Brèves Fausse couche, vrai vécu

En 2022, en France, une grossesse sur quatre se solde par une fausse couche dans les 22 premières semaines d’aménorrhée. Et une femme sur dix risque de subir une fausse couche au cours de sa vie. Chaque année, 200 000 Françaises traversent cette épreuve. Nous l’avons traversée au moins une fois. Ou connaissons tou-tes au moins une femme, un couple l’ayant vécu. Cette femme, c’est votre amie, votre sœur, votre conjointe, votre collègue, votre patiente…

Toutes nous avons été confrontées à l’omerta liée aux fausses couches. À ce silence violent et insidieux. Ensemble, nous décidons de lutter contre cet isolement et de rompre ce tabou.

La fausse couche est un sujet de société, une étape potentielle de la maternité qui n’a pas à être cachée. Reconnaissons-la.

D’ailleurs commençons par les mots. Finissons-en avec l’expression “Faire une fausse couche” qui culpabilise et invisibilise. Parce que rien n’est faux, et que tout est vrai. Parce que nous ne faisons pas les fausses couches, mais les subissons. Et que les mots pèsent sur nos esprits, dictent nos pensées et influencent nos actes. Parlons d’arrêts naturels de grossesse. Car c’est bien ce dont il s’agit et ce que nous vivons dans nos corps.

Subir un arrêt naturel de grossesse, c’est pour de nombreuses femmes un événement traumatique. Un événement qui a des conséquences aussi bien physiques que psychologiques. Pour beaucoup ce sont des contractions, des hémorragies pendant plusieurs jours, une solitude extrême, un silence total, une incompréhension, de la culpabilité, un sentiment de vide et de honte. Et même si toutes ne le vivent pas mal, il s’agit d’un événement tout sauf anodin.

Subir un arrêt naturel de grossesse, c’est encore trop souvent être face à un-e praticien-ne de santé qui nous dit que l’événement est “banal” sans en reconnaître l’absolue singularité, que “la nature est bien faite”, qui nous renvoie chez nous sans explication ni suivi, pour finir d’expulser notre embryon aux toilettes.

Subir un arrêt naturel de grossesse, c’est courir encore plus de risque de subir une violence gynécologique et obstétricale, des procédures et paroles brutales et déshumanisantes, sans informations ni précautions.

Subir un arrêt naturel de grossesse, c’est devoir quémander un arrêt de travail qui nous précarise (par le délai de carence). C’est, pour beaucoup d’entre nous, rentrer chez nous sans même s’imaginer, faute d’information, qu’on pourrait obtenir un soutien psychologique professionnel.

Subir un arrêt naturel de grossesse, c’est n’oser en parler à personne de peur de déranger, d’être désormais non pas porteuse de vie mais du mauvais œil. C’est recevoir des injonctions à aller de l’avant (“Au moins tu sais que ça fonctionne !”, “Ce sera pour la prochaine fois.”) et non la sollicitude d’un entourage que l’on souhaiterait empathique. C’est s’apercevoir que personne n’a appris à accueillir une telle annonce.

Subir un arrêt naturel de grossesse, c’est ne pouvoir se référer à rien de ce qu’on a appris à l’école, à aucune vulgarisation scientifique expliquant ce qui nous arrive. C’est donc laisser à la superstition toute la place pour nous désigner comme coupables de ce qui nous arrive et nous silencier encore davantage.

Subir un arrêt de grossesse, c’est sentir le regard d’une société qui nous soupçonne par défaut d’avoir provoqué cet arrêt (“Tu étais stressée”, “Tu aurais dû te reposer”, “Tu n’étais pas prête”, “Qu’as-tu fait ?!”, “Tu le voulais vraiment ?”). C’est être dans une nébuleuse de culpabilité fondée sur un discours qui trop souvent nous désigne responsable, alors que ce fait est 100% biologique.

