Culture Sophie Calle et sa défunte mère, invitées du festival d’Avignon
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Détail de l’affiche de l’exposition « Rachel, Monique ».
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« Elle s’est appelée successivement Rachel, Monique, Szyndler, Calle, Pagliero, Gonthier, Sindler. Ma mère aimait qu’on parle d’elle. Sa vie n’apparaît pas dans mon travail. Ça l’agaçait. Quand j’ai posé ma caméra au pied du lit dans lequel elle agonisait, parce que je craignais qu’elle n’expire en mon absence, alors que je voulais être là, entendre son dernier mot, elle s’est exclamée : « Enfin » », dit Sophie Calle.
Certains ont pu découvrir en 2010 l’exposition « Rachel, Monique » au Palais de Tokyo, dans les sous-sols alors en friche. Sophie Calle est aujourd’hui invitée par le festival d’Avignon 2012 avec sa merveilleuse installation consacrée à sa mère. L’artiste qui a fait de sa vie la matière de son œuvre et travaille souvent sur l’absence et le manque, nous fait partager son deuil.
Dans une promenade, composée avec beaucoup d’amour et d’humour, au milieu des amas de pierres et de lumière, à chacun de faire son chemin. On y découvre la tombe de Monique avec comme épitaphe « Je m’ennuie déjà ».
A l’entrée, d’immenses photos de tombes en pierres et galets, une cabane en bois qui diffuse la vidéo des derniers instants de sa mère. Ce film de 11 minutes en plan fixe et serré est l’objet central de l’exposition.
Au fond de l’exposition, on aperçoit une girafe avec cette explication sur le mur : « Quand ma mère est morte, j’ai acheté une girafe naturalisée. Je l’ai installée dans mon atelier et prénommée Monique. Elle me regarde de haut avec ironie et tristesse. »
Pendant l’exposition, l’artiste lit, à certains moments (quand elle le veut), les journaux intimes de sa mère.
Cette installation met en évidence l’attachement profond de l’artiste pour sa mère, confidente et complice. Elle nous questionne sur la relation mère-fille, cette dyade si complexe, qui dans le cas de Sophie Calle renvoie à un amour fusionnel, celui d’une mère et de sa fille qui se rendent dépendantes l’une à l’autre. Une fille qui réclamait les conseils de sa mère tandis que la mère souffrait d’être exclue de son art.
Aujourd’hui, Sophie Calle a-t-elle cherché le pardon de sa mère en lui consacrant une exposition ? Ou est-ce tout simplement une merveilleuse manière de lui rendre hommage ou encore un rituel artistique et rigoureux pour supporter l’absence, la part manquante.« Rachel, Monique », est la réponse personnelle et singulière de Sophie Calle pour faire face à l’insupportable.
Virginie Baldeschi – EGALITE
Eglise des Célestins, place des Corps-Saints, Avignon (84)
De 11h à 18h
Entrée 5€
Jusqu’au 28 juillet.
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