Société « L’orientation des filles est sexuée, comme celle des garçons »

Nicole Guenneugues

Nicole Guenneuguès est chargée de mission à l’égalité filles-garçons pour l’académie de Rennes (Ille-et-Vilaine) depuis 1998. Cette mission fait partie d’un dispositif national et concerne tout le système éducatif, du pré-élémentaire au supérieur. Dans la plupart des académies, la personne en charge de ce dossier reste rattachée au service de l’information et de l’orientation. Pourtant, depuis sa création dans les années 80, la mission a évolué.

Comment définissez-vous votre mission au sein de l’académie de Rennes ?

Historiquement, les politiques sur les questions d’égalité filles-garçons dans le système éducatif se concentraient sur l’élargissement des choix d’orientation professionnelle des filles. Désormais, on se préoccupe aussi de l’orientation des garçons, parce que si l’orientation des filles est sexuée c’est aussi parce que celle des garçons l’est. Si l’on a tendance à dire que dans telle filière, il y a trop de filles, c’est aussi qu’il n’y a pas assez de garçons !

Depuis quelques années, on travaille surtout sur le vivre-ensemble filles et garçons. Beaucoup de choses tolérées à une certaine époque ne le sont plus.
On a cru pendant pas mal de temps qu’il y avait une pente naturelle qui nous menait vers plus d’égalité et que demain serait forcément mieux qu’hier et mieux qu’aujourd’hui, mais finalement on constate que cela ne va pas de soi. Plus globalement je dirais que ce qu’on peut appeler l’éducation à l’égalité intègre tout ce qui est prévention des comportements irrespectueux et des violences sexistes, et tout ce qui concerne la valorisation de l’apport des femmes à tous les champs du savoir.

Concrètement comment faites-vous vivre cette mission ?

Par des événements ou des actions spécifiques en faveur de cette question d’égalité mais aussi par une approche intégrée en accord avec ce que recommandent les politiques européennes, c’est-à-dire une intégration dans les pratiques professionnelles de tous les acteurs. Cela passe notamment par la sensibilisation ou la formation d’équipes, des choses que je peux initier moi-même en interne dans le système éducatif ; et une académie comme celle de Rennes, c’est quatre départements, c’est beaucoup de services – l’orientation, bien sûr, mais aussi les services infirmiers et médicaux, et les services sociaux – et beaucoup d’établissements !

Les établissements scolaires se sentent-ils vraiment concernés ?

C’est une mission transversale donc ce n’est pas une priorité pour eux. Et sur ce sujet-là les sensibilités sont très variables, à l’Education nationale comme ailleurs. Mon rôle est d’encourager les établissements scolaires à s’emparer du thème de l’égalité filles-garçons par de la communication sur le site de l’académie et la mise à disposition de ressources pédagogiques. Je suis aussi là aussi pour les aider à monter leurs projets, et il y a énormément d’initiatives.

En Bretagne, il y a beaucoup d’acteurs mobilisés sur le sujet au niveau institutionnel. Je dois assurer la participation de l’académie de Rennes à des événements comme la Biennale de l’égalité, qui se prépare actuellement avec la région, mais aussi l’opération « 100 femmes, 100 métiers », à l’initiative de la délégation régionale aux Droits des femmes de la préfecture (*). Le souhait de l’académie c’est de montrer que l’Education nationale ne se contente pas d’inscrire des élèves à des dispositifs crées par d’autres mais aussi de valoriser ce qui se fait en interne dans le système éducatif.

Que pensez-vous des débats actuels autour des nouveaux manuels de SVT et de l’introduction de la notion de genre dans les programmes scolaires ?

Lorsqu’il y a un débat sur la scène publique cela fait toujours progresser les choses. Cela montre aussi que peu de gens ont des connaissances solides notamment sur la notion de genre, qui est un peu mis à toutes les sauces aujourd’hui. Beaucoup de prises de positions contre ces programmes traduisent une incompréhension du terme, sur lequel se greffent tout de suite confusion du genre, troubles dans le genre, homosexualité, transexualité… Et c’est l’homophobie qui transparaît aussitôt. Tant mieux si le sujet crée débat, cela va permettre de mieux comprendre ces notions.

Vous vivez cette mission au quotidien depuis douze ans, est-ce que ce travail vous décourage ou vous enthousiasme ?

Il y a toujours des moments de découragement, mais je suis plutôt enthousiaste parce que l’égalité est un thème passionnant, sur lequel on apprend tous les jours. Je travaille surtout avec des personnes qui, comme moi, s’intéressent au sujet mais j’observe une montée en puissance des initiatives et c’est dommage de ne pas rendre visible cette vitalité dans toutes ses dimensions. Il y a aujourd’hui une réelle volonté de comprendre toutes ces questions, qui passe notamment par l’essor de la recherche universitaire sur le sujet. Cela me rend plutôt optimiste.

Propos recueillis par Geneviève Roy – EGALITE

(*) Opération « 100 femmes 100 métiers » le 16 novembre à Lannion (22) et Biennale de l’Egalité les 9 et 10 décembre à Saint-Malo (35) – bientôt dans notre agenda.

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