Articles récents \ Culture \ Livres Et si le féminisme nous rendait heureuses ?

Sous un titre bien tentant Et si le féminisme nous rendait heureuses ? Pauline Arrighi présente, sous une forme plutôt légère, un contenu aidant et salutaire, avec des conseils détox comme dans un magazine. Et pourtant, ce sont les essentiels des problématiques femmes/hommes qui y sont exposés. Si les féministes de longue date n’y découvriront probablement pas beaucoup de nouvelles thématiques, elles trouveront des angles nouveaux et constructifs pour aborder des sujets qui les concernent. Nous rendre heureuses tout en nous rendant encore plus conscientes est une fameuse entreprise de déconstruction, qui n’a pas encore été achevée. 

Ce livre propose des outils pertinents pour faire face au sexisme du monde contemporain et celles qui n’ont pas encore chaussé de lunettes féministes pour appréhender le monde, trouveront ici une solide et claire mise au point sur les problèmes rencontrés par toutes les femmes. Parmi les thèmes importants abordés on trouve les stéréotypes, la sexualité, la réduction des femmes à leur corps et les mécanismes de l’appropriation du corps des femmes, la morale du consentement comme outil patriarcal, la misogynie masculine et féminine dont la détestation de certaines catégories de femmes comme la femme leader. Ces thèmes sont explicités et classés avec un état des lieux détaillé, des  rappels de notre conditionnement qui souvent nous rattrape à notre insu, suivis de conseils détox qui, s’ils ne sont pas des recettes miracles, apportent des réponses.

Pauline Arrighi (1) donne des exemples auxquels on peut s’identifier instantanément. Par exemple, elle évoque le fait qu’aucune femme n’ose franchement se mettre en colère, par ce que « une femme ne doit pas crier » et plus encore « une féministe doit garder son sang-froid et parler posément ». Pourtant, dit-elle, nous avons droit à la colère et à la maladresse quand nous sommes est attaquées par le sexisme ordinaire qui nous tombe dessus à un moment inattendu, ou lorsque nous sommes aux prises avec des remarques émanant de personnes que nous pensions égalitaires. 

Ce livre peut être lu par toute personne en marche vers plus d’émancipation, de liberté et d’épanouissement qu’on soit au début du parcours ou qu’on ait déjà fait un long chemin. Il permet de débusquer les pièges multiples des injonctions patriarcales habilement recyclées au goût du jour, de les comprendre pour les démonter afin de les surmonter sans s’épuiser. 

Féministes aguerries ou pas, on n‘est jamais assez entraînées à la répartie ou à «  la bonne réaction », Plusieurs situations de sexisme extrêmement familières sont exposées et disséquées pour que nous puissions les gérer sereinement. 

Côté corps : quelle femme n’a pas essayé de ressembler aux modèles irréalistes martelés par la pub et les médias ? Pauline Arrighi nous permet d’examiner et d’abandonner les injonctions et la peur de pas être aimée, et propose de faire ce qui nous convient en nous recentrant sur nous et nos propres désirs et aspirations.

Côté argumentation intellectuelle, elle décrypte tout l’arsenal déployé par le patriarcat pour nous déstabiliser, nous renvoyer à notre corps, inverser la culpabilité ou nous faire douter de notre propre ressenti et recense les multiples formes de la malhonnêteté intellectuelle  patriarcale pour mieux la maîtriser. 

Elle revendique aussi le droit  de ne pas devoir répondre systématiquement aux trolls et autres personnes de mauvaise foi. Qui n’a pas tenté pendant des heures d’expliquer la nécessité du féminisme à des gens qui, à la fin de la conversation, vous disent « oui mais les filles sont quand même plus douées avec les enfants que les garçons », ou « les féministes exagèrent quand même un peu et elles sont un peu violentes non ? ». Au lieu de se fatiguer en déployant patiemment un discours construit souvent interrompu et incompris, l’autrice nous invite soit à damer le pion a l’agresseur par une réponse nette et appropriée ou si on ne l ‘a pas, à simplement déserter en laissant son interlocuteur pantois et ainsi retrouver sa dignité devant l’insulte. La fuite, dit-elle, est parfois plus avisée que n’importe quelle explication éreintante et vouée à l’échec.

Enfin, l’autrice invite les femmes à se reconnaître d’abord clairement en tant qu’étrangères au patriarcat et à entrer dans la sororité pour être plus fortes ensemble. Exclues de l’universel masculin, elles peuvent se retrouver dans la culture puissante et inclusive des femmes féministes. Ce petit ouvrage n’est pas une baguette magique pour accéder au bonheur mais un vade-mecum très utile et recommandable pour se forger des armes toujours nécessaires devant les machos ordinaires ou avérés, les sexistes femmes et hommes qui s’ignorent, les donneurs de leçon, qui savent mieux que les femmes ce qui est bon pour elles.

Pauline Arrighi nous prévient au début de l’ouvrage : le féminisme ne vous rendra pas populaire mais vous amènera un cercle de qualité qui partage vos valeurs.  Pour elle, le féminisme est une expertise, et la voie obligée pour plus de bonheur et de sérénité en tant que femme consciente, combattante mais aussi soucieuse de son épanouissement. 

Roselyne Segalen 50-50 Magazine

(1) Pauline Arrighi, diplômée de sciences Po Paris a été à l’initiative du blog « je connais un violeur » en 2013, puis porte-parole d’Osez le féminisme ! Elle a fondé l’organisme de formation We want Ethics dédié à l’égalité femmes/hommes en entreprise.

Pauline Arrighi Et si le féminisme nous rendait heureuses ? InterEditions, 2019. 

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