Articles récents \ Île de France \ Société \ Santé La Maison des Femmes de Saint Denis: une approche holistique des femmes

En face de l’hôpital Delafontaine de Saint Denis se dresse un modeste bâtiment aux murs colorés, la Maison des Femmes. C’est un lieu unique où la santé des femmes, qu’elle soit physique ou psychologique, est la priorité de toutes/tous. Créée en 2016 par Ghada Hatem-Gantzer, gynécologue-obstétricienne, la Maison des Femmes de Saint Denis accueille, soigne et écoute.

La Maison des Femmes de Saint Denis est divisée en trois sections: le planning familial, l’unité mutilations sexuelles féminines et l’unité d’accueil violences. Jessica, chargée de projet à la Maison des Femme explique : «pour la section planning familial, on a surtout des femmes du quartier qui viennent pour leur contraception et des avortements. À l’unité violences, nous pouvons recevoir des femmes de toute l’Ile de France, qui viennent pour un suivi juridique, psychologique et sanitaire. Pour la section mutilations, comme nous proposons un parcours global avec suivi psychologique et juridique qu’il n’y a pas ailleurs, les femmes viennent de partout, on a déjà eu une patiente arrivée d’Angleterre.»

Soutenue pour la première fois cette année par l’Agence Régionale de Santé, la Maison des Femmes de Saint Denis obtiendra 260 000 € par an pour couvrir les coûts liés aux salaires des professionnel.les. Elle reçoit également l’aide de plusieurs fondations fidèles au projet, comme Sanofi Espoir et Kering Foundation, «elles sont très présentes et nous soutiennent depuis le début» déclare Jessica.

Les autres financements viennent, du conseil départemental pour la partie planning familiale, mais aussi de grandes collectes et directement de l’hôpital Delafontaine, qui salarie plusieurs des médecins de la Maison. Ces divers financeurs sont nécessaires au bon fonctionnement de la structure si particulière de la Maison des Femmes. La force de ce concept réside en partie dans les services avant-gardistes qu’elle propose, on peut par exemple y trouver une sage-femme travaillant sur les psycho-traumatismes. Mais ce genre de projet rencontre parfois des difficultés de financement, d’où l’importance de la diversité des donations, «nous nous appuyons beaucoup sur les dons des fondations privés pour tout ce qui est novateur, les structures publiques ont du mal à financer ce genre de poste, ce qui fait aussi que nous sommes les seul.es à avoir ce type de service» déclare Jessica.

Un lieu de soins atypiques et d’écoute

«Pour comprendre ce qu’est la Maison des Femmes, il vaux mieux que tu vois par toi-même», sont les premiers mots prononcés par Jessica, à Laure, durant son premier jour de stage. Une scène marquante pour la jeune étudiante de Sciences Po : «j’ai vu les femmes du groupe de parole descendre les escaliers en chantant, celles qui attendaient les ont rejointes, certaines se connaissent bien, elles se voient chaque semaine ici depuis trois ans, mais même les plus timides ont fini par se lever et danser. Ce genre de scène n’arrive pas souvent, mais cela reflète complètement l’ambiance.» Une expérience totalement à l’encontre de l’image que nous pourrions avoir de ce lieu, «j’avais beaucoup d’appréhension avant de débuter, j’allais être face à des femmes qui ont vécu des choses difficiles, j’avais peur qu’il y ai une ambiance un peu pesante mais pas du tout, c’est un lieu très accueillant où les femmes se sentent écouter» confie Laure.

Très différent du cadre habituel des hôpitaux plus conventionnels, la Maison des Femmes privilégie le contact avec les patientes. Rosalia, infirmière fraîchement arrivée de l’hôpital Delafontaine, décrit le contraste entre son ancien lieu de travail et la Maison des Femmes: «à l’hôpital nous sommes beaucoup plus plongé.es dans les soins que dans le relationnel, l’aspect psychologique ou encore l’échange avec les patientes. Je viens des urgences où tout est à la chaîne, ici nous pouvons passer 5 minutes comme 45 minutes avec une patiente, elle décide si elle veut parler ou se confier. Je pense que ce sont des patientes qui ont envie qu’on les écoute, alors nous prenons le temps.»

Une équipe dévouée

Être à l’écoute demande une grande implication, les professionnel.les au service des femmes de cette maison, sont totalement voué.es à leur métier. Une aptitude qui prend parfois le dessus sur leur propre situation, Morgan, stagiaire depuis plusieurs semaines, en témoigne «je ne pense pas que ce métier soit viable sur plusieurs années, mais l’équipe se soutient énormément, dès que nous voyons que quelqu’un n’a pas mangé depuis longtemps parce qu’il/elle s’est consacré.e avant tout aux patientes, nous le lui rappelons.»

Rosalia, explique l’importance de dissocier son métier de sa vie privée, «nous sommes amené.es à entendre des choses qui sont particulièrement difficiles, il faut être compatissant.e mais se dire que ce n’est pas nous, que ce n’est pas notre vie. Si nous nous laissons déborder par les émotions, nous ne nous en sortons pas. J’essaye de me dire que quand je sors d’ici je reprends ma vie, mais cela ne m’empêche pas de penser aux entretiens fait dans la journée, en espérant que je les ai aidées.»

Cet esprit d’implication est porté par la fondatrice elle même,  «Gadha Hatem est très accueillante et extrêmement gentille alors qu’elle est débordée tout le temps. Je l’ai vu répéter mille fois la même chose à des gens différents pour expliquer le projet de la Maison des Femmes, pourtant, elle n’est jamais las» décrit Morgan, stagiaire.

«nous voulons nous implanter là où c’est nécessaire, c’est à dire partout»

La Maison des Femmes compte bien répondre aux besoins du plus de femmes possible, pour cela, la construction d’un deuxième bâtiment est prévu, avec à disposition, une salle blanche pour pratiquer des IVG, des bureaux de consultation et une salle polyvalente pour les ateliers. Jessica précise que l’extension aura également un endroit dédié aux enfants «pour qu’elles.ils ne soient pas obligé.es de participer aux consultations ou aux groupes de paroles, car ce n’est pas le genre de choses qu’on partage avec son enfant.»

La structure souhaite dupliquer son modèles ailleurs en France, «nous voulons nous implanter là où c’est nécessaire, c’est à dire partout, nous avons déjà des petites sœurs à Bordeaux, Tournus en Bourgogne et Bruxelles» annonce Jessica.

La Maison des Femmes est un lieu indispensable, où de nombreuses problématiques actuelles sont évoquées chaque jour, Jessica explique être confrontées à des questions très stimulantes intellectuellement au sujet de la sexualité, l’avortement, les rapports femmes/hommes, la place des femmes dans la société ou encore les violences faîtes aux femmes.

Un endroit bienveillant qui ne serait pas aussi efficace sans le personnel derrière ce projet, «l’équipe se donne à 100% aux patientes, elle a toujours la volonté de faire du bien» atteste Jessica, pour qui être à la Maison des Femmes «donne du sens» à sa vie.

Louna Galtier, 50-50 magazine

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