Articles récents \ Culture \ Théâtre Saison Égalité 3 : trente théâtres franciliens engagés pour une juste place des femmes
Le mouvement HF Île-de-France a lancé, le 5 octobre, la troisième édition des Saisons Égalité. Trente théâtres ont répondu présents pour la saison 2015/2016, afin de donner aux femmes la place qu’elles méritent dans le milieu du théâtre visant ainsi à mettre fin à une situation inacceptable.
«Quand on est une femme, on a statistiquement plus de chances de réussir dans le domaine militaire que dans le domaine artistique.» Ce constat posé par Simon Hatab, dramaturge rencontré au Midi-Minuit du Matrimoine (lire notre article) fait écho à ce qu’écrivent Marc Jancour et Delphine Lagrandeur, directeur et directrice adjointe du Théâtre Firmin Gémier, «le souci permanent d’une certaine égalité est un devoir moral dans un secteur (artistique) si prompt à donner des leçons sur pas mal de sujets.»
C’est toute l’ambiguïté du milieu des arts et de la culture, si prompt à la critique d’autres milieux sociaux mais où l’égalité entre les femmes et les hommes progresse lentement, alors que les chiffres présentés par le dossier d’HF Ile-de-France et extrait des études de l’Observatoire des inégalités entre femmes et hommes dans la culture et la communication montrent des déséquilibres paritaires, malgré de timides avancées obtenues par une politique volontariste de nomination paritaire.
Les inégalités de rémunération sont à cet égard révélatrices de la (faible) valeur accordée aux femmes puisque le collectif H/F relève que «l’écart femmes/hommes pour la perception de droits d’auteurs inscrits à la SACD dans le spectacle vivant passe de – 47% en 2012 à – 50% en 2013. L’écart femmes/hommes pour le salaire moyen dans les établissements publics du ministère de la Culture et de la Communication passe de – 8,1% en 2011 à – 5% en 2012, mais il faut avoir à l’esprit que cet écart est de -19,6% en 2012 dans les entreprises culturelles.»
Le milieu culturel loin d’être immunisé contre la domination masculine
Une situation paradoxale alors qu’il y a 60% d’étudiantes en écoles de l’enseignement supérieur culturel. Le «vivier» des talents est loin d’être restreint, mais il semblerait que la richesse, la reconnaissance et le succès soient encore l’apanage des seuls hommes artistes. Cette année, la Saison Égalité s’interroge sur la fabrique de la programmation culturelle.
Trente théâtres franciliens, cela vous paraît beaucoup ? Rien qu’à Paris, Wikipédia recense plus de 130 théâtres et opéras. Et cette estimation omet de compter tous les autres lieux de spectacle de la région. Il y a malheureusement encore une minorité d’institutions culturelles qui s’engagent sur les questions d’égalité. Néanmoins, grâce aux Saisons Égalité, près de 150 structures se sont déjà engagées autour du Mouvement HF.
Dans ce contexte, faire connaître et faire parler des inégalités femmes/hommes dans les arts est déjà un acte subversif en soi. La saison 2 rassemblait 29 théâtres franciliens. Il existe également des Saisons Égalité animées par les collectifs HF dans d’autres régions : Normandie, Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées et Poitou-Charentes.
Des prises de conscience tardives
Nombre de déclarations des personnes responsables des théâtres partenaires de la troisième saison égalité frappent par leur spontanéité. Comme celle de François Rancillac, directeur du théâtre de l’Aquarium à Paris : «le jour où vous réalisez (comme j’ai dû bien le faire…) que, malgré vos valeurs de gauche démocrate, vous êtes totalement représentatif d’un milieu théâtral qui ne respecte absolument pas la part normale à laquelle ont droit les artistes femmes, vous vous prenez un joyeux coup de bambou sur votre bonne conscience citoyenne, et vous tentez de réagir.»
Cet «impératif de démocratie» est présent dans les déclarations de plusieurs théâtres comme Confluences qui « a toujours été attentif à la création des artistes femmes, pour la simple raison que nous sommes engagé-e-s, dans notre programmation comme dans notre fonctionnement, sur toutes les questions de démocratie. Or l’égalité hommes/femmes est à notre sens une question de démocratie comme l’interrogation du genre est une façon d’en questionner les fondements.»
Les théâtres engagés signent la charte pour l’égalité et doivent ensuite définir leur propre programme d’action pour l’égalité femmes/hommes dans leur programmation, leur production de spectacles, leur gouvernance et doivent communiquer sur ces actions. Les théâtres s’engagent sur la base du volontariat et l’avancement de la cause repose sur la bonne volonté des actrices et acteurs de la Saison Égalité.