En 2022, l’arrêt naturel de grossesse est un phénomène encore trop peu pris en charge au sein de notre société. Il n’est associé à aucun protocole d’accompagnement, à de trop rares formations des praticien-nes de santé, et à aucun droit spécifique au niveau RH. L’arrêt naturel de grossesse est tellement invisibilisé qu’on ne sait même pas comment en parler ni comment l’accompagner. Le manque d’information à l’échelle de la société plonge les individus dans une solitude immense et peut laisser la marque d’un traumatisme durable chez les femmes et leurs conjoint-es.

Tout cela peut être en grande partie évité ! En 2022, cela doit changer.

C’est justement parce qu’un arrêt naturel de grossesse est un phénomène fréquent, largement partagé et susceptible de nous arriver à tou-tes, qu’il est absolument nécessaire de le reconnaître et de le prendre en charge.

Aujourd’hui, nous demandons à notre futur gouvernement :

1. La mise en place d’une campagne nationale d’information multimédia sur les arrêts naturels de grossesse.

2. La mise en place d’un arrêt de travail 100% rémunéré d’au moins trois jours pour les femmes ayant traversé un arrêt naturel de grossesse et leur conjoint-e (à l’instar de la Nouvelle-Zélande).

3. L’augmentation du budget consacré aux hôpitaux pour permettre une meilleure prise en charge des arrêts naturels de grossesse, première cause de consultation aux urgences gynécologiques. L’augmentation des effectifs et la création de lieux dédiés dans les maternités (en finir avec les auscultations à côté des salles de naissance avec les pleurs de bébés en bruit de fond).

4. La mise en place de formations pour les sages-femmes et gynécologues obstétricien-nes, avec participation de patientes-expertes (comme c’est le cas au Canada depuis 30 ans), afin de permettre une meilleure prise en charge médicale des femmes qui viennent de subir un arrêt naturel de grossesse.

5. L’intégration aux programmes de SVT et dans les cours d’éducation à la sexualité, dès le collège, d’un enseignement sur les arrêts naturels de grossesse, leurs causes biologiques et leurs manifestations concrètes et corporelles.

6. La mise à disposition d’un livret sur les arrêts naturels de grossesse dans toutes les maternités, PMI et cabinets de généralistes, sages-femmes et gynécologues, à destination des femmes, de leur conjoint-e et de leurs proches. Livret comprenant des éléments explicatifs, mais aussi la mention d’associations, groupes de paroles, psychologues spécialisé-es, pouvant leur venir en aide.

7. Offrir la possibilité d’un suivi psychologique remboursé pour les femmes qui vivent un arrêt naturel de grossesse et leur conjoint-e afin de les aider à traverser cet événement et à envisager sereinement une future grossesse.

8. La création d’un numéro vert dédié aux femmes et à leur conjoint-e lors d’arrêts naturels de grossesse. Une plateforme d’écoute qui informe et oriente vers des dispositifs d’accompagnement et de prise en charge.

Reconnaître les arrêts naturels de grossesse, c’est accorder du crédit à ce que vivent les femmes, c’est reconnaître et défendre la dignité de nos corps.

Reconnaître les arrêts naturels de grossesse, c’est prendre soin des personnes qui les vivent. C’est nous accompagner et nous permettre de continuer plus sereinement notre chemin vers la maternité.

Reconnaître les arrêts naturels de grossesse, c’est accepter que les parcours vers la parentalité soient pluriels. C’est accorder le droit aux compagnons de vivre leurs émotions et de sortir d’un discours de résistance viriliste. C’est reconnaître que ces parcours sont tous dignes d’être entendus.

Reconnaître les arrêts naturels de grossesse, c’est dire à nos filles et nos fils que les parcours vers la maternité peuvent être cabossés, compliqués et douloureux, mais qu’il existe des solutions collectives pour y faire face.

Reconnaître les arrêts naturels de grossesse, c’est avant tout libérer la parole, créer du lien entre tou-tes (femmes, hommes, soignant-es, employeur-euses, famille, ami-es) pour mieux le vivre ensemble !

Les arrêts naturels de grossesse sont un sujet de société qui nous concerne tou-tes. Mobilisez-vous avec nous, faisons-nous entendre ! Partagez notre tribune et signez notre pétition, car ensemble on est plus fort-es ! 

La pétition

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