Sport Femmes et sport : manque de temps, pressions culturelles et plafond de verre
Michèle André est sénatrice PS du Puy-de-Dôme. En juin dernier, elle a remis le rapport « Egalité des femmes et des hommes dans le sport : comme dans le marathon, ce sont les derniers mètres les plus difficiles » et a répondu à nos questions.
Le rapport révèle que si 64% des femmes affirment exercer une activité physique ou sportive au cours de l’année, 35% seulement sont licenciées dans des fédérations sportives. Les femmes font du sport, mais elles semblent manquer d’assiduité. « Le temps est une denrée rare pour les femmes. A un moment de leur vie, elles devront inévitablement faire un choix concernant leur temps libre », explique Michèle André.
Cet absentéisme féminin dans le monde sportif débute souvent à l’adolescence. Par exemple, à l’Union nationale du sport scolaire (UNSS), la catégorie benjamin-e-s (entre 10 et 13 ans) compte 16% de licenciées. Ce chiffre tombe à 2% dans la catégorie séniors (entre 19 et 23 ans).
Une sous-représentation dans l’encadrement sportif
Le rapport pointe plusieurs facteurs du décrochage des jeunes filles : les revenus de la famille – par exemple, lorsque les ressources de la famille s’élèvent à moins de 1830 euros, 45% seulement des filles pratiquent une activité sportive contre trois quarts des garçons –, les pressions culturelles et les problèmes psychologiques ou physiologiques dus à la perception de leur corps. L’absence de filles à l’UNSS prive le sport professionnel d’un vivier de futures athlètes.
Aujourd’hui, les femmes représentent 35% des sportives de haut niveau et un tiers des étudiants de la filière universitaire Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives), qui forme des chercheur-se-s, les professeur-e-s d’EPS, les entraîneur-e-s sportif-ve-s… Les femmes sont également sous-représentées dans l’encadrement des sportifs. Elles ne sont 14% à occuper un poste de conseillère technique et 10% à entraîner une équipe nationale. Dans les administrations sportives, elles restent minoritaires et occupent souvent des fonctions d’adjointes aux directeurs et chefs de bureau.
Qu’elles pratiquent un sport, entraînent ou participent à la gestion d’une fédération, les femmes se heurtent à un plafond de verre, tout comme dans le monde du travail. Le phénomène s’accompagne de pratiques sportives sexuées. Les femmes choisissent des sports « féminins » par excellence comme la danse, la gymnastique d’entretien ou l’équitation.
Les femmes représentent 79% des licencié-e-s des fédérations d’équitation et de gymnastique, 2,7% des membres de la Fédération française de football et 4,1% des licencié-e-s de rugby. Cause principale : l’image du corps de la sportive.
Les femmes plus endurantes
Les sportives pratiquant un sport « masculin » s’exposent à être considérées comme « masculines ». Elles sont « trop » grandes, « trop » fortes, « trop » musclées et s’éloignent des images traditionnelles de naïades des magazines.
Il existe également un cliché concernant la force physique des femmes. Elles seraient trop faibles physiquement. Une étude de l’Insep (Institut national du sport de l’expertise et de la performance) portant sur la préparation physique des athlètes des Jeux olympiques de 2012 a pourtant démontré que les femmes sont plus endurantes que les hommes et récupèrent mieux lorsque l’effort physique est long.
Si les sportives de haut niveau subissent les stéréotypes, il s’agit également d’un frein pour les amatrices. La pratique sportive exige des tenues spécifiques qui obligent parfois les femmes à se découvrir. William Gasparini, sociologue spécialisé dans le sport et professeur en Staps, explique que, dans les quartiers sensibles, les jeunes filles préfèrent jouer au football parce qu’il « se pratique avec pantalon et manches longues. » Mais les filles de banlieues ne sont pas les seules à abandonner les sports exigeants une nudité partielle.
La direction départementale de la Jeunesse et des Sports des Yvelines, un département réputé plutôt privilégié, a constaté un fort absentéisme des filles aux cours de natation : « Musulmanes ou non, toutes disent ne pas vouloir se montrer aux autres, filles et garçons, de peur d’être l’objet de moqueries ou tout simplement parce qu’elles se sentent mal à l’aise. » Il a également été rapporté à la sénatrice une demande de créneaux horaires spécifiques d’accès aux piscines de la part d’associations de femmes obèses.
Le CIO ne respecte pas sa charte
« Le ministère des Sports a un rôle important à jouer. Il doit encourager, soutenir et obliger les fédérations à nommer plus de dirigeantes et d’entraîneuses », préconise Michèle André. Elle précise que les acteurs de la vie locale doivent également s’impliquer : « Les mairies doivent accorder plus de créneaux horaires aux femmes sportives. »
Une autre organisation pourrait participer à la promotion du sport féminin. Il s’agit du Comité des Jeux olympiques (CIO). La sénatrice nourrit des doutes quant à sa volonté réelle : « Je trouve le CIO bien mou. Il n’applique pas sa propre charte olympique qui dit que les discriminations « de race, de religion, de politique, de sexe, ou autre » sont interdites. C’est un peu comme si vous vous imposiez d’aller faire un footing tous les jours et qu’au bout de deux jours, vous renonciez. Alors que vous vous êtes fixé ce rythme seul. »
Michèle André souhaiterait que le CIO exclue les pays qui n’ont pas de délégations féminines : « Les Jeux ne constituent pas une compétition indispensable. On doit donc y être exemplaire et refuser les pays qui n’envoient pas de sportives ou ceux qui demandent des arrangements vestimentaires comme la délégation iranienne qui veut imposer à ses sportives des capuches sur le terrain. »
Les médias ont également un rôle à jouer dans la promotion au sport féminin : « Il doivent relayer les victoires, les exploits plutôt que la vie privée des athlètes comme on a pu le voir pour certaines nageuses. »
Et contre les réfractaires, à l’instar de Pierre Ménès, qui déclarait le 3 juillet dernier dans sa chronique de Direct Sport que « sans mesquinerie, le football féminin, ce n’est pas la même chose » que son homologue masculin, Michèle André propose des prix du type « le plus gros macho » ou « la plus belle absurdité ». « Il faut les ridiculiser. »
Louise Gamichon – EGALITE