Articles récents \ Monde \ Afrique Les Minos du Dahomey, de redoutables guerrières vénérées et respectées

« Elles sont là, 4000 guerrières, les 4000 vierges noires du Dahomey, gardes du corps du monarque, immobiles aussi sous leurs chemises de guerre, le fusil et le couteau au poing, prêtes à bondir sur un signal du maître. Vieilles ou jeunes, laides ou jolies, elles sont merveilleuses à contempler. Aussi solidement musclées que les guerriers noirs, leur attitude est aussi disciplinée et aussi correcte, alignées, comme au cordeau », écrira  E. Chaudoin, dans ses mémoires publiées en 1891 ,Trois mois de captivité au Dahomey. Les Amazones noires étaient filles d’esclaves, tirées au sort ou volontaires, elles pouvaient être soldates, sous-officières ou officières.

La France colonialiste de la fin du 19ème siècle, désireuse elle aussi d’obtenir une partie de l’Afrique de l’Ouest entre en guerre à deux reprises contre ce puissant royaume surnommé « La petite Sparte noire ». Les militaires rapportent ainsi la présence sur le champ de bataille de furieuses guerrières préférant mourir plutôt que reculer devant les troupes françaises qui hésitaient à leur tirer dessus. La femme dans le royaume du Dahomey (l’actuel Bénin) n’était en rien l’égale de l’homme même si elle pouvait divorcer, gérer et conserver ses biens. Cependant dans cette société patriarcale, les élues siégeant au Conseil du Palais royal participaient aux décisions politiques. Il leur était interdit d’avoir des relations sexuelles et faisaient vœu de célibat tant qu’elles servaient l’armée du Dahomey. En effet, enceintes elles ne pouvaient plus combattre l’ennemi et si leur relation amoureuse s’ébruitait, l’amant était aussitôt exécuté.

C’est au 17ème siècle qu’apparaissent des gardes du corps femmes. Mais c’est la reine Tassin-Hangbé qui créa cette armée d’Amazones ainsi surnommées par les colons en écho aux Amazones de l’Antiquité. Cette souveraine a occupé de 1708 à 1711 le trône du Dahomey. Les récits rapportent qu’elle aurait pris la place de son frère jumeau suite à son décès sur le champ de bataille en se faisant passer pour lui afin de ne pas décourager les soldats. Elle aurait révélé après coup, sa véritable identité au peuple.

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Mais qui étaient ces Amazones noires ? Des filles d’esclaves en majorité qui commençaient leur entraînement dès le plus jeune âge. Des volontaires en quête de reconnaissance qui s’enrôlaient ainsi que des criminelles qui l’étaient de force. Parfois, d’autres jeunes filles étaient tirées au sort lors de cérémonies. Certaines familles proposaient leurs filles au roi pour qu’elles fassent carrière dans cette armée professionnelle.

Le peuple les surnommait les Minos (nos mères) en langue fon. Ces soldates combattaient aux côtés des hommes et ont représenté jusqu’à un tiers des effectifs. Généralement, elles protégeaient le roi sur le champ de bataille. Il existait plusieurs corps de régiment : celles qui utilisaient les armes à feu, les Gohento qui tiraient à l’arc avec des flèches empoisonnées, les Nyekplohento (les faucheuses) qui maniaient avec dextérité le couteau ou un immense rasoir pouvant peser jusqu’à 10 kg et celles qui attaquaient à dos d’éléphant. Certaines gardaient uniquement le palais royal et assuraient la défense du roi. Elles pouvaient être officières, sous-officières ou soldates. «Un seul coup de ce rasoir de 45 cm  peut trancher un homme par le milieu», narre le père François Xavier Borghéro venu évangéliser ces nouvelles terres en 1860 en parlant des actions de ces soldates.

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Ces redoutables Amazones s’entraînaient quotidiennement pour renforcer leur musculature, limaient leurs ongles en pointe qu’elles faisaient durcir avec de l’urine de bœuf. Elles combattaient des taureaux à mains nues, elles s’exerçaient à la machette, à la massue ou aux armes achetées aux Européens. Les meilleures étaient formées pour devenir des espionnes et d’autres étaient les représentantes officielles du roi à l’extérieur du royaume. Leur uniforme cachait leurs formes et elles portaient une sorte de calotte blanche sur leurs cheveux coupés très courts. Les Minos possédaient leur propre drapeau, insignes et fanfare. Quand elles s’emparaient d’un ennemi, elles le décapitaient et s’empressaient de brandir ces têtes tranchées comme trophées et pour faire fuir l’ennemi. «Ces Amazones sont des prodiges de valeur, elles viennent se faire tuer à 30 mètres de nos carré» consignera dans ses carnets le capitaine Jouvelet. 

« Vaincre ou mourir » était leur adage. Ces terribles combattantes se considéraient plus courageuses et plus fortes que leurs homologues masculins. A leur passage, la population s’agenouillait en signe de reconnaissance, gratitude et respect. Les Minos étaient considérées comme des demi-déesses. 

Le Dahomey passant sous protectorat français en 1894, le corps d’armée des Amazones sera dissout, la quasi-totalité d’entre elles étant tombées sous les balles lors des guerres franco-dahoméennes. Nawi, la dernière amazone s’est éteinte en 1979 à l’âge de 100 ans après avoir combattu les troupes françaises à la fin du 19ème siècle.

Chaque année, les Béninoises saluent la mémoire de ses femmes exceptionnelles.

Laurence Dionigi 50-50 magazine

Lire plus : Les Amazones, Jim Fergus

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