Articles récents \ Monde Le Brésil dans la rue pour ou contre Dilma Rousseff
Aujourd’hui au Brésil, les manifestations se succèdent, “pour” et “contre” l’actuel gouvernement de la présidente Dilma Rousseff. Avant la manifestation du 15 mars 2015, qui fut très largement relayée par la grande presse, un premier défilé était appelé par les centrales syndicales, le 13 mars. Les manifestant-e-s prenaient la défense de Dilma Rousseff, tout en critiquant certains projets du gouvernement et du parlement. En effet un projet de loi, remet en question les droits du travail, en favorisant la tertiarisation de l’économie tout en durcissant les conditions d’accès au chômage, à l’aide médicale, à la pension de réversion, aux prestations familiales, aux indemnités en cas d’accident du travail etc.
La corruption à la Une des médias
La manifestation du 15 mars, d’opposition au gouvernement, n’était pas unitaire. Certain-e-s manifestant-e-s réclamaient le retour de la dictature militaire alors que d’autres demandaient “l’impeachment” de la présidente. Il y avait aussi quelques pancartes en anglais, sollicitant l’aide des USA. Mais la grande majorité des manifestant-e-s était préoccupée par la corruption, une question qui est, depuis des mois, à la Une des journaux et des télés. Il faut préciser que les médias n’accusent que … le Parti des Travailleurs (PT) !
Cette manifestation était composée majoritairement de jeunes blancs, des classes moyennes. Elle n’avait été organisée ni par les centrales syndicales, ni par les partis politiques qui avaient été priés de ne pas apparaître avec leurs drapeaux.
La manifestation du 12 avril, fut beaucoup moins suivie. Et, contrairement à celle du 15 mars, les organisatrices/organisateurs demandaient l’aide des partis d’opposition, comprenant qu’elles/ils avaient atteints leurs limites.
Puis le 16 avril, les centrales syndicales ont réussi à organiser une grande manifestation, contre le PL 4330, qui vise à la libéralisation du processus de sous-traitance dans les entreprises.
Plusieurs débats ont eu lieu entre celles/ceux qui appelaient à ces différentes manifestations.
La gauche s’unit contre ce qui lui parait chaque fois plus comme des manifestations de la droite, appuyée par le Parti Social Démocrate du Brésil (PSDB), le parti du candidat vaincu de la présidentielle, Aécio Neves. Son analyse démontre que la droite n’aime décidément pas les conquêtes et les gains obtenus par les travailleuses/travailleurs ainsi que par les plus pauvres, bénéficiaires des avancées sociales du gouvernement de Lula, puis de celui de Dilma Rousseff.
Soutenue par les médias, la droite proteste contre la corruption mais ignore les comptes secrets de la banque HSBC, les 600 cas de corruption déjà répertoriés par le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso, membre du PSDB (1) ainsi que de nombreux autres cas déjà dénoncés.
Un Congrès très conservateur
Dilma Rousseff a gagné les élections d’octobre 2014 avec 51,64% des votes, Aécio Neves du PSDB avait obtenu 46,38% des votes. Parallèlement, le Brésil a élu le Congrès le plus conservateur de ces dernières années.
La chambre des députés a choisi pour président, Eduardo Cunha, membre du Parti du Mouvement Démocratique Brésilien (PMDB), qui a un profil ultra-conservateur. Et récemment, Dilma Roussef à nommé Michel Temer (PMDB), le vice-président de la chambre, comme médiateur politique. Le PT étant donc loin d’être majoritaire au Congrès, les partis “alliés” réclament des postes et des ministères, et votent comme ils veulent et même plutôt avec l’opposition.
L’appareil judiciaire se positionne aussi plus sévèrement envers le PT. Il tend à valoriser les dénonciations, ce que l’on appelle “delação premiada” (le prisonnier dénonce et obtient une réduction de sa peine). Et les juges ont déjà emprisonné de façon “préventive”, y compris sans preuve, ceux qui sont proches du gouvernement ou du PT.
Les médias, d’autre part, s’acharnent à produire tous les jours une nouvelle “affaire” préjudiciable au gouvernement, ce qu’ils faisaient déjà contre la présidente bien avant les élections. La gauche a dénombré un nombre impressionnant de Une concernant les “affaires” du gouvernement !
Quelles perspectives politiques au Brésil ?
D’un coté, nous avons la division de la direction de l’opposition, au sujet de la possibilité “d’impeachment” de la présidente. Le PSDB, continue à chercher la voie pour mettre en place cette procédure de mise en accusation.
Dans le même temps, la gauche s’unit pour la défense de ses conquêtes, et manifeste aussi fermement pour le maintien de l’ordre institutionnel.
On attend pour bientôt, le résultat de quelques grandes œuvres, comme celle de « la transposition » du Rio São Francisco qui doit résoudre le problème de la sécheresse au nord-est du pays (3). Cela devrait améliorer l’image du gouvernement et permettre d’assainir les finances de l’État.
Les demandes du mouvement des femmes
Les femmes ont bénéficié, au cours du premier gouvernement de Dilma Rousseff, de l’amélioration d’équipements sociaux mis à la disposition de femmes victimes de violences, ainsi que de nouvelles mesures d’assistance à la maternité et à “l’accouchement humanisé” (2). Le Brésil a aussi diminué le nombre trop important de césariennes pratiquées lors des accouchements.
Elles ont été aussi les grandes bénéficiaires des projets sociaux comme la “Bolsa Família” qui atteint les plus pauvres. Les femmes, ainsi que les noirs, sont la majorité des plus pauvres. Le projet de maisons populaires “Minha Casa, minha vida” leur donne le droit d’être propriétaires de leur maison .
Les femmes ont donc voté de façon majoritaire pour Dilma Rousseff. Elles appuient la présidente et l’ordre institutionnel.
Aujourd’hui, les groupes organisés du mouvement des femmes participent aux manifestations avec les centrales syndicales et les groupes de gauche. Elles étaient très nombreuses lors de la manifestation du 8 mars dernier. Et la relève est là.
Ce qu’elles demandent lors des manifestations ? “Aucun droit en moins ! Des avancées vers plus de droits !
Rachel Moreno collaboratrice 50-50 magazine Brésil
1 Fernando Henrique Cardoso fut président du Brésil du 1er janvier 1995 au 1er janvier 2003.
2 Après sa naissance, l’enfant était séparé, jusqu’à une journée, de sa mère.
3 La « transposition » du rio Sao Francisco consiste en un détournement d’une petite proportion des eaux du fleuve (2 %) vers les régions du Nordeste, un travail titanesque.
Photos du 8 mars 2015 : Régine Ferrandis