Société Les annonces de prostitution, une manne pour la presse européenne
Dans de nombreux pays, la presse compte sur l’énorme manne financière tirée des annonces de prostitution. Certains de ces pays, comme la Grande-Bretagne et l’Espagne, envahis par l’esclavage sexuel et les maisons de passe, commencent à s’en inquiéter.
Le projet est à l’étude en Grande-Bretagne : poursuivre les publications qui offriraient un espace publicitaire aux trafiquants de femmes. Plusieurs affaires ont en effet révélé l’ampleur de l’appui que leur offre la presse, via le secteur des petites annonces. D’après les calculs britanniques, ce type d’annonce a rapporté plus de 44 millions d’euros aux journaux régionaux en 2006 et l’on estime que plus de 40 % des hommes qui se rendent dans les bordels ont connaissance de leur existence en lisant la presse locale .
En 2008, le groupe Newsquest, qui regroupe plus de trois cents titres à travers le Royaume Uni, a été le premier à prendre l’initiative de bannir ces annonces de ses pages. Une décision suffisamment rare pour être signalée, surtout dans un contexte de crise.
En Espagne, c’est le chef du gouvernement José Luis Zapatero lui-même qui s’est prononcé en juillet 2010 en faveur d’une interdiction des annonces de prostitution publiées dans la presse de son pays. El Païs, El Mundo, El Diario de Sevilla, La Razon, et jusqu’au très catholique et monarchiste ABC tirent des revenus substantiels des annonces incitant, en des termes crus, leur lectorat masculin à l’exploitation sexuelle des femmes. Sans surprise, l’association des éditeurs de journaux Aede a rejeté la perspective d’une interdiction qui irait à l’encontre de la « liberté d’expression et d’information». Il convient donc de saluer les deux quotidiens espagnols, Publico et 20 Minutos qui, en 2008, ont choisi de renoncer à cette source de financement à l’appel de la plate-forme pour l’abolition de la prostitution et l’exploitation sexuelle, qui regroupe environ une trentaine d’associations de femmes en Espagne.
La jeune journaliste Raquel Perez, de 20 Minutos, explique ainsi que son journal a choisi de « privilégier l’intérêt social en ne participant pas au développement des mafias ». Quant à Ignacio Escolar, directeur de publication du journal Publico, créé en 2007, il estime qu’il ne pouvait en être autrement : « Nous sommes un journal de gauche, il faut être cohérents. » Ignacio Escolar, qui parle de « trois à quatre millions d’euros par média » tirés des annonces de prostitution, a d’ailleurs poussé la cohérence jusqu’à élaborer pour son journal une charte interne, en partenariat avec les associations de femmes, pour définir un vocabulaire correct sur tout ce qui touche aux violences de genre.
Dans une Espagne qui compte de très nombreux bordels et « puticlubs », dont les prostituées majoritairement étrangères sont pour beaucoup des victimes de la traite, la prostitution constitue un business colossal estimé selon le Guardian à 18 billions d’euros par an. Plutôt engagé en faveur des droits des femmes depuis son arrivée au pouvoir en 2004, Zapatero a sans doute oublié que El Païs, le quotidien socialiste qui le soutient, est celui qui tire le maximum de revenus de ce secteur publicitaire : 5 millions d’euros annuels selon la Commission espagnole des droits de la femme. La jeune ministre de l’égalité Bibiana Aido a, quant à elle, dénoncé la complicité des médias avec les réseaux de prostitution et la normalisation de l’exploitation sexuelle
Si en France, les annonces de prostitution n’occupent pas une place aussi voyante que chez nos voisins, elles sont loin d’être négligeables. Une simple annonce peut être facturée au minimum 50 euros par jour à une seule personne prostituée par certains quotidiens régionaux qui n’en sont pas avares.
Claudine Legardinier ÉGALITÉ
www.croydonguardian.co.uk/news/bloodmoney/8489496.BLOOD_MONEY__Sex_advert_newspapers_face_prosecution/
http://www.guardian.co.uk/world/2010/jul/16/spain-sex-adverts-newspapers