Articles récents \ France \ Politique Divorce par consentement mutuel sans juge : un amendement discret, un véritable danger pour les femmes

Le 6 mai dernier, les députés ont adopté l’amendement sur le divorce par consentement mutuel sans juge, présenté par le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas. Pensé pour simplifier les procédures ou même pacifier les relations, cet amendement va au contraire accroître les problèmes des femmes victimes de violences.  Les associations féministes ont publié une lettre ouverte pour dénoncer les conséquences dramatiques du divorce sans juge et Patric Jean, réalisateur du film « La domination masculine », a publié une tribune sur les nombreux dangers que peut générer cet amendement. 

 

Le divorce « par consentement mutuel » sans juge, un divorce très dangereux pour les droits des femmes.

Comment combattre la lenteur excessive de la justice ? Comment « faciliter », « accélérer » la procédure ? Jean Jacques Urvoas, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, a trouvé le moyen : supprimer le passage devant le juge lors d’un divorce. Mesure de bon sens ? Non, fausse bonne idée ! Pourquoi ?
Parce que les associations féministes rencontrent tous les jours des femmes dont les droits ont été mal défendus lors d’un divorce.
Parce qu’au quotidien beaucoup de divorces sont prononcés au détriment des droits des femmes, notamment à cause de la formation des magistrat/es et avocat/es sur la base d’un droit relevant d’une idéologie patriarcale traditionnelle.
Nous devrions donc nous réjouir de ne plus passer devant un juge ! Mais en fait cela risque d’être encore pire pour les femmes : lorsqu’il y a violences dans le couple, une fois leur décision prise de quitter le conjoint violent, les femmes qui en sont victimes souhaitent que cela se fasse le plus vite possible et elles sont souvent prêtes à brader leurs droits (prestation compensatoire, pension alimentaire,résidence des enfants…).
Seul le magistrat peut entendre les époux et s’il le juge utile reporter l’audience ou rejeter la demande (dans le cas où il estime qu’un des époux est lésé ou qu’il n’y a pas de véritable consentement)
C’est pour cela que nous rejetons cette réforme du divorce !
Les procédures de divorce doivent certes être améliorées, mais en donnant plus de moyens à la justice et non en renvoyant un service public vers le droit privé, dans la plus pure lignée libérale !
Les conséquences pour les femmes risquent d’être gravissimes, tant financièrement qu’en terme de préservation de l’ensemble de leurs droits, notamment lorsqu’il y a soit des violences, soit des enfants. Qui peut croire sérieusement que le coût final sera de 50 €, cette somme visant à couvrir l’enregistrement de l’acte mais non la rémunération du notaire ? Qu’en sera-t-il de l’aide juridictionnelle accordée pour les femmes ayant de faibles ressources par ailleurs actuellement peu élevée ?
Nos associations demandent le retrait immédiat pur et simple de cet amendement et l’augmentation des moyens humains et financiers alloués à la justice pour qu’elle soit rendue dans de meilleurs conditions, notamment de formation des magistrat/es et de délais.
Signataires : Abandon de Famille – Tolérance Zéro, Amicale du Nid, Assemblée des Femmes, Les Chiennes de Garde, Coordination des Associations pour le Droit à l’ Avortement et la Contraception, Coordination Française pour le Lobby Européen des Femmes. , Collectif National pour les Droits des Femmes, Les effronté-e-s, Fédération Nationale Solidarité Femmes, Femmes égalité, Femmes solidaires, FIT – Une femme un toit, Grand Chapitre Général Féminin de France, Ligue du Droit International des Femmes, Maison des Femmes Thérèse Clerc, Mémoire traumatique et victimologie, Osez le Féminisme !, Planning Familial, Regards de Femmes, Réseau féministe Ruptures
 

Divorce devant notaire, attention danger : un risque majeur pour les femmes victimes de violences et leurs enfants.

Solidarité Femmes déplore l’amendement sur le divorce déposé dans le cadre de la réforme de la justice du XXIème siècle.
Il a été adopté sans analyse de la situation des femmes les plus en danger et des plus démunies. Le règlement du divorce devant notaire remet en cause la garantie d’une procédure équitable et contradictoire. Il ne préserve plus l’intérêt des deux parties avec l’intervention d’un ou d’une juge.
En raison de l’emprise que l’auteur des violences détient sur sa victime, de la peur, des traumatismes, il lui sera très facile d’imposer un divorce rapide devant notaire.
La victime risque d’être lésée sur le plan économique (pension alimentaire, abandon de famille). Et que devient l’aide juridictionnelle pour les femmes les plus démunies ? Mais, plus grave, les décisions concernant l’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement seront forcément prononcées en sa défaveur. Elles gommeront les violences, leurs conséquences sur les enfants, leur sécurité et celle de leur mère.
Un tel divorce « à l’amiable » sera utilisé par la partie adverse dans les autres procédures, pour démontrer qu’il n’y a pas eu de violences
Les associations du réseau Solidarité Femmes y sont donc opposées et demandent non une simplification mais au contraire dans les situations de violences, des magistrats spécialisés, chargé des procédures, civiles, pénales et devant les juges des enfants, qui puissent analyser et traiter ces dossiers complexes.
Cet amendement est la porte ouverte à tous les abus et pressions de la part des agresseurs.
Il nie le danger pour les femmes et les enfants, confrontés aux violences. Il prétend simplifier mais ne prend pas en compte leur intérêt et aura un impact sur toute la vie pour les victimes, en particulier les mineur.e.s.
Solidarité femmes
 

Un nouveau recul pour le droit des femmes : le divorce sans juge.

