Articles récents \ DÉBATS \ Tribunes Le grand remplacement, vite !

Nous, féministes internationalistes et humanistes, nous appelons de nos vœux un grand remplacement. Après des siècles d’avidité pour le pouvoir, les territoires et leurs ressources et/ou l’argent, une caste d’hommes puissants a conduit les pays européens aux pires exactions depuis la colonisation des Amériques, puis des guerres coloniales au XIXe s. suivies par les deux guerres mondiales et celles qui ont éclaté de par le monde depuis, souvent comme conséquences des précédentes qui ont imposé des réorganisations géopolitiques pour le moins arbitraires et fragiles. Le patriarcat belliqueux et dominant a sacrifié des millions d’hommes « ordinaires » sur les champs de bataille au nom de « l’honneur », mais plus souvent du profit – en particulier celui des marchands d’armes et des grands industriels, pendant que des millions de femmes devaient faire face à toutes les tâches pour éviter l’effondrement des sociétés dans lesquelles elles vivaient – trop souvent en fabriquant des munitions pour que les combats qui allaient leur arracher un père, un frère, un fils, ou un mari puissent se poursuivre.

Après avoir dévasté la planète avec ses guerres et parachevé son œuvre « civilisatrice » avec Nagasaki et Hiroshima où des milliers de victimes furent à déplorer parmi les populations civiles, une poignée d’hommes a organisé la mise à sac de la planète – en particulier des pays dits alors du « Tiers Monde » dont ils s’accaparaient les ressources disponibles, sans respect aucun pour les populations locales et les générations à venir. Enfin à la fin du XXe siècle, en délocalisant le maximum de productions industrielles en Chine et dans les pays à bas coût de main d’œuvre, au mépris du respect des droits des travailleurs et du respect de l’environnement, ils ont fait entrer notre civilisation dans l’air de l’obsolescence programmée et du gaspillage généralisé qui génèrent des montagnes de déchets et d’innombrables pollutions.

Ce petit club très fermé de mâles dominants, le plus souvent blancs mais pas toujours et de moins en moins… a fait son temps. Ils ont atteint leur date de péremption et le temps est venu du grand remplacement. Il est temps que les femmes se lèvent pour refuser vigoureusement toutes ingérences masculines dans la conduite de leur vie et la maîtrise de leurs corps, mais aussi pour imposer des valeurs de collaboration opposables à celles de la compétition féroce qui gangrène aujourd’hui l’économie mondiale au nom du toujours plus. Partout les femmes ont le devoir de faire barrage à la haine et au fascisme qui se dressent sur des ergots profondément masculinistes et réactionnaires, souvent par dépit, au nom d’un passé mythique qui n’a jamais existé et qui n’a aucune légitimité ni pertinence à être ravivé. Le temps de Napoléon est passé, aucune femme sensée ne peut rêver d’une époque où ses semblables étaient infantilisées à vie en raison de leur sexe. Sous le joug d’abord d’un père puis d’un mari, ensuite parfois d’un fils, elles n’étaient pas considérées comme des citoyennes de plein droit et n’avaient pas voix au chapitre dans la conduite des affaires du monde, que ce soit économique ou politique. N’oublions pas que dans de trop nombreux pays, c’est encore le quotidien de beaucoup de femmes.

La mondialisation d’aujourd’hui, fruit de siècles d’échanges commerciaux, intellectuels, scientifiques et culturels entre les pays a certes des défauts, mais elle a produit des sociétés nouvelles, plus ouvertes, tolérantes et vivantes dans lesquelles nous nous enrichissons de nos différentes cultures tout en nous reconnaissant semblables en notre commune humanité qui n’a ni sexe, ni couleur, ni classe, ni religion. N’en déplaise à certains qui pensent que leur sexe, leur couleur, leur fortune ou leur religion leur donneraient plus de droits qu’aux autres ! Parce qu’ils se sentent « menacés » par l’émancipation toujours plus grande des femmes du monde entier et par les revendications légitimes de celles et ceux qu’ils ont relégués aux marches de la prospérité, que ce soit dans les campagnes ou les banlieues, des cohortes d’hommes frustrés se rassemblent dans des bains de testostérone nauséabonds pour tenter de relégitimer leur domination par la violence, la discrimination et la stigmatisation de celles et ceux qui ne leur « ressembleraient pas »

Parce que notre pays a besoin de réparer ses fondations sociales, de restaurer la liberté en cessant de criminaliser les pauvres, les contestataires ou les étrangèr·es, de revivifier l’égalité en assurant un avenir à tout enfant qui naît aujourd’hui en France et de rendre enfin effective une fraternité ou plutôt une solidarité entre toutes les citoyennes et les citoyennes, nous avons besoin d’un grand remplacement !