Certains objectifs formulés sont précis, sur la production : «Accueillir en résidence autant d’artistes femmes que d’artistes hommes», «Engager autant de moyens de production et coproduction dans des spectacles de femmes que d’hommes», sur la gouvernance : «Inscrire la parité au sein des conseils d’administration, jurys, comités de sélection; féminiser les noms de métiers.» En revanche, sur la programmation, les objectifs énoncés sont plus flous : «Tendre vers un équilibre de programmation des spectacles créés, mis en scène ou chorégraphiés par des femmes et par des hommes ; aller vers un équilibre de programmation des textes écrits par des femmes et par des hommes.»
Un engagement à concrétiser
Certaines déclarations lénifiantes d’institutions théâtrales en faveur de l’égalité font craindre un risque de «féminisme-washing» non suivi d’actions concrètes. Ainsi, cette déclaration exhaustive sur l’égalité signée par Joël Dragutin, directeur du théâtre 95 de Cergy-Pontoise : «Le Théâtre 95 participe à la Saison Égalité 3 d’Île-de-France parce qu’il a le souci d’une réelle parité entre les hommes et les femmes, tant dans l’accompagnement des auteurs, que dans celui des metteurs en scène.» Un peu court.
La grande majorité des déclarations recueillies dénote quand même d’une volonté de réflexion sur les problématiques d’égalité femmes/hommes qui n’est pas feinte. En témoigne ces propos de Sabine Cossin, directrice de Prisme, centre de développement artistique à Saint-Quentin-en-Yvelines : «Nous ne sommes pas parvenus au 50/50 !!! Comme en politique, les femmes artistes sont beaucoup moins nombreuses, elles ne sont ni diffusées, ni promues de la même façon. Pourtant, la présence des femmes dans la vie artistique d’un théâtre offre des écritures généreuses, inventives, exigeantes, aventurières.»
La programmation de la troisième Saison Égalité en Ile-de-France n’est pas encore arrêtée. Des rencontres entre partenaires auront lieu comme pendant la Saison précédentes, mais c’est maintenant aux théâtres de mettre en place des actions concrètes pour aller au-delà des débats de la soirée de lancement du 5 octobre. En résumé, les intentions exprimées sont bonnes, mais il reste à voir quelles formes prendront les engagements des théâtres signataires de cette charte pour l’égalité.
Guillaume Hubert, 50-50 magazine
Les théâtres participants à la Saison Égalité 3 par département : Paris : 50-50 magazine est partenaire de la Saison Egalité 3 Image à la Une : L’Atelier (des) Créations Fantasques.
Confluences / La Colline – théâtre national / Le Grand Parquet / Le Monfort Théâtre –
Établissement culturel de la Ville de Paris / Le Tarmac – Scène internationale francophone /
Maison d’Europe et d’Orient / Théâtre Artistic Athévains / Théâtre de l’Aquarium / Théâtre de
la Bastille / Théâtre de la Cité Internationale / Théâtre de la Ville / Théâtre Lucernaire /
Théâtre Paris-Villette.
Yvelines :
Collectif 12, Mantes-la-Jolie / La Ferme de Bel Ébat – Théâtre de Guyancourt / Le Prisme,
Centre de développement artistique de Saint-Quentin-en-Yvelines
Avec le soutien de CREAT’YVE, réseau des théâtres de ville des Yvelines.
Hauts-de-Seine :
Théâtre de Vanves – Scène conventionnée pour la danse / Théâtre des Sources, Fontenayaux-Roses / Théâtre Firmin Gémier – La Piscine – Pôle National des Arts du Cirque d’Antony et Châtenay-Malabry.
Seine-Saint-Denis :
La Commune – Centre Dramatique National d’Aubervilliers / Nouveau théâtre de Montreuil Centre Dramatique National / Théâtre de la Poudrerie, Sevran / Théâtre Gérard Philipe Centre Dramatique National de Saint-Denis.
Val-de-Marne :
La Briqueterie – Centre de développement chorégraphique du Val-de-Marne, Vitry-sur-Seine /Théâtre André Malraux de Chevilly-Larue / Théâtre des Quartiers d’Ivry – Centre Dramatique National du Val-de-Marne / Théâtre Paul Eluard, Choisy-Le-Roi / Théâtre Romain Rolland Scène conventionnée de Villejuif et du Val de Bièvre.
Val-d’Oise :
Théâtre 95 – Scène conventionnée de Cergy-Pontoise
Un peu plus loin :
Théâtre de la Tête Noire – Scène conventionnée de Saran