Environnement : les enjeux des inégalités de genre « Au Bénin, la déforestation dégrade les conditions de vie des populations »

© Greenpeace Esperenza / Flickr

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Au Bénin, l’ONG Ofedi (Organisation des femmes pour la gestion de l’énergie, de l’environnement et la promotion d’un développement intégré), créée en 1994, élabore notamment des programmes d’éducation à l’environnement, afin de sensibiliser la population aux comportements écologiques.
Bernadette Dossou,
présidente de l’ONG a répondu à nos questions.

Où en est le problème de la déforestation dans votre pays ?

Au Bénin, la déforestation se remarque du nord au sud du pays. Environ 100 000 ha de forêts sont détruits chaque année pour diverses raisons : feux de brousse, défrichement pour l’agriculture, coupe des arbres pour en faire des bois d’œuvre, de service ou de feu, ou pour fabriquer du charbon de bois.

La dépendance des populations vis-à-vis des produits forestiers étant très forte, on note aujourd’hui une dégradation des conditions de vie des populations intimement liée au degré de perte des surfaces forestières. Ainsi, on assiste à de grandes trouées dans les forêts classées de l’Etat ; parfois les forêts sacrées ou fétiches, jalousement conservées par les communautés durant des siècles, sont aussi agressées. On remarque également que, dès que l’on coupe la végétation, les sols sont exposés aux intempéries (vents, température, eaux de ruissellement) et que les terres s’appauvrissent.

La perte de la diversité biologique est effective : quelques espèces animales et végétales sont menacées de disparition car leurs habitats sont détruits. Les manifestations de la désertification et les effets des changements climatiques sont effectifs et vécus différemment par les populations selon le genre et les moyens d’existence : agriculteurs, pêcheurs, chasseurs, éleveurs, commerçants, transformateurs de produits divers, etc.

Quel sont les conséquences au quotidien de la déforestation pour les femmes, les familles ?

Au niveau des familles, les conséquences de la déforestation se résument à une perte de la diversité biologique, à une dégradation des terres mises à nu dont le rendement agricole devient de plus en plus faible. Ce faible rendement est à la base de la persistance de la pauvreté, de la malnutrition, du faible accès des familles aux services de l’éducation, de la santé, etc.

Pour les femmes spécifiquement, la déforestation, qui engendre un faible rendement agricole, entraîne le départ vers les villes des époux, abandonnant les enfants à la seule charge des femmes. Les familles sont donc disloquées et les femmes plus responsabilisées.

Les femmes utilisent beaucoup de bois ou du charbon de bois pour préparer les repas familiaux ou de la petite restauration, ou transformer les produits agricoles (noix de palme, de karité, le néré en moutarde, etc.). Avec la déforestation, le manque de combustibles ligneux entrave leurs activités génératrices de revenus et elles parcourent de longues distances avant de pouvoir trouver du bois de feu qu’elles transportent péniblement sur la tête. En outre, le bois et les autres produits forestiers coutent de plus en plus cher.

Les agricultrices subissent les perturbations des pluies et des calendriers agricoles dues à la déforestation, vivent les effets des faibles rendements agricoles, et sont de plus en plus pauvres. Les mareyeuses (celles qui valorisent les produits de la pêche) ne trouvent plus assez de ressources halieutiques, ce qui freine leurs activités et diminue leurs revenus.

Au Bénin, beaucoup de femmes maîtrisent l’usage des plantes médicinales pour soigner les membres de leurs familles ou les vendre. La déforestation fait disparaitre ces plantes ce qui a des conséquences directes sur la santé des enfants et sur les revenus des femmes. De même, le ramassage par les femmes de produits tels que fruits et fleurs sauvages, champignons, miel, encens, etc. se réduit.

Quelles activités avez-vous réalisées contre la déforestation dans votre ONG ?

Nous avons organisé des séances de sensibilisation et de formation technique des femmes et des jeunes sur plusieurs thèmes : rôles de l’arbre et des forêts ; conséquences de la déforestation, de la désertification, des changements climatiques ; gestion rationnelle de l’environnement ; gestion rationnelle du bois énergie ; installation de mini-pépinières ; plantation et entretien d’arbres ; et fabrication de foyers économiques.

Nous avons réalisé d’autres actions concrètes, qui ont mené notamment à la diffusion de 18 000 foyers construits en terre de barre par les femmes ; la plantation de 400 000 plants cette année dans trois communes ; la formation de 150 charbonniers en techniques améliorées de carbonisation ; la formation de femmes potières en techniques de fabrication des foyers économiques en argiles cuites ; et la formation de 90 forgerons et soudeurs en techniques de fabrication des foyers économiques métalliques.

Travaillez-vous à partir d’un plaidoyer genré, et si oui comment est-il reçu ?

Avant de démarrer les activités nous conscientisons les maires, les responsables de services déconcentrés et les sages des communes. Tous reconnaissent que les groupements de femmes sont plus indiqués pour la diffusion massive des foyers économiques et les travaux de plantation d’arbres. Ainsi 1 500 femmes ont été sélectionnées à travers 69 groupements.

Propos recueillis par Caroline Flepp – EGALITE

 

Toujours sur la thématique de la déforestation, lisez mercredi prochain notre interview de Annie Matundu-Mbambi, présidente de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté en République démocratique du Congo !

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