Articles récents \ France \ Société Maudy Piot : « il te tape c'est normal, tu le mérites bien»

Créée en 2003 Femmes pour le Dire Femmes pour Agir (FDFA) , est une association dont le but est de lutter contre la double discrimination que vivent les femmes en situation de handicap : celle d’être femme et celle d’être handicapée. La lutte contre les violences faites aux femmes handicapées est un de leur combat car ces violences sont multiformes, et restées invisibles pendant très longtemps. Ainsi l’association a mis récemment en place un N° d’urgence: le 01 40 47 06 06. Rencontre avec Maudy Piot, l’infatigable fondatrice et présidente de FDFA.

Comment est né le N° d’urgence de Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir ? Pourquoi était-il utile pour vous de créer un N° spécifique pour les femmes handicapées ?
Le N° d’urgence est né d’un constat datant de plusieurs années que j’ai fait en tant que psychanalyste d’une part et de présidente de Femmes pour le Dire Femmes pour Agir d’autre part. J’entendais depuis des années de nombreux témoignages sur les violences que vivent les femmes en situation de handicap, que ce soient des violences conjugales, familiales ou institutionnelles.
L’autre raison est qu’il n’existait aucun N° d’urgence pour les femmes handicapées. Le handicap requière une écoute singulière. Nous savons maintenant que 4 femmes handicapées sur 5 vivent des violences. Un rapport de l’ONU datant de 2012 révèle que 80% des femmes handicapées sont victimes de violences. Les pouvoirs publics ne font pas grand’ chose pour éradiquer ces violences faites aux femmes handicapées. La seule personne qui ait eu une écoute particulière et une présence chaleureuse auprès de notre association, c’est Najat Valaud-Belkacem, lorsqu’elle était ministre des Droits des Femmes. Elle nous a beaucoup encouragées.
En 2010, FDFA a organisé le premier Forum sur les violences faites aux femmes. Ce jour-là, nous avons fait passer un questionnaire dans l’assistance. Le résultat nous a stupéfaites : 4 femmes présentes sur 5 avaient subi des violences. Cela m’a fortement interpellée. Mais cette question n’était prise en compte ni dans le milieu féministe, ni dans le milieu du handicap. J’ai dû apprivoiser les associations féministes pour travailler avec elles.
On veut nous rendre invisibles parce que nous sommes des révélatrices de la différence, de l’angoisse devant ce qui est différent. On préfère nous ignorer. Nous avons donc décidé de créer ce N° d’écoute.
Comment s’est faite la mise en place de ce N° d’urgence ?
Sa mise en place n’a pas été facile. Ce N° d’appel national avait une telle force d’interpellation que certaines instances n’ont pas voulu en être partie prenante. Ce qui a démultiplié notre volonté de le mettre en place. Le nombre d’appels est variable selon les passages de notre association dans les médias. Il y a eu un période de forte mobilisation grâce à des émissions de radio ou de télévision. Les femmes qui appellent sont accueillies par des écoutantes qui les accompagnent ensuite si elles le demandent dans leurs démarches. Le N° de téléphone n’est pas seulement un N° d’écoute mais se prolonge par une orientation vers les différents ateliers de l’association (1), vers les permanences juridique ou sociale ou vers notre avocate.
Je souligne que toutes les écoutantes suivent une formation avant de pouvoir répondre aux appels.
Quelles violences vivent les femmes handicapées ?
Un grand pourcentage de femmes aveugles et sourdes sont touchées par les violences. Il en est de même pour les femmes handicapées motrices et psychiques.
Les femmes vivent des violences conjugales, familiales ou institutionnelles. Il peut même arriver que des femmes handicapées soient prostituées par leur conjoint, leur frère ou d’autres. J’ai même vu le cas d’une mère prostituant sa fille handicapée pour soi-disant subvenir à ses besoins. Il existe également des violences alimentaires, psychologiques, des violences financières lorsque par exemple le mari confisque l’allocation reçue par la femme en situation de handicap. Il existe même des violences médicamenteuses, lorsque la famille refuse de donner les médicaments prescrits.
De plus, il n’existe quasiment pas d’offre d’hébergement pour les femmes handicapées victimes de violences acculées à quitter leur domicile. Mais la précarité est si forte chez ces femmes qu’elles ont bien évidemment peur de quitter leur conjoint violent. La pression familiale pour qu’elles ne quittent pas leur compagnon est très forte.. Elles entendent très souvent ce discours : «Tu as bien de la chance d’être en couple, s’il te tape c’est normal, tu le mérites bien.avec ton handicap». Alors ces femmes pensent que c’est de leur faute puisqu’elles sont handicapées, elles pensent que leur conjoint a le droit de les battre. Très peu d’entre elles osent porter plainte.
Quels sont aujourd’hui vos besoins ?
Nous voulons développer le N° d’écoute afin de couvrir toute la semaine. Nous recherchons des écoutantes. Nous avons aussi besoin de financements. Sur huit mois, nous avons reçu un grand nombre d’appels. Je remarque aussi qu’un certain nombre de femmes qui appellent ne parlent pas : on entend juste leur respiration. La peur sans doute est là, le chemin à parcourir est difficile. Nous sommes là pour elles.
Propos recueillis par Caroline Flepp 50-50 magazine
1 Les ateliers de FDFA : sophrologie, groupe de parole, beauté-bien-être, créations-loisirs, échanges-créations, chorale, anglais, accompagnement-emploi, permanence juridique, jardin littéraire, cuisine.
 
Permanences téléphoniques du 01 40 47 06 06
Lundi : 10h 13h et 14h30 17h30
Jeudi : 10h 13h
La diffusion de la série consacrée à l’asso FDFA/ Ecoute Violences Femmes Handicapées est programmée pour la semaine du 25 au 30 janvier dans le cadre du Magazine de la Santé sur France 5, dans la case In Vivo. La version documentaire de 26 mn, sera diffusée le dimanche 31 janvier à 20h toujours sur France 5. Le court-métrage « Violences du silence » réalisé par l’association FDFA est également disponible sur Youtube.

 
 
 
 
 
Propos recueillis par Caroline Flepp 50-50 magazine
 
Permanences téléphoniques : 01 40 47 06 06
Lundi : 10h – 13h et 14h30 – 17h30
Jeudi : 10h – 13h
 

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