Articles récents \ Monde Marie-Dominique de Suremain : « Nous avons réussi la Conférence de Pékin car nous l’avons préparée pendant plusieurs années »

Pékin, 1995, les associations féministes du monde entier assistent à l’un des événements les plus marquants du siècle dernier. 25 ans après, Marie-Dominique de Suremain, coordinatrice d’un projet sur le genre en Amérique latine pour Expertise France, l’agence de coopération technique internationale française, revient sur cette manifestation historique et les préparatifs qui l’ont précédée.

« Il y a eu un énorme travail préparatoire en amont de la Conférence de Pékin », commence Marie-Dominique de Suremain. « À l’époque, je vivais en Amérique Latine, où j’ai créé une association spécialisée dans les questions d’environnement urbain, de genre et de l’habitat, puis participé à la création d’un réseau latino-américain Femmes et Habitat. Depuis 1992, nous participons à toutes les conférences internationales pour installer le sujet genre et habitat dans les conversations des mouvements féministes et la question des droits des femmes dans les conférences sur les droits humains et le développement », raconte la militante. Lors de quatre conférences – de Rio sur l’environnement en 1992 jusqu’à Pékin en 1995 – les associations féministes participaient aux événements organisés en parallèle des manifestations officielles. « À Rio l’événement organisé par la société civile était impressionnant, il y avait des stands, des séminaires, des ateliers… Tous les pays y participaient et c’était en marge de la Conférence officielle, avec des émissaires qui portaient des messages et faisaient du plaidoyer ».

Entre Rio et Pékin

Dès Rio, les organisations féministes ont commencé à préparer la Conférence de Pékin. Il a donc fallu des années et des mois de travail acharnés pour organiser un événement d’une telle ampleur. « Au début des années 1990, les mouvements féministes étaient balbutiants. Ils se sont vraiment renforcés avec ces Conférences régulières des Nations Unies », explique Marie-Dominique de Suremain. « En 1992, c’était la première fois qu’il y avait une « tente des femmes », et un espace de débat pour les associations féministes. Depuis, il y a eu une réelle effervescence ». Ce qui peut expliquer le succès de la Conférence de Pékin. Une conférence gravée dans les mémoires, encore citée en exemple par bon nombre de féministes.

« Entre 1991 et 1994, en Colombie et dans la région latino-américaine, le mouvement féministe a multiplié les réunions pour préparer tous les sujets, de la santé aux droits reproductifs en passant par l’éducation et le travail. D’ailleurs, à cause de la pauvreté, pour notre réseau, la question de la valorisation du surtravail des femmes pour la construction des quartiers populaires nous paraissait primordiale », poursuit Marie-Dominique de Suremain. « Ensuite, chaque pays a progressivement fait remonter ce travail au niveau régional et une grande conférence a été organisée en Argentine pour toute l’Amérique Latine », explique-t-elle.

D’ailleurs, Marie-Dominique de Suremain, qui compte bien participer au Forum Génération Égalité s’inquiète du peu de temps dont bénéficient les associations pour préparer l’événement, qui se tiendra à Paris au Printemps 2021. « Le temps nécessaire pour former les Coalitions d’action était surement trop court, donc heureusement que le Forum a été décalé. Il faut au moins 1 an, pour préparer cet événement », admet-elle. « Nous avons réussi la Conférence de Pékin car nous l’a préparée pendant plusieurs années. Il est primordial de faire bien plutôt que vite. Il faut laisser le temps à la nouvelle génération de reprendre le flambeau et de dialoguer avec les réseaux consolidés, le tout sur plusieurs continents et à l’échelle globale ».

Le FGE : un OVNI dans le paysage des événements internationaux

« Le Forum Génération Égalité est un événement intéressant. On n’arrêtait pas de dire qu’il n’y aurait plus jamais de conférences des Nations Unies sur les droits des femmes au risque de reculer et de revenir en arrière sur de nombreux acquis. D’ailleurs, sur ce point, ce sont  les pays qui veulent faire progresser l’égalité qui s’engagent au FGE, ce qui est une excellente idée selon moi ». ONU Femmes et les pays organisateurs du FGE – la France et le Mexique – ont en effet décidé de choisir des pays champions et des organisations qui proposent de réelles avancées, et d’exclure les pays conservateurs. Une initiative saluée par de nombreuses associations. « Ce Forum c’est un peu un OVNI dans le paysage des événements onusiens », s’amuse Marie-Dominique de Suremain. « Car c’est la première fois qu’on ne sépare pas l’événement officiel de l’événement organisé par la société civile. Cette fois, il y aura un dialogue entre les Etats, la société civile, les entreprises, les associations, le public et le privé… c’est intéressant ». Mais c’est aussi un énorme défi pour que des plans d’actions concrets soient adoptés.

Chloé Cohen, 50-50 magazine

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