus la représentation des femmes est élevée. Elles ne sont que 12 % dans les villes de plus de 30 000 habitant·es, là où les enjeux de pouvoir et de conciliation des temps ont des effets d’éviction plus forts sur les candidates.
A noter que, pour le second tour, qui concernera environ 4 800 communes, les femmes représentent 47 % des candidat·es et un peu plus de 24 % des têtes de liste dans les communes de plus de 1 000 habitant·es, soit 5 points de plus qu’en 2014 où elles n’étaient que 18,8 %.
Une évolution favorable permise par une disposition paritaire nouvelle : l’alternance obligatoire sur la liste des adjoints
Les élections municipales et communautaires de 2020 marquent l’avènement d’une nouvelle disposition paritaire : l’alternance de sexe sur les listes pour l’élection des adjoint·es dans les communes de mille habitant·es et plus. Pour la première fois, les listes des adjoint·es ne devaient plus seulement être paritaires globalement mais être composées par alternance de sexe (4).
Les hommes représentaient 71,5 % des premier·es adjoint·es (toutes communes confondues) lors des dernières élections. L’instauration de cette contrainte paritaire peut permettre une progression du nombre de femmes parmi les deux premier·es adjoint·es, même s’il faut rappeler que les places de numéro un et de numéro deux (maire/1e adjoint·e ou président·e/1e vice-président·e d’intercommunalité) ne sont pas concernées par des règles paritaires.
Les données sur l’alternance paritaire parmi les adjoint·es dans les communes de plus de 1 000 habitants ne sont pas encore disponibles dans leur globalité mais l’on sait que certaines communes ont vu leurs listes rejetées par les préfectures pour ne pas avoir présenté des listes d’adjoint·es en alternance.
Là où des règles paritaires existent, la tendance est au partage du pouvoir. En l’absence de contraintes, la parité n’advient pas spontanément.
Quant aux intercommunalités, que ne concerne aucune règle paritaire et qui étaient dans le rouge lors des élections de 2014, il est à craindre qu’en l’absence de nouvelles règles, la nomination des représentant·es des communes au conseil communautaire, puis les élections de l’exécutif dans les Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne viennent confirmer cette tendance.
Un effet d’éviction qui se confirme : les femmes, déjà moins candidates, ont moins de chance d’être élues
De manière générale, dans les communes de 1 000 habitant·es et plus, les listes candidates ont majoritairement des hommes à leur tête. Lors des élections de mars 2020, les hommes représentaient ainsi 77 % des têtes de listes candidates. Dans les communes ayant renouvelé leur conseil municipal dès le premier tour, la tendance se confirme : les listes ayant obtenu plus de 50 % des suffrages sont menées, pour 81 % d’entre elles, par un homme. Or, la personne placée en tête de liste est quasiment toujours élue maire en cas de victoire électorale.
En plus d’être moins nombreuses à la tête des listes candidates, les femmes ont moins de chances qu’un homme de remporter l’élection. 33 % des listes menées par une femme ont remporté l’élection avec plus de 50 % des suffrages. C’est le cas de 44 % des listes menées par un homme.
Analyse selon les grands blocs de clivages politiques : un léger avantage aux listes de gauche. Cet effet d’éviction peut être analysé au regard des nuances politiques attribuées aux listes candidates dans les communes de plus de 3 500 habitant·es par le ministère de l’Intérieur, qui les classe par grands blocs de clivages (extrême-gauche, gauche, centre, droite, extrême-droite, divers). Quelle que soit la nuance politique, les listes sont davantage menées par un homme que par une femme, même si l’on observe un léger avantage en faveur des femmes pour les listes de gauche.
Dans les listes candidates, les listes d’extrême gauche sont celles qui sont le plus souvent menées par une femme (36 %), ce qui reste encore loin de la parité. Puis viennent les listes de gauche, menées pour 27 % d’entre elles par des femmes, puis les listes du centre, avec 24 % de femmes têtes de liste, puis les listes d’extrême-droite avec 22 % de femmes têtes de liste, et enfin les listes de droite, avec 20 % de listes menées par des femmes.
Cette tendance se renforce pour les listes ayant remporté le premier tour avec la majorité des suffrages : elles ne sont presque jamais menées une femme et, quand elles le sont, ce n’est que pour 18 % d’entre elles pour les partis de gauche, 15 % pour les partis de droite, et 14 % pour les partis de centre (aucune liste d’extrême-gauche n’ayant été élue avec plus de 50 % des suffrages).
Ces constats imposent un sursaut démocratique pour permettre un partage du pouvoir à égalité entre les femmes et les hommes.
Le HCE interpelle : ne laisser aucune zone blanche pour permettre la parité
Sans contrainte paritaire, les habitudes sexuées du pouvoir se maintiennent. C’est pourquoi le HCE insiste sur la nécessité de prévoir des règles à tous les niveaux, pour combler toutes les zones blanches de la parité. Il s’agit notamment :
– d’étendre le scrutin de liste paritaire par alternance à l’élection des conseiller·es et des
adjoint·es des communes de moins de 1 000 habitant·es, comme c’est le cas dans toutes les autres communes ;
– d’élire l’exécutif des EPCI au scrutin de liste paritaire par alternance ;
– de rendre obligatoire l’existence d’un tandem paritaire maire/premier·e adjoint·e à la tête de toutes les communes.
Pour permettre de nouvelles avancées, il est également indispensable de consacrer certaines évolutions dans la constitution (5) :
– garantir (plutôt que favoriser) l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives dans l’article 1e de la Constitution ;
– limiter le cumul des mandats pour favoriser le renouvellement du personnel politique. Les mandats pourraient être limités à deux mandats concomitants et trois fois trois mandats dans le temps, parmi lesquels trois mandats à la tête d’un exécutif local ; trois mandats de membres d’un exécutif local, hors tête de l’exécutif ; trois mandats parlementaires.
Le HCE salue la décision des parlementaires en décembre 2019 (6) d’étendre l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives dans les communes et leurs groupements, via une modification du code électoral avant le 31 décembre 2021. Il sera particulièrement attentif à l’évolution de cette proposition et se saisira du sujet pour proposer des modifications législatives. Il veillera particulièrement, à court terme, à la part des femmes dans les tandems (maire/1e adjoint·e) à la tête des communes.
1 30 125 communes ont renouvelé l’intégralité de leur conseil et 4 855 le feront le 28 juin.
2 Vigilance égalité « Elections municipales et communautaires de mars 2020 : les nouveaux et nouvelles élu·es devront veiller à la parité dans les exécutifs locaux et l’attribution des délégations »
3 Données extraites du fichier du ministère de l’Intérieur, 17 juin 2020.
4 Selon l’article 29 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.
5 Voir l’avis du Haut Conseil à l’Egalité « pour une Constitution garante de l’égalité entre les femmes et les hommes » le 18 avril 2018, à consulter au lien suivant
6 Article 28 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique
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