Articles récents \ Monde \ Europe La pornographie, une guerre contre les femmes

Depuis février dernier la guerre fait rage en Ukraine. Cette invasion sous ordre du président russe Vladimir Poutine n’est pas sans conséquences pour les femmes. Alice Bordaçarre, responsable du bureau droit des femmes de la Fédération Internationale des Droits Humains l’explique : « Il y a des violences sexuelles et basées sur le genre commises à l’heure actuelle contre les Ukrainiennes par l’armée russe ». La pornographie se nourrit de ces violences pour alimenter son contenu, sans considérations pour les horreurs de la guerre. Les actions militantes se succèdent pour dénoncer les viols, notamment de la part des FEMEN qui sont un groupe féministe d’origine ukrainienne.

Le 23 avril dernier, le pont Alexandre III, symbole de l’amitié franco-russe, à été inondé de faux sang, le champ de mars à vu des dizaines de femmes abordant le drapeau de l’Ukraine sur leurs poitrines… Ces prises de conscience et mouvements de dénonciation n’empêchent pas de remarquer une corrélation entre les violences, le sexe et la domination exercée sur les femmes.

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Pornhub, l’un des plus grands sites pornographiques grand public au monde, a dévoilé ses « Trending Searches ». Parmi le top trois des recherches les plus courantes depuis la déclaration de guerre se trouvent « Ukrainian » et « War ». La fétichisation des femmes ukrainiennes est montée en flèche avec +110% de recherches en lien avec les Ukrainiennes, la guerre et la pornographie, comme par exemple : « refugee porn »« war porn », « Russian soldiers rape Ukrainian » (soldats russes violent une ukrainienne). Ces recherches montrent la dangerosité de l’accès non restreint à la pornographie, les contenus les plus horribles sont normalisés et même populaires !

Une des raisons est que la pornographie est très accessible. Les plus jeunes y sont confrontés très tôt comme le montre le témoignage de Billie Eilish dans l’émission de radio américaine The Howard Stern Show : « J’ai commencé à en regarder quand j’avais 11 ans. Je pense que ça a vraiment détruit mon cerveau et je me sens tellement dévastée d’avoir été exposée si tôt à la pornographie. Je pensais que c’était comme ça qu’on apprenait à avoir des relations sexuelles. Pour être honnête, je regardais du porno abusif quand j’avais 14 ans. C’est arrivé au point où je ne pouvais plus rien regarder d’autre, à moins que ce ne soit violent, je ne pensais pas que c’était attirant ». L’exposition à la pornographie peut avoir de lourdes conséquences sur la santé mentale et la vie sexuelle des jeunes qui tentent alors de reproduire ce qu’elles/ils ont vu dans des vidéos pornographiques et donc réaliser des choses auxquelles elles/ils ne sont pas totalement prêt·es. Cette éducation à la sexualité violente provoque une dépendance sur le cerveau du/de la spectatrice/spectateur, le contenu auquel elle/il accède doit être toujours plus violent et dégradant pour maintenir la nouveauté. Cela entraine donc la création de contenus de plus en plus violents et une montée de violences envers les femmes en réaction.

Une autre raison est que cette recherche est le reflet d’une faible estime de soi et d’un besoin de se sentir au-dessus des autres par la domination de plus faibles que soi. Les femmes, surtout en temps de guerre, sont surreprésentées dans les médias en tant que victimes comme le montre le rapport de 2020 du Global Media Monitoring Project qui est la plus grande étude sur le genre dans les médias du monde entier et la plus grande initiative de « plaidoyer » sur le changement de la représentation des femmes dans les médias.

La femme objet

Le consentement est une notion souvent absente du vocabulaire de la pornographie. Les rapports se font rapidement, sans paroles et se centrent sur la pénétration. La femme n’est qu’objet ayant pour seul but d’exciter le spectateur. Peu de contenus se centrent sur l’érotisation, la douceur et le plaisir féminin. Pour trouver ces contenus, les sites proposent dans la barre de recherche « pornos pour femmes ». C’est une injonction de plus faisant croire aux hommes qu’il n’est pas normal pour un homme d’être excité par des vidéos douces et sentimentales. Le message étant « c’est un truc de nana ». Le non-consentement est source d’envie. Une femme qui résiste est deux fois plus attirante qu’une femme qui se donne tout de suite, sinon il n’y a pas de challenge… La preuve en image dans les films de Harrison Ford, et tant d’autres !  Une conséquence de cette culture du non-consentement est qu’à l’ère du digital, où il est possible de trouver tout et n’importe quoi en libre accès sur internet, des hommes s’amusent à prendre des photos sous les jupes des femmes dans le métro. Ces hommes ne sont pas excités par une photo suggestive postée volontairement par une femme mais par l’interdit, le traumatisme et le sentiment de peur.

Les méthodes de l’industrie pornographique sont identiques à celles des réseaux de traite des êtres humains : soumission par le viol, exploitation, mise sous terreur, inversion de la culpabilité. Elle s’appuie sur l’idée misogyne qu’une femme aurait besoin d’être dégradée pour éprouver du plaisir. La pornographie véhicule l’idée selon laquelle la sexualité est indissociable de la brutalité. C’est une idée que l’on retrouve dans les discours de justification du viol. Les femmes doivent rester à leur place, soumises au pouvoir des hommes. Et c’est ce qui se passe en Ukraine, les témoignages de disparitions, d’exécutions sommaires, de tortures, de viols de femmes et d’enfants dans plusieurs villes se multiplient et servent de fantasmes sexuels plus que dérangeants !

L’impact de la pornographie n’est pas limité aux femmes qui subissent des violences sur les tournages mais s’impose à l’ensemble de la société. 

Camille Goasduff 50-50 Magazine

Voir aussi : Alice Bordaçarre : « Il y a des violences sexuelles et basées sur les genre commises à l’heure actuelle contre les Ukrainiennes par l’armée russe » 

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