Sport « Les médias doivent faire la promotion du football féminin »

Dans quatre mois, la France disputera la Coupe du monde féminine de la Fifa en Allemagne. En attendant, l’équipe participe au Tournoi de Chypre, qui se déroule du 2 au 10 mars. Avec ses 154 sélections, la capitaine, Sandrine Soubeyrand, a battu le record jusque-là détenu par Lilian Thuram. Elle croit en la victoire de son équipe et défend les qualités du football féminin français.

A 37 ans, vous êtes la doyenne de l’équipe, comment avez-vous vu évoluer le football féminin ?

Si je compare mes premières années en équipe de France avec aujourd’hui, ça n’a plus rien à voir. Notre sport évolue très vite car nous suivons le travail qui est fait chez les garçons. Nous appliquons les mêmes types d’entraînements, et leurs stratégies sont aussi de véritables sources d’inspiration pour nous.

Comment expliquer que le football féminin se soit développé aux Etats-Unis et en Allemagne mais pas en France ?

En France, nous sommes dans une société latine, machiste, où être une femme empêche d’accéder à certaines fonctions. En Allemagne ou dans les sociétés anglo-saxonnes, la situation des femmes est bien meilleure. Par exemple, le chef du gouvernement allemand est une femme. Même si c’est un symbole, ce n’est pas anodin. Dans ces pays, c’est la compétence qui compte et pas le sexe ou la beauté.

Chez nous, il faut prouver qu’on est féminine avant de pouvoir jouer au foot. Il est urgent de changer les mentalités. Nous comptons beaucoup sur les médias : il faut qu’ils parlent de nous, qu’ils fassent la promotion du football féminin.

Aux Etats-Unis certaines joueuses comme Mia Hamm sont devenue de véritables égéries. Vous imaginez-vous dans ce rôle-là ?

La culture américaine est complètement différente de la nôtre. L’identification aux sportifs est très forte. Si Mia Hamm est devenu une égérie c’est grâce à son physique bien sûr, mais aussi parce qu’elle a épousé un sportif célèbre (le joueur de baseball Nomar Garciaparra, ndlr). En France, le football féminin ne sera peut-être jamais exposé de cette façon mais ne pas être reconnue dans la rue me va très bien. L’essentiel est d’être reconnue dans le milieu du football.

Contrairement aux footballeurs, vous êtes obligée de travailler comme éducatrice sportive. Considérez-vous cela comme un handicap?

Je le prends comme un atout, même si avec cinquante matchs par an c’est parfois dur physiquement. Parmi les joueuses, toutes ne travaillent pas, mais l’argent que certaines gagnent ne leur suffira pas pour vivre après 30 ans. Mais je suis optimiste, je crois en la professionnalisation du football féminin. Cela permettra aux jeunes joueuses d’avoir un statut réglementaire et de continuer la pratique. On y gagnera en performances individuelles mais aussi collectives. C’est quand même plus motivant de vivre de sa passion quand on sait qu’il y a un salaire à la clé !

Participer à un sport moins médiatisé, est-ce que cela réduit le niveau d’exigence ?

C’est tout le contraire. On est dans une très grosse fédération qui a de gros moyen et occupe une place centrale dans le paysage sportif international. Les organisateurs attendent des résultats en contrepartie de leurs investissements. Notre objectif est de nous qualifier pour toutes les phases finales des compétitions.

Vous avez déclaré au journal l’Humanité en décembre dernier « le football féminin ne doit pas ressembler à celui des garçons », qu’entendez-vous par là ?

Nous déjà, on n’a pas d’argent, c’est la passion qui nous pousse sur le terrain.
Je n’ai pas l’impression que les garçons soient accro au foot. Régulièrement, je les entends dire qu’ils ne connaissent pas les équipes adverses. A l’heure actuelle, ils sont tellement surmédiatisés qu’on ne se reconnaît plus à travers eux.

Pour les handballeurs, par exemple, c’est tout le contraire. Même s’ils vivent très bien de leur sport, ce n’est pas que strass, paillettes et argent. Ils font rêver le public qui s’identifie à eux.

Pensez-vous que le fiasco des Bleus lors du mondial en Afrique du Sud pourrait rendre service au football féminin ?

Bien sûr. Depuis, les médias se sont davantage intéressés à nous. La chaîne Direct8 s’est même engagée à diffuser tous les matchs de la Coupe du monde.

Quels rapports votre équipe entretient-elle avec ses supporteurs et supportrices ?

En équipe nationale nous essayons d’être très proches de nos partenaires. On signe, on se déplace, les entraînements sont en accès libre. De temps en temps, des supporters sont invités à passer une journée avec nous. On en profite au maximum en gardant les pieds sur terre.

Joseph S. Blatter, le président de la Fifa, a déclaré « l’avenir du football est féminin ». Etes-vous d’accord avec lui ?

C’est avant tout une phrase choc qui permet de promouvoir notre sport. Il sait très bien que le football masculin est très développé et que le seul moyen de gagner des licenciés est de viser les filles.

Hélène Guinhut – EGALITE

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