C’est par un simple amendement auprès de la commission des lois de l’Assemblée nationale que le ministre de la Justice a provoqué les prémices d’un tremblement de terre dont personne ne semble mesurer les prochains dégâts. Le divorce sans juge aura des conséquences dramatiques pour les femmes victimes de violences conjugales et leurs enfants. Il s’agit d’ailleurs d’une ancienne demande des mouvements masculinistes.
Fin 2007, Nicolas Sarkozy avait envisagé d’introduire un divorce sans avocat et sans juge, uniquement devant notaire. En janvier 2014, un rapport commandé par Christiane Taubira, alors garde des Sceaux, recommandait d’instaurer un divorce par consentement devant un greffier (sans juge ni avocat). Revoilà donc cette idée qui semble tomber sous le sens: permettre aux couples qui se séparent d’un commun accord de divorcer sans encombrer le bureau d’un juge. Le projet comprend évidemment une visée économique. Or, cette mesure est demandée et attendue par les mouvements masculinistes depuis bien longtemps.
Hommes violents, femmes sous emprise: exit le juge, place à la loi du plus fort
En effet, lorsqu’un couple désire divorcer sans qu’aucune violence n’ait été commise, on peut accepter l’idée qu’une signature au bas d’un document suffise à rendre à chacun sa liberté. La difficulté vient du fait que la procédure de divorce doit régler de très nombreux aspects aux conséquences incalculables: la résidence des enfants, la pension alimentaire, la prestation compensatoire, le partage des biens, l’attribution du domicile, etc. Or, les études montrent que dans de très nombreux cas, l’une ou l’autre forme de violence conjugale (psychologique, physique, sexuelle, économique et souvent plusieurs à la fois) existe dans le couple sans être révélée à la justice. Autrement dit, les parties ne sont pas sur un pied d’égalité pour négocier.
C’est pourquoi, la loi prévoit que « le juge homologue la convention et prononce le divorce s’il a acquis la conviction que la volonté de chacun des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé. » La procédure prévoit d’ailleurs que le juge rencontre d’abord les époux séparément pour vérifier leur volonté de divorcer mais aussi cette volonté dans chacune des modalités du divorce. Le manque de formation des magistrats à ces questions a souvent été dénoncé. Un lent travail de formation continue se met en place en France. Mais ce problème sera définitivement réglé si, selon la volonté du ministre Urvoas, la présence d’un juge n’est plus obligatoire pour prononcer un divorce.
Qui empêchera un homme violent de forcer sa future ex-compagne à consentir à signer une convention que lui-même aura rédigée? Comment une femme sous emprise (le principe de base de la violence conjugale) pourra t-elle s’opposer à la formule de garde des enfants qu’un homme lui imposera? La loi prévoyait que le juge « peut refuser l’homologation et ne pas prononcer le divorce s’il constate que la convention préserve insuffisamment les intérêts des enfants ou de l’un des époux. » Exit le juge. On réglera le problème entre soi sans aucun garde-fou.
1 femme sur 10 déclare avoir été victime d’une forme de violence conjugale dans les 12 derniers mois.
Faut-il rappeler que les statistiques montrent qu’une femme sur dix déclare avoir été victime d’une forme de violence conjugale dans les douze derniers mois? Et que l’immense majorité des faits ne donne jamais lieu ni à une plainte ni à une main courante? Or, la proposition du garde des Sceaux ne prend même pas en compte les situations qui auraient donné lieu à une plainte. Celui-ci ne prévoit en effet que deux exceptions: si un enfant mineur « demande son audition par un juge » ou si « l’un des époux se trouve placé sous l’un des régimes de protection ». Dans tous les nombreux autres cas, débrouillez-vous.
Imagine t-on un enfant victime de violence sexuelle (parfois même avant l’âge d’un an) demander à être entendu? Le ministre Urvoas ignore semble t-il les statistiques de l’inceste en France.
Il ignore également les très nombreux cas de ces femmes terrorisées par leur conjoint ou ex-conjoint, incapables de lui résister et de refuser de signer un document sur un coin de table de la cuisine. Pour des raisons économiques, il refuse de considérer ces enfants dont le sort sera réglé dans la violence par la volonté du plus fort sur les plus faibles. Il ignore comment au tribunal de Montréal, une salle d’attente dévolue aux femmes a été instaurée tant l’angoisse de rencontrer son agresseur peut être terrible chez une victime de violences conjugales au point de refuser d’ester en justice.
On imagine comment seront négociées les conventions de divorce dans toutes les situations violentes (avec ou sans plainte) pour les femmes qui ne seront pas placées « sous un régime de protection » (une infime minorité). Outre la situation des enfants, la question des pensions alimentaires (attaquées en permanence par les mouvements masculinistes) se posera immédiatement. Le ministre Urvoas imagine peut-être que les couples en situation de divorce négocieront paisiblement ce montant, barèmes à la main.
Le plus faible sera en situation d’accepter tout compromis
Dans les milieux plus favorisés, les avocats défendront chacun les intérêts de leurs clients avec la possibilité de demander l’arbitrage du juge en cas de non accord. Mais dans les situations où un avocat commis d’office sera mandaté par une des deux parties, on sait que le plus faible sera en situation d’accepter tout compromis, soumis à un chantage à la garde des enfants, à la violence ou simplement à l’emprise psychologique.
On s’étonne aujourd’hui du silence politique sur ces questions essentielles pour les droits des femmes. On attend la réaction de la ministre qui en a la tutelle.
Patric Jean
 
Stéphanie Lamy, co-fondatrice du collectif Abandon de Famille – Tolérance Zéro!, a lancé une pétition le 6 mai dernier : « Danger législatif : L’amendement @JJUrvoas un danger pour femmes et enfants ».
 
50-50 Magazine

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