Économie Un homme et trois couffins

Olivier Boivin

Peu de jours s’écoulent sans que nous soyons alarmés dans les médias par l’imminente disparition d’une espèce en voie d’extinction. Aussi réjouissons-nous : une fois n’est pas coutume, la rédaction d’Egalité a déniché pour vous une nouvelle espèce qu’on espère fortement en voie d’expansion : l’assistant maternel.
Olivier Boivin, fraîchement promu et déjà bien rodé, nous a ouvert sa porte, derrière laquelle Manon, 8 mois, Baptiste, 10 mois, et Milan, son fils de 16 mois, sont cajolés dans les règles de l’art.

Olivier Boivin

La proportion d’hommes assistants maternels est de moins de à 5%. Comment est né ce projet pour vous ? Craigniez-vous de rencontrer des réticences auprès des parents ?

J’ai conçu ce projet à partir de deux événements distincts. En premier lieu, je voulais passer le concours pour être professeur des écoles, ayant déjà travaillé en tant qu’instituteur pendant deux ans dans le privé. J’adorais ce métier et je pensais avoir trouvé ma voie. Néanmoins le taux de réussite au concours et les conditions d’inscriptions sont devenues drastiques ces dernières années, ce qui m’a finalement découragé.

En parallèle, ma compagne et moi avons eu notre premier enfant. Alors qu’elle reprenait le chemin du travail, j’ai réalisé que je souhaitais continuer à m’occuper de mon fils plutôt que de le faire garder. Et si possible accueillir d’autres enfants.

Mais, c’est une chose de se sentir capable de faire ce métier, c’en est une autre de penser que c’est jouable. J’étais le premier à penser qu’on ne pouvait confier son enfant qu’à une femme ! C’est en en parlant autour de moi que j’ai réalisé que les gens étaient beaucoup plus ouverts que je ne le prévoyais.

Comment se sont passées les démarches administratives ? Et vos premiers contacts avec des parents potentiels ?

L’obtention de l’agrément a été très aisé, et j’ai été plutôt encouragé par mon interlocuteur du conseil général. En trois mois, tout était réglé. Y compris le suivi d’une formation obligatoire de deux semaines autour de thèmes comme le développement de l’enfant, la santé…

Avec l’aménagement d’un espace dévolu à l’accueil des enfants, j’ai eu l’agrément pour trois enfants, en comptant mon fils.

Au tout départ, j’avais encore des doutes quant à l’option des parents pour un assistant maternel. D’autant que je souhaitais accueillir des enfants assez jeunes, comme mon fils. Mais j’ai été contacté à plusieurs reprises.

Puis, tout s’est joué au moment de la rencontre entre les parents et moi. Ou plutôt les parents et nous, puisque mon fils est mon premier argument commercial ! A chaque fois que des parents sont venus ici pour observer comment on fonctionne, ça les a emballé. C’est ainsi que Baptiste, qui a 10 mois aujourd’hui, est arrivé le premier en avril 2010, et je suis fier d’accueillir depuis quelques mois Manon, 8 mois et demi aujourd’hui, qui nous sort de notre clan uniquement masculin.

En tant qu’homme, pensez-vous pratiquer votre métier d’une manière particulière ?

Pour l’instant, je n’ai pas rencontré d’autres assistants maternels, hommes ou femmes. Avec trois petits, dont Manon, qui fait encore trois siestes par jour, les sorties au parc sont logistiquement compliquées et brèves, bien que j’y tienne fortement. Les journées passent trop vite et j’exerce depuis trop peu de temps pour dialoguer avec des collègues, mais je lis l’Assmat (*), comme tout bon assistant maternel qui se respecte !

Je ne pense pas avoir de caractéristiques particulières, même si je sais que les parents apprécient notamment le fait que je note tout : siestes, repas, perturbations diverses, érythèmes du jour… Non que j’ai peur d’oublier, mais ce sont des indices précieux qui me permettent de comparer les journées et de comprendre parfois mieux ce qui fonctionne ou pas.

Par ailleurs, bien que la formation que j’ai suivie préconise de savoir cloisonner vie professionnelle et vie privée et de ne pas laisser les parents rester trop longtemps le soir, je ne peux pas faire autrement. Ici, la « prise de relais », comme on dit, se fait en douceur. Pour moi c’est important de prendre le temps de « débriefer », de discuter autour de l’enfant. Et tant pis si ça déborde sur ce qui devrait être mon temps personnel.

Quels sont les aspects positifs et négatifs de votre métier ?

Je prends énormément de plaisir, et mon fils aussi ! C’est un réel avantage pour lui de ne pas grandir seul. Je gagne ma vie en faisant quelque chose que j’aime, en étant épanoui, en apprenant tous les jours. L’argument suprême pour ce métier, c’est que je peux concilier harmonieusement ma vie de famille avec ce que je fais, ce qui est rare de nos jours. Les journées passent très vite et je me régale, tout simplement.

Mais c’est aussi un métier fatigant, ce dont tout le monde ne se rend pas compte. Quand on est soi-même fatigué ou un peu malade, on perd rapidement patience, ce qui contamine tout le monde alentour ! Ce sont des journées continues, les enfants sont là de 9h à 18h30. Et il n’y a guère de pauses puisque les siestes sont décalées et qu’il faut gérer les repas. Par ailleurs, passer de deux enfants à trois, ça aussi c’est un bon challenge !

Quel regard pose-t-on généralement sur ce que vous faîtes aujourd’hui ?

En tant qu’homme, je suscite la curiosité et donc le respect quand je parle de ce que je fais. Dans les dîners, quand ma profession est mise sur le tapis, c’est parfois moi qui tient la vedette !

Mais ce qui m’attriste, c’est qu’une assistante maternelle n’est pas forcément valorisée. Lorsqu’elle évoque son métier, on le perçoit rarement comme un travail à grande responsabilité, qui, pour être bien fait, demande un réel investissement, de la générosité, de l’énergie, de la patience, des connaissances précises, une certaine polyvalence aussi.

On pense souvent des assistantes maternelles qu’elles font ça par commodité et/ou par prolongement quasi naturel de leur propre maternité. C’est dommage ! C’est plutôt un choix, un engagement assez fort même, qui doit motiver l’exercice de cette profession.

Propos recueillis par Terry Dupont – EGALITE Paca

(*) La revue d’informations professionnelles des assistantes maternelles et des assistantes familiales.

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