Articles récents \ Monde \ Europe L’Espagne donne l’exemple en législation féministe

José Luis Rodriguez Zapatero, l’ex président d’Etat espagnol, se félicitait que son pays soit passé “ d’importer des droits pour l’égalité, à les exporter ”. La loi sur le mariage pour tous a été votée sous son gouvernement en juillet 2005. Aujourd’hui, il est témoin des lois précurseuses que le gouvernement actuel met en place pour les droits des femmes et l’inclusion des minorités, inspirant ainsi les pays voisins. 

Le 17 mai 2022, l’Espagne a approuvé un projet de loi visant à offrir un jour de congé par mois pour les femmes ayant des règles invalidantes. Beaucoup de femmes souffrent de règles très douloureuses et elles étaient jusque-là forcées à travailler avec cette douleur pourtant incapacitante. Une récente étude (1) a montré que le niveau de douleur causé par les règles serait comparable à celui causé par une crise cardiaque. Il semble difficile d’imaginer des employeuses/employeurs forcer leurs employés hommes à travailler dans ces conditions. C’est pourtant ce qu’elles/ils demandent à leurs employées femmes. 

L’Espagne est la première en Europe à sauter le pas et à proposer ce jour de congé payé à toutes. Cette décision a fait couler de l’encre, notamment en France. Sur LinkedIn, le réseau social qui se veut professionnel et équitable, des débats enflammés ont eu lieu. Des utilisatrices/utilisateurs de la plateforme ont proclamé que cette loi, si elle était appliquée en France, donnerait des excuses valables à la discrimination à l’embauche. En effet, pour certain·es employeuses/employeurs, ce serait une occasion en or pour ne pas embaucher les femmes et avoir tout à la fois une conscience tranquille. Autrefois l’excuse se cachait derrière le congé maternité. Cependant, depuis que des solutions comme le congé paternité viennent pallier cet argument, les pauvres misogynes n’ont plus d’excuse pour refuser d’embaucher des femmes ! 

Solo es un

La loi seul un oui est un oui, qui concerne le consentement dans les rapports sexuels, portée par Irene Montero, la ministre chargée de l’Egalité, a aussi mis le pays au devant de la scène des droits des femmes. La loi a elle aussi été adoptée en mai 2022 et elle change la donne. En effet, comparé à la France, l’Espagne protège aujourd’hui bien mieux les victimes de viol et d’agression sexuelle en rendant le consentement explicite obligatoire. Des arguments comme “ Elle n’a pas dit non ” ou “ J’ai senti qu’elle en avait envie ”, ne vaudront plus rien aux yeux de la justice espagnole. 

Actuellement, en France, la loi dit que “le viol est un acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise”. Elle ne parle donc pas de consentement. La victime doit prouver qu’elle a explicitement exprimé son désaccord à l’inverse de l’Espagne où l’accusé doit aujourd’hui prouver que la victime a explicitement exprimé son accord s’il veut être jugé innocent.

Les bracelets anti-rapprochement sauvent des vies

En cas de violences conjugales, les femmes espagnoles ont maintenant la possibilité de demander la mise en place d’un bracelet électronique anti-rapprochement qui, lorsqu’il est à proximité du boîtier porté par la victime, déclenche une alerte sonore et appelle automatiquement les services de police. 2500 dispositifs de la sorte étaient actifs en 2021.

Ce système permet de rendre une certaine liberté aux femmes, tout en limitant les risques de féminicides, même s’il faut souligner qu’il ne les fait pas disparaître. En effet, puisque l’alerte n’est donnée que si la distance est inférieure à 500 mètres, l’agresseur a plus que le temps de passer à l’acte avant que la police n’intervienne. C’est donc un outil de plus pour combattre les violences intra familiales, mais cela ne solutionne pas le problème dans son entièreté. De plus, ce boîtier impose une charge mentale conséquente à la victime qui doit l’avoir avec elle à toute heure du jour et de la nuit. En Espagne, les premières versions de ce dernier n’avaient qu’une seule et unique sonnerie. Cette dernière pouvait autant indiquer qu’il lui restait peu de batterie ou que la victime était en danger de mort. Il faut imaginer le niveau d’anxiété lié à cette notification omniprésente. 

La France, dix ans plus tard, a enfin emboîté le pas à l’Espagne et propose ce même dispositif depuis fin 2020. Il faut cependant noter que le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, se félicitait le 24 septembre 2020 que “l’administration pénitentiaire dispose d’ores et déjà d’une capacité opérationnelle permettant de gérer 1000 bracelets, ce qui est particulièrement conséquent”. Ce qui en dit long sur son manque d’ambition. En effet, en 2019, plus de 140.000 victimes de violences conjugales étaient recensées dans le pays. 

Eva Mordacq 50-50 Magazine

1 Selon une enquête menée en 2016 par John Guillebaud, professeur de santé reproductive à l’University College of London, les douleurs menstruelles sont aussi douloureuses qu’une crise cardiaque

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Article déjà publié le 1 septembre 2022

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