Articles récents \ Culture \ Cinéma Collectif 50/50 : À la croisée des luttes pour un cinéma égalitaire

À l’occasion de la 74ème édition du Festival de Cannes, le Collectif 50/50 s’est exprimé sur la diversité et l’égalité de genre dans l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel. Un échange riche animé par Laurence Lascary et Sandrine Brauer, toutes deux productrices et co-présidentes du collectif.

Une révolution du cinéma ? Oui, mais pas n’importe laquelle. Avec le Collectif 50/50, elle sera féministe, anti-raciste, plurielle. Depuis février 2018, l’association lutte pour l’égalité des sexes et la diversité dans cette industrie et plus globalement dans l’audiovisuel. 

Le 9 juillet 2021, à l’occasion de la 73ème édition du Festival de Cannes,  les membres du collectif, accompagné·es de membres d’association, ont tenu une conférence pour aborder ces fortes thématiques : diversité et égalité de genre dans l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel. Plus de deux heures d’échange dans l’objectif de partager expériences, découvertes clés et actions à venir.

Enlever une à une les briques du racisme systémique dans le cinéma 

C’est Laurence Lascary qui initie la discussion. Elle commence par rappeler les engagements du Collectif 50/50, “lutter contre toutes les discriminations”… À commencer par le racisme.

Presque invisible, sous-jacent, il est difficilement perçu lorsqu’il n’est pas nommé. “On n’a pas de données en France, parce que les statistiques ethniques sont interdites” déplore la co-présidente. Difficile alors de mettre en lumière l’invisibilisation des personnes racisées dans ce milieu. Pourtant, dans les pays qui autorisent ces statistiques, le résultat est sans appel. “Au Brésil, seuls 2,1% des films ont un·e réalisatrice/réalisateur noir·e”, alerte-t-elle.

Néanmoins, la dynamique anti-raciste lancée en France et dans le monde entier par le mouvement #BlackLivesMatter en 2020 lui inspire l’optimisme. Un espoir tout de même teinté d’urgence. L’urgence de tendre vers un cinéma ouvert, inclusif pour se battre contre des discriminations raciales qui engendrent des représentations erronées quand elles ne sont pas tout simplement inexistentes. 

 Le racisme n’est pas une invention issue de la sociologie, […] c’est le quotidien de beaucoup de personnes dans leur vie de tous les jours”, déclare l’une des intervenantes, Paula Alvarez Vaccaro, productrice et vice-présidente du European Producers Club. Corréler lutte contre le racisme et promotion des personnes noires, et en particulier les femmes, à l’écran apparaît alors nécessaire, car l’enjeu est fort. Themba Bhebhe, co-fondateur des Programmers of Colour Collective POC² est clair : “Le racisme s’inscrit dans un système, il n’est pas juste individuel, il imprègne nos structures depuis des siècles”. 

D’où l’engagement du Collectif 50/50, qui met en place plusieurs outils pour pointer du doigt l’exclusion des personnes racisées dans le milieu audiovisuel, et à terme, espérer l’endiguer. Notamment une plateforme pour mettre en avant tou·tes celles et ceux qui ne correspondent pas à l’archétype de l’homme blanc bourgeois, à savoir les talents féminins et/ou issus d’une diversité sociale, ethnique et culturelle”, grâce à la Bible 50/50. Cet “annuaire professionnel en faveur de la diversité et de la parité” a pour ambition de changer les pratiques derrière la caméra et ainsi permettre “d’échapper aux discriminations et au déterminisme”, selon les mots du Collectif.

Mettre un terme au harcèlement sexiste et sexuel dans le cinéma 

L’autre fer de lance de leur mobilisation, c’est la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, notamment le harcèlement. Car l’industrie du cinéma et de l’audiovisuel n’en est évidemment pas épargné. En 2017, lorsque les premiers témoignages du mouvement #MeToo affluent, se dessinent les contours d’une domination sexiste et patriarcale des réalisateurs, producteurs, scénaristes, acteurs sur les actrices lors des tournages et dans les processus de création. 

Sandrine Brauer commence par dresser un constat amère des discriminations genrées dans le milieu du cinéma, qui se caractérisent d’une part par ces violences sexistes, et d’autre part à travers la présence toujours minoritaire de femmes dans les différents corps de métier de cette industrie. 

À la base, le collectif s’appelait 50/50 for 2020, ce qui suppose qu’on aurait dû en avoir terminé aujourd’hui… Mais nous n’y sommes pas.” regrette Sandrine Brauer. Si la parité n’est pas encore monnaie courante en France, les femmes travaillant dans le cinéma et l’audiovisuel peuvent se réjouir des avancées qui, petit à petit, se font ressentir. 

Les mentalités se modifient au gré des mobilisations, le “niveau de conscience” s’élève, selon Bertrand Gore, producteur. “En tant qu’employeur, on se doit de faire attention que le climat est confortable pour tout le monde sur le plateau », poursuit-il. Veiller à créer les conditions d’un lieu inclusif ne s’improvise pas. Deux heures avant le tournage, il rassemble ses troupes pour rappeler les règles, les attentes envers les actrices/acteurs quant à leur attitude, et sa disponibilité d’écoute en cas de problème. Important selon lui de “savoir quoi faire quand on a quelque chose à faire”.

Des changements qui devraient se poursuivre avec Le Livre Blanc, nouvel outil créé par le Collectif 50/50. Guide pour la prévention et la lutte contre le harcèlement et les violences sexistes et sexuelles dans le cinéma et l’audiovisuel, il s’adresse à tous les membres de ce milieu. Rappels juridiques, importance de la sensibilisation, rôle de l’employeur, dispositifs d’aide aux victimes : un solide attirail d’éléments pour bifurquer vers un autre cinéma, celui de demain. Juste, féministe, divers. 

Les intervenant·es sont formel·les, afin d’y parvenir, chacun·e doit œuvrer à son échelle, à commencer par remettre en question ses propres pratiques et pensées. “La conscience est quelque chose que nous devons actualiser tous les jours” conclut Sandrine Brauer.

Louise Lucas 50-50 Magazine

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