Révolutions arabes : quels enjeux pour les femmes ? « Au Caire, nous avons été empêché-e-s de célébrer le 8 mars »
Témoignage de Sérénade Chafik, militante franco-égyptienne féministe.
Nous sommes allés hier devant le siège de la Sécurité d’Etat (*) dans le but de sécuriser les documents et de savoir où sont nos camarades prisonniers et disparus.
Des soldats nous demandent de nous mettre en rang et disent que c’est une question de temps, que les portes vont s’ouvrir.
Mais des casseurs armés arrivent, l’armée reste spectatrice.
Puis l’armée a tiré à balles réelles. En courant, j’ai failli tomber. Un jeune m’a relevée et m’a poussée devant lui. Un soldat m’a tirée de l’autre côté par les cheveux, il m’a donné des coups et envoyé des décharges électriques. Je suis cassée en mille morceaux, mais en vie et pas arrêtée…
Plusieurs d’entre nous ont été arrêtés. Au moins deux femmes, dont une journaliste.
Ils seront libérés plus tard.
(*) Environ 500 manifestants ont tentés le 6 mars de pénétrer dans le bâtiment de la Sécurité d’Etat, dépendant du ministère de l’Intérieur égyptien. Dans tout le pays des bâtiments de cette institution ont été pris d’assaut pour empêcher la destruction des dossiers établis sur la population et d’éventuelles preuves d’abus commis.
—
Le Caire, 8 mars 2011
Aujourd’hui, au Caire, il nous ne nous a pas été possible de célébrer la Journée internationale des femmes.
Nous étions une trentaine de femmes et quelques hommes.
Nous avions rendez-vous devant le syndicat des journalistes et nous avons défilé jusqu’à la place Tahrir.
Nos pancartes et slogans revendiquaient une nouvelle constitution pour un pays laïc et civil. Sur une de nos pancartes il était écrit « Plus de négociations pour les droits des femmes ».
Arrivé-e-s place Tahrir, une horde d’hommes nous a entouré-e-s, en criant « Islamique, islamique », « Chiite, chiite », « Les femmes, illégitimes », « Voilà les sionistes, voilà les espions, ces femmes ne sont pas Egyptiennes », « Le peuple veut la chute des femmes » !
Petit à petit, l’agressivité est montée. Nous n’avions plus le choix, c’était rester là ou subir des coups.
Nous sommes parties affligées de cet aspect de l’Egypte, prête à faire chuter un système et effrayée par les revendications d’égalité entre les hommes et les femmes. La route est longue pour changer les mentalités.
Voir notre interview de Sérénade Chafik du 22 février
—