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Tribune:

Suzy Rojtman, co-porte-parole du Collectif National pour les Droits des Femmes appelle à une Europe qui reconnaisse les droits des femmes comme droits fondamentaux.

 

« Dès sa constitution l’Union Européenne a adopté comme principe fondamental l’égalité entre les femmes et les hommes. De nombreuses directives ont été adoptées dans ce domaine. De nombreux constats très pertinents sont établis. Mais dans les faits, l’égalité n’existe pas. Ce que l’Europe concède d’une main, elle le reprend de l’autre avec sa politique macro économique.

 

Une Europe de l’austérité

Ces élections européennes ont lieu en pleine crise financière, économique et sociale. Partout il faut réduire les dépenses publiques, détruire les acquis sociaux et relancer la croissance à coup de milliards donnés au patronat pour rembourser une dette illégitime. Les femmes en sont les premières à en faire les frais dans tous les pays.
Elles en font les frais au niveau de l’emploi car elles représentent déjà la majorité des salariés précaires, dans des emplois à temps partiel peu qualifiés et souvent imposés, à bas salaires, dont la proportion a augmenté avec la crise. Elles voient aussi, dans la plupart des pays diminuer leur pension de retraite.
Elles en font les frais au niveau des services publics dont les effectifs diminuent, car elles y travaillent majoritairement. En outre, quand des coupes budgétaires sont réalisées dans les crèches, garderies, écoles maternelles, maisons de retraite ou dans les prestations sociales, elles sont obligées d’assumer ce qui n’est plus pris en charge par la collectivité.
Elles en font les frais au niveau de la santé, car elles sont au centre des restructurations hospitalières, avec la fermeture de maternités et de centres d’IVG. Entre 2001 et 2013, un tiers de l’offre de santé a été détruite en Grèce, un quart des effectifs supprimés, la rémunération des personnels diminuée de 50% et les femmes immigrées doivent payer leur accouchement. En Allemagne, des hôpitaux publics et non lucratifs ont été vendus à des firmes privées.
Elles en font les frais au niveau des violences car dans ce grand marché européen, la prostitution est devenue une transaction commerciale banale. Sous l’impulsion des lobbys proxénètes, on ne parle plus de trafic d’êtres humains, de domination, de violences, de dénuement économique mais du « choix » de vendre son corps.

Une Europe où la réaction est en marche

Le Parlement européen sortant file un mauvais coton : il vient de « retoquer » coup sur coup deux rapports substantiels sur les droits des femmes.
Le premier a été défendu par Edite Estrela, députée portugaise de la Gauche Unitaire Européenne. Il préconisait, entre autres choses, de faire dépendre l’avortement de l’Union et non des Etats membres. Ce qui aurait exercé, de facto, une pression sur l’Irlande, Malte et la Pologne où les femmes ne peuvent toujours pas avorter. Le rejet de ce rapport (334 contre 327) a donné des ailes au ministre de la Justice espagnole qui a élaboré alors son projet de loi liberticide de suppression de l’avortement. Ce qui a aussi influencé le vote, ce sont les pressions incessantes des lobbys intégristes religieux.
Le second rapport a été présenté par Inès Zuber et porte sur les inégalités entre les femmes et les hommes dans l’Union. Il a été refusé car le chapitre sur la prostitution déplaisait à certains Verts. Trop abolitionniste à leur goût.
Ce qui se passe au Parlement européen reflète évidemment ce qui se passe dans les pays de l’Union : des partis d’extrême droite, populistes, voire néo nazis se développent s’appuyant sur le désarroi des populations qui subissent les conséquences de la crise. Transformer les étrangers en boucs émissaires est si simple plutôt que de dénoncer le système capitaliste et sa variante néo libérale.
Ou alors, autre version, on a vu ressortir de la naphtaline, des chrétiens intégristes qui ont manifesté en masse en France contre le mariage pour toutes et tous, contre l’égalité des droits pour les lesbiennes et les gays.
Une Europe bunkerisée, renfermée sur elle même qui a certes ouvert les frontières intérieures en assurant la libre circulation des personnes ( quoique pour les Roms …) mais les a clos hermétiquement à l’extérieur. Une Europe qui accorde au compte goutte le droit d’asile.
Cette situation favorise la montée des racismes et légitime le discours des droites populistes dans leur rejet de tout accueil de nouvelles populations.
Enfin une Europe antidémocratique qui bafoue, dans le traité de Lisbonne, le rejet du Traité Constitutionnel en 2005. Qui s’apprête à signer en catimini avec les États Unis un Traité de libre échange qui permettrait aux entreprises multinationales de juguler toutes les décisions publiques constituant des entraves à leur expansion. Une Europe où la seule instance élue, le Parlement, a très peu de pouvoir de décision.
EN EUROPE, LES MAUVAIS COUPS ECONOMIQUES SONT OBLIGATOIRES, LES DROITS ET LIBERTES FACULTATIFS !
C’est bien évidemment une autre Europe que nous voulons, une Europe qui ne soit plus soumise aux marchés financiers, agrippés à la loi du profit. Une Europe qui inscrive les droits des femmes comme droits fondamentaux.
Nous voulons une Europe qui soit féministe, sociale et démocratique, ouverte sur l’extérieur. Une Europe où les instances élues démocratiquement possèdent le pouvoir. »
 
Suzy Rojtman, co-porte-parole du Collectif National pour les Droits des Femmes

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