Articles récents \ Monde \ Europe Ada Santana Aguilera : « Federación Mujeres Jóvenes se bat pour la jeunesse »

Les membres de Mujeres Jovenes

La Federación Mujeres Jóvenes est une des nombreuses organisations qui se battent pour les droits des femmes en Espagne. Elle se focalise sur les problématiques des jeunes femmes. Sa présidente actuelle, Ada Santana Aguilera, a reçu 50-50 Magazine dans ses locaux au cœur de Madrid.

Qu’est-ce que la Federación Mujeres Jóvenes et pourquoi cet accent sur les jeunes ?

La Federación Mujeres Jóvenes a été créée en 1986, à la suite d’un constat : les jeunes femmes n’ont pas vraiment leur place dans la lutte pour l’égalité. Le monde du féminisme de l’époque était très adulte et n’acceptait pas vraiment les jeunes. Le monde juvénile, quant à lui, était très masculin et n’acceptait pas les filles. Mes prédécesseuses ont donc fondé la Fédération pour que les 14-30 ans puissent se réunir avec des personnes ayant les mêmes problématiques. Federación Mujeres Jóvenes se bat pour la jeunesse. Par exemple cette année nous travaillons sur des questions comme les femmes dans le numérique, la vie nocturne ou encore les troubles du comportement alimentaire. Toutes ces problématiques se retrouvent plus chez les jeunes générations. Et puis cela permet une cohésion de groupe plus importante. Déjà entre les membres de 14 ans et celles de 30, je trouve parfois difficile de trouver des affinités. Le souci de cette politique, c’est que, lorsque nos membres atteignent la trentaine, c’est vraiment dur de les voir partir. Généralement elles rejoignent une autre association féministe, donc nous ne perdons pas contact pour autant mais c’est dommage de les voir s’éloigner. Je me dis que ce serait peut-être une bonne idée de créer un espace séparé de Mujeres Jóvenes pour les plus de 30 ans, pour ne pas perdre ces brillants cerveaux. Ça serait une possibilité pour conserver notre essence.

Quelles sont vos principales actions ?

Dans la Fédération, nous sommes fières de notre système de contact en ligne. Sur le site, les jeunes peuvent envoyer des messages anonymement ou non pour avoir des conseils. En ce moment il y a deux formulaires d’assistance : un sur les troubles du comportement alimentaire et un sur la sexualité. Les questions peuvent parfois être très difficiles, mais nous avons des professionnel·les qui sont là pour leur répondre. Elles/ils peuvent donner des contacts utiles, des conseils juridiques ou même juste être une oreille, parce que parfois c’est tout ce qu’il leur faut. Cette fonctionnalité a eu beaucoup de succès sur le site. En fait, il y a même eu des messages venant d’Amérique Latine, de jeunes nous demandant de l’aide. Bien sûr, nous avons dû les inviter à contacter quelqu’un de leur pays parce que nous ne pouvons pas demander à nos écoutant·es de se renseigner sur les lois de tous les pays d’Amérique du Sud ou de connaître toutes les référence de ces derniers. Mais cela a tout de même servi à nous prouver la popularité de cette initiative. Nous proposons aussi régulièrement des formations sur tous ces sujets pour donner des outils aux jeunes. Pour les lectrices/lecteurs, nous avons aussi de nombreux guides qui résument les enquêtes que nous menons, les conseils que nous donnons etc. Tout est en libre accès sur le site. Nous proposons aussi nos contenus sous format d’affiches et de marques pages par exemple pour que celles/ceux qui le souhaitent puissent les imprimer et les mettre à disposition. Nous essayons de couvrir autant de terrain que possible.

Où trouvez-vous les fonds pour mener tous ces projets ?

Nous avons la chance et l’honneur d’être reconnues d’utilité publique, ce qui vient avec des avantages financiers certains. Nous avons des subventions qui viennent directement de l’Etat, plus précisément du ministère pour l’Egalité Femmes/Hommes. Le souci avec les financements de ces entités, c’est qu’ils ne voient pas au long terme. Ce sont toujours des subventions sur un an, donc nous ne pouvons pas avoir de stratégie au-delà d’une année. C’est toujours assez instable. D’autres projets peuvent aussi nous être proposés. Par exemple la mairie de Madrid nous a déjà contactées pour venir faire des conférences ou animations.

Qu’est-ce qui se trouve ici, au 4 Calle Bravo Murillo à Madrid ?

Ici nous sommes au point géographique le plus féministe de la capitale je pense. L’immeuble réunit une dizaine d’associations féministes sous un même toit. Il y a des espaces communs de réunion ou de conférence mais aussi des bureaux propres à chaque association. Cela facilite vraiment les partenariats et la convergence des luttes quand il faut juste aller taper à la porte d’à côté pour demander si nous devrions nous associer sur tel ou tel projet. Je crois qu’en France vous avez le même concept avec la Cité Audacieuse à Paris. Mais ici nous sommes beaucoup plus discrètes/discrets. Depuis la rue il n’y a rien qui puisse laisser penser que c’est un lieu dédié au féminisme : pas de pancarte, pas de sticker, pas même de nom. Vous avez aussi pu remarquer que c’est toujours fermé à clé. Il ne nous est jamais rien arrivées depuis que nous sommes là, mais nous ne voulons quand même pas tenter le diable. On ne sait jamais.

Qu’en est-il du féminisme en Espagne aujourd’hui ?

Je dirais qu’il est beaucoup plus présent et accepté qu’avant. Ces dernières années, il y a vraiment eu une sorte de réveil de la société. Je vois beaucoup d’améliorations. Déjà constitutionnellement, on peut dire que ça y est, que nous avons gagné. Sur le papier, les femmes et les hommes sont égaux. Ce qui est un sacré pas en avant en soi. Nous savons que sur le terrain, nous en sommes loin, mais c’est quand même plus que ce qu’on avait il y a quelques années. Maintenant, il faut continuer pour en finir avec l’inégalité salariale et puis pour atteindre l’égalité dans d’autres domaines. En revanche, paradoxalement, je trouve que le manque de conscience féministe est en hausse chez les jeunes. Beaucoup ne se sentent pas très concerné·es par la lutte et cela m’attriste. Le plus souvent, ce qui fait changer d’avis les jeunes femmes, c’est quand elles sortent faire la fête entre ami·es. C’est là qu’elle se rend compte que la société les charge d’un grand nombre d’injonctions qui la bride et qui lui fait ressentir l’insécurité environnante. Donc nous devons nous motiver et nous donner à fond pour faire bouger les choses, même si ce n’est qu’une virgule, cela vaut la peine quand même.

Propos recueillis et traduits par Eva Mordacq 50-50 Magazine

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