Articles récents \ France \ Société Quand la pub se veut libre et audacieuse !

L’omniprésence des outils numériques permet à la publicité de s’immiscer dans tous les moments de nos vies. Elle fait souvent écran au visionnage d’une vidéo, elle s’associe aux articles des journaux en ligne (sur le site de Libé on peut lire le récit d’une fratrie jihadiste encadré par une pub pour des chaussures). Elle se rend incontournable pour l’accès à d’autres contenus. Malheureusement, la plupart des consommateurs et consommatrices s’habituent à être quotidiennement la cible de milliers d’annonces publicitaires (affiches, tv, magazine, internet, enseignes etc), pensant souvent n’y être pas sensibles !

Selon Habilomedias, les Nord-Américains seraient soumis à environ 3000 annonces par jour ! En Europe, l’invasion des espaces publics, voire privés, par la propagande publicitaire est également très alarmante. Nerf de la guerre de la société de consommation, elle s’adresse le plus souvent aux femmes en leur proposant des modèles stéréotypés, inaccessibles et complexants, tout en abusant de celui de «la ménagère de moins de 50 ans», reine du foyer et grande ordonnatrice de la consommation familiale !

La réclame pollue nos imaginaires, tend à normaliser nos comportements et gaspille une immense quantité de matières premières et d’énergie.On estime qu’environ 20% des achats résultent d’impulsions liées à la propagande publicitaire qui joue en permanence avec notre libido et nos frustrations. Sans compter qu’il n’est pas toujours nécessaire d’avoir vu ou regardé consciemment une annonce pour être touché.es. «L’effet de simple exposition» suffit ! Si une annonce entre dans votre champ visuel plusieurs dizaines de fois de suite, vous allez l’enregistrer et la mémoriser. Dans le métro par exemple où la même annonce en 3 x 4 m va vous accompagner sur tous vos trajets pendant plusieurs jours.

On nous prend toujours pour des quiches

Parfois, elle va vous faire réagir comme ce fut le cas avec la récente pub à caractère sexiste d’un magasin qui se veut proche de la nature et qui prend ses clientes pour des quiches !

Vous êtes plusieurs à avoir alerté votre magazine 50-50, et nous avons donc examiné l’annonce en question qui a été qualifiée de «manière d’aborder ce sujet encore tabou de façon décomplexée et connivente, en phase avec les valeurs de liberté et d’audace chères à la marque» (1) ou considérée «dans l’air du temps» par Bibamagazine.

Dans l’air du temps, probablement, décomplexé, rien n’est moins sûr… Quand à la liberté et l’audace, on aimerait qu’elles soient moins galvaudées et ne soient pas situées dans nos culottes !

On voit qu’il reste difficile de montrer un tampon ou une serviette hygiénique vus comme repoussants, surtout pour les hommes. Il est plus «audacieux» d’évoquer le sexe des femmes, ces être «fendus» comme nous le suggèrent l’abricot ou la prune, et toujours accueillant à celui des hommes comme le suggère la figue. Une rhétorique qui masque les règles, le sang et toutes les «impuretés» que sont les secrétions féminines qui ont valu maints tourments et interdits aux femmes au cours des siècles.

Une fois de plus cette publicité qui se veut humoristique semble faite pour le regard des hommes. Les femmes y sont montrées de façon ridicule, infantilisées et anonymes, des corps sans tête et interchangeables. Quelle femme nomme son sexe avec les termes d’amande, d’abricot, de figue ou de prune ? Si l’usage de la métaphore est déjà délicat quand il est littéraire, elle est encore plus difficile à manier avec des images et sans doute trop subtile pour la plupart des publicitaires.

Nous invitons nos lectrices et lecteurs à nous transmettre les publicités qu’elles/ils considèrent sexistes et qui nous empoisonnent la vie un peu plus chaque jour en nous profilant, puis nous ciblant afin d’influencer toujours davantage notre consommation.

Les neurosciences et les technologies numériques sont malheureusement des alliées de poids dans cette volonté de réduire nos existences «aux joies de la consommation.» Au train où vont les choses, bientôt notre quart d’heure de cerveau disponible sera le reliquat de notre espace quotidien sans pub !

Pour terminer sur une image, nous nous sommes demandées avec «liberté et audace» ce que cette annonce aurait donné au masculin. Nous vous laissons juger de l’élégance de la métaphore et de sa dimension sexiste !

50 – 50 Magazine

1 Jai-un-pote-dans-la.com

Et pour mieux repérer les publicités sexistes, vous pouvez regarder ce MOOC sur la publicité et le sexisme.

Photomontages: 50-50 magazine

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