Nous avons besoin de remplacer le patriarcat et son sexisme endémique par des relations humaines basées sur l’égalité et la mixité à tous les niveaux de décision et d’organisation. Nous avons besoin de remplacer l’entre-soi de la classe dominante qui protège ses intérêts au mépris du bien commun et de l’intérêt général par une démocratie vivante et participative à tous les échelons de la vie locale et nationale. Nous avons besoin de remplacer l’avidité néolibérale destructrice de notre planète à court et moyen terme par une démocratie mondialisée qui protège le vivant, l’eau, la terre et l’air comme des biens communs inaliénables et inappropriables.

Ce grand remplacement passera par les femmes qui sont depuis toujours en charge de la production et de la protection de la vie , de la naissance à la mort, avec le plus souvent peu de reconnaissance. N’oublions pas que tous ces travaux d’éducation et de soins, souvent difficiles et parfois ingrats, sont le plus souvent confiés aux femmes, d’origine modeste et/ou immigrée pour les plus pénibles et les moins rémunérés. Invisibles pour nos hommes « puissants », elles leur sont pourtant indispensables comme vient de le prouver la crise du covid19. Elles gèrent tous leurs problèmes domestiques, s’occupent de leurs enfants et de leurs vieux parents, parfois au détriment de leur propre famille !

En parallèle des hommes des mêmes catégories sociales gardent leurs biens, surveillent leurs entreprises ou leurs domaines, poussent les brouettes sur leurs chantiers ou vident leurs poubelles…mais jamais gratuitement. Si notre caste de puissants s’est considérablement enrichie depuis deux ans, en partie sur le travail gratuit des femmes qui ont contribué à éviter un dramatique collapsus social et économique, la paupérisation d’une large partie de nos concitoyen.nes s’est aggravée.

Pourtant de belles idées avaient germé pour « le monde d’après » ! Où sont-elles passées ? Où sont les voix de celles et ceux qui inventaient un autre monde possible ? Aujourd’hui la bêtise et les rodomontades les plus viles occupent les médias et dégoulinent sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui sont prêts à offrir le pire d’eux-mêmes alors que c’est du meilleur dont nous avons besoin pour conserver une planète vivable pour toutes et tous et construire un monde meilleur pour les jeunes générations.

Les femmes sont toujours plus nombreuses à s’engager dans les luttes sociales et environnementales, parfois au péril de leur vie, et nous les invitons toutes à réfléchir davantage aux conséquences sociales et économiques que pourraient avoir leur vote et au prix qu’elles auraient à payer dans une société dont le gouvernement s’appuie sur la violence et l’exclusion. Comment peut-on donner sa voix à un prédateur qui vous voie comme une proie ? Est-ce dans un monde de sauvagerie entre les sexes que nous voulons vivre ? La lutte contre les violences faites aux femmes passe par une lutte sans merci contre les prédateurs et tous ceux qui souhaitent assigner les femmes au rôle de proies, qui veulent les asservir par leur pouvoir, leur force ou leur argent, quand ce n’est pas par des lois « sur mesure » qui les protègent de leurs exactions (viols, incestes, harcèlement, féminicides…). N’oubliez pas que ce sont les mêmes qui transpirent la haine « de l’autre » et le mépris des femmes. On ne fait pas société en cultivant la haine et le mépris. On ne transige pas avec le patriarcat, on l’abat !

Ce grand remplacement que nous appelons de nos vœux fait appel à l’intelligence des femmes (mais aussi des hommes) qui voudront bien travailler ensemble à la construction d’une société française plus démocratique et plus inclusive, au rétablissement d’un État qui joue pleinement son rôle en matière de protection sociale et écologique.

Il est grand temps que celles et ceux qui veulent et peuvent encore redonner des forces aux services publics (santé, éducation, transports, énergie, justice…) et s’opposer à une destruction irréparable de nos espaces vitaux s’allient pour rendre effectif un grand remplacement !

Marie-Hélène Le Ny 50-50 Magazine

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