Articles récents \ France \ Société Dominique Brogi : « Monsherif© rend la liberté et la sécurité au quotidien »

Dominique Brogi avec son prix Tech for Women remis pour sa solution Monsherif

Dominique Brogi est l’inventrice du dispositif Monsherif©, un petit bouton permettant de combattre l’insécurité et les violences. Cette solution à la technologie précurseur, lancée dès 2016, permet d’alerter les proches en cas de danger et de faire un enregistrement vocal pour rassembler des preuves qui pourront servir dans le futur.

Qu’est-ce que Monsherif© ? 

Monsherif©, est une application et un petit boîtier connecté qui, ensemble, permettent de sécuriser et de protéger les personnes vulnérables. Grâce au bouton, en moins d’une seconde, beaucoup de choses peuvent être faites. Un clic envoie la position géolocalisée à cinq contacts de confiance avec un message préprogrammé par l’utilisatrice. Ce message peut rassurer “ Je suis avec papa, tout se passe bien ” ou, au contraire, alerter sur le fait qu’il y a un danger potentiel : “ Eric est présent. J’aurais besoin d’une distraction pour filer ”. Deux clics envoient une alerte d’urgence géolocalisée à ces cinq proches. Elles/ils reçoivent par SMS la position et une invitation à contacter les secours avec toutes les informations sous la main. Il y a aussi un lien Zoom sur lequel peuvent se connecter les proches pour décider de la marche à suivre.

Un long clic peut déclencher une alarme au son très fort pour capter l’attention de proximité pour obtenir de l’aide et pour faire fuir, ou un enregistrement sonore qui peut servir comme preuve devant la justice. La restitution de preuves est en effet un enjeu réel pour les victimes de violences. Nous le savons tou·tes : le parcours judiciaire peut être rude. Les victimes doivent, ironiquement, défendre leur parole pour être crues ! L’enregistrement permet donc d’amener des preuves irréfutables devant le parquet.

Pourquoi avoir pensé à un boitier connecté ?

Le téléphone c’est très bien mais, face à une situation de danger, quelle qu’elle soit, il n’est pas toujours évident de le sortir, de taper son code, de chercher le clavier d’appel et de composer le 17… Tout cela peut même faire escalader la situation si l’agresseur s’en rend compte. Parfois, il le confisque même ! Il faut donc être capable d’appeler à l’aide discrètement et silencieusement. Un tout petit bouton est donc idéal. C’est aussi pour cela que nous proposons notre solution sous trois formes : un petit boîtier qui peut s’accrocher aux sous-vêtements, un autre déguisé en accessoire pour sac à main et un dernier dissimulé dans un bijou. Il peut donc être à portée de mains sans éveiller les soupçons. Les prix pour cette technologie vont de 50 à 90 € pour nos plus beaux modèles de collier.

Le boitier Monsherif© accroché à la bretelle d’un soutien-gorge.

Quel est votre public ?

Nous nous adressons à toutes les personnes exposées à des situations à risque par leur âge, leur métier, leur loisir, ou encore leurs conditions médicales. Notre public est donc très large, il inclut aussi bien des personnes que des entreprises ou des collectivités qui le prescrivent. En parallèle, avec la mise en lumière du problème des violences intra familiales et des féminicides, Monsherif © s’est imposé comme une solution incontournable et indispensable. Et malheureusement, il faut reconnaître une réalité : les femmes sont plus souvent les victimes de ces violences que les hommes. Notre public est donc essentiellement féminin.

Tout cela est parti d’une histoire épouvantable : en 2018, avant le Grenelle contre les violences de 2019, j’échangeais avec une femme au sujet de mon activité professionnelle et lorsque je lui ai expliqué les fonctionnalités de Monsherif © , son visage s’est fermé, pour devenir livide. J’ignorais qu’elle était alors présidente du tribunal judiciaire d’Auxerre. Elle m’a expliqué que la semaine précédente, elle avait perdu une femme qui avait été découpée au sabre par son mari, qui avait aussi tué leur fille de 10 ans. Pour elle clairement, le dispositif Monsherif © aurait pu éviter ce double drame. Depuis cette rencontre, nous travaillons en lien direct avec les instances judiciaires. Des procureur·es et des président·es de tribunaux prescrivent Monsherif© en cas de violences conjugales.

Enfin avec tous les drames liés aux attaques terroristes et aux violences urbaines croissantes, le dispositif Monsherif© a trouvé un nouveau public. Il sert à protéger et à sécuriser les personnes à risque parce que dépositaires de l’autorité, dans leur sphère professionnelle comme privée. Les commerçant·es également, en offrant une alternative aux systèmes de protection connus et repérés, sans oublier les personnes cibles de violences en raison de leur appartenance religieuse ou orientation sexuelle. Ainsi nous soutenons des personnes de la communauté LGBTQIA+

Pour résumer, ce dispositif doit ramener la sérénité et la liberté au quotidien. Peu importe le contexte. 

Vos efforts ont-ils été remarqués ? 

Incontestablement oui. Pour deux raisons diamétralement opposées. D’une part, j’ai eu l’honneur de recevoir le prix Tech for Women de 2021, remis à l’UNESCO, qui récompense les initiatives voulant améliorer le quotidien des femmes. Ce fut une grande fierté, bien sûr.

Mais d’un autre côté, nos avancées probantes en matière de lutte contre les violences intra familiales nous ont aussi mises sous les projecteurs, ce qui m’a valu l’hostilité de la ministre Elisabeth Moreno et une situation de blocage invraisemblable au détriment des victimes. Dieu merci cet épisode s’est achevé avec les dernières élections présidentielles et l’arrivée de personnes compétentes dans les ministères concernés qui connaissent concrètement l’efficacité du dispositif Monsherif©.

Il était plus que temps. A ce que je sache, le nombre de féminicides ne décroit pas et toutes les solutions qui contribuent à éradiquer ces drames doivent être appliquées. Il n’existe aucune solution miracle, mais bien une chaîne de volontés bienveillantes, actives et compétentes pour agir et Monsherif© en fait partie.

Comme le dit si bien une avocate : « Monsherif© a encore très bien fonctionné ce matin, victime sécurisée et auteur en garde à vue ! ».

Propos recueillis par Eva Mordacq 50-50 Magazine

Lire aussi : Marie-Charlotte Lunay : “Je voulais agir en amont pour éviter des années de souffrance à ces femmes”.

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