Articles récents \ DÉBATS \ Tribunes 1er mai féministe

En ce 1er mai confiné·es, les associations féministes se mobilisent pour soutenir les travailleuses et travailleurs du monde entier. Parce que les femmes sont en première ligne pendant la crise sanitaire et parce que leurs droits sont particulièrement invisibilisés pendant cette période, les associations appellent les femmes de France à se faire entendre. À 18h, soyons bruyantes à nos fenêtres !

La période qui s’est ouverte avec l’épidémie du COVID 19 et le confinement montre que les femmes sont en première ligne d’abord comme salariées : elles sont majoritaires dans la santé, le para-médical, l’aide à la personne (soins, assistance), le nettoyage. Elles sont aussi caissières, factrices, livreuses. En outre, à la maison, et pour beaucoup en télétravail, elles doivent le plus souvent gérer seules les enfants confiné·es, les courses, le ménage, l’éducation, l’école, les loisirs… car le partage des tâches entre les femmes et les hommes est toujours aussi inégal, y compris dans cette période au cours de laquelle les couples se retrouvent confinés.

Le confinement a un effet loupe quant à la répartition inégale du partage des tâches.

En première ligne aussi pour la précarité !

Les femmes, de par leur situation dans le travail et la société, sont aussi les premières à subir la misère qui commence à toucher les personnes les plus précarisées. Elles sont nombreuses à se retrouver au chômage partiel ou total, indemnisé pour certaines et pas pour d’autres, dans la mesure où les aides ne concernent que les personnes bénéficiant d’un contrat de plus d’un an, dans la majorité des conventions collectives. Les situations de précarité deviennent donc des situations de misère. Beaucoup, dont majoritairement des femmes et des enfants, ont faim !

Il n’y a plus les cantines à l’école qui permettent d’assurer un repas par jour, tout comme il n’y a plus de restaurants d’entreprise. Les associations caritatives font face à des demandes croissantes quant aux besoins alimentaires de première nécessité. Des initiatives citoyennes, avec des appels aux dons, permettent de soutenir certaines personnes, mais c’est à l’État de prendre les mesures qui assurent à l’ensemble de la population l’accès aux besoins les plus élémentaires, tout comme l’accès aux droits. Les aides exceptionnelles promises aux plus démuni·es sont largement en deçà des besoins et ne bénéficient pas à tout le monde. Que dire en effet des femmes exilées sans papiers, obligées de travailler sans être déclarées et qui ne touchent plus rien aujourd’hui et ne peuvent se prévaloir d’aucun droit ! 
Comment faire face aux dépenses quotidiennes quand les salaires et les revenus sont réduits ou supprimés, quand les contrats précaires arrivent à terme et que d’aucunes ne bénéficient pas toujours des allocations chômage. Cette situation touche particulièrement les femmes, qu’elles soient en situation de famille monoparentale, sans domicile fixe ou habitant des logements précaires et/ou insalubres.

Concernant les personnes en situation de handicap, le gouvernement s’est borné à créer une plate-forme avec des ressources pour faciliter leur vie et celle de leurs aidant·es. Cette plateforme de solidarité qui s’appuie sur les associations ne prend pas en compte les difficultés économiques.

Parce que nous vivons une période sans précédent, nous exigeons de l’État, qui s’apprête à dépenser des milliards pour aider les entreprises, sans aucune contrepartie notamment pour des entreprises très polluantes, qu’il mette en place un nouveau plan d’urgence sociale et économique avec des mesures immédiates telles que :

Logement

  • Suspension des loyers dans le parc locatif public et privé avec garantie de l’État si nécessaire.
  • Arrêt des expulsions locatives.
  • Relogement immédiat des femmes sans domicile fixe, accompagné d’un suivi social et 
d’une prise en charge réelle.
  • Réquisition des logements vides.
  • Moratoire des factures d’eau, d’électricité, de gaz pour les personnes qui ont perdu 
leur revenu ou ont vu celui-ci diminué.

Exilé·es

  • Régularisation de tou·tes les sans papier·es.
  • Mise à l’abri et protection des mineur·es isolé·es avec une prise en charge effective 
qui permette l’accès à tous les droits notamment l’accès à la santé et à l’éducation.
  • Fermeture des Centres de Rétention Administrative (CRA) dans lesquels sont enfermés 
des femmes et des enfants sans aucune protection contre le COVID.

Travail

  • Abrogation de la loi sur l’assurance chômage qui pénalise particulièrement les femmes comme les intermittentes du spectacle, les assistantes maternelles, ainsi que les jeunes et les senior·es.
  • Indemnisation totale du chômage partiel pour l’ensemble des salarié·es et des personnes en situation «d’ubérisation ».
  • Retrait définitif du projet de loi sur les retraites.
  • Attribution d’une aide exceptionnelle dont le montant permette de vivre dignement et 
de faire face à la situation créée par la pandémie.

Handicap

Nous exigeons une aide exceptionnelle afin de revaloriser l’Allocation Adulte Handicapés et l’Allocation d’Éducation destinés aux aidant·es. Soutien aux personnes en situation de handicap.

Prostitution

Les personnes en situation de prostitution doivent pouvoir bénéficier d’un abri décent, d’une régularisation pour les sans papiers, victimes de la traite, et d’une aide exceptionnelle leur permettant de vivre dignement et en étant autonomes.

Revalorisation des salaires et égalité réelle

Ces mesures d’urgence sociale doivent s’accompagner d’une revalorisation salariale conséquente pour l’ensemble des métiers féminisés, de la fin des bas salaires pour des métiers dont l’utilité sociale a été démontrée, de l’arrêt effectif des inégalités salariales entre les femmes et les hommes.

Violences conjugales

Par ailleurs le confinement a accru les violences conjugales et a mis en lumière dans le monde entier cette situation que les féministes dénoncent depuis bien longtemps.
 La situation des enfants violenté·es physiquement et psychologiquement est apparue de façon éclatante. Certains commissariats continuent à refuser les plaintes. Par exemple, il aura fallu 72 heures et plus pour mettre à l’abri une femme en danger de mort ! Aucune loi n’oblige automatiquement l’agresseur à quitter le logement puisqu’il faut que le juge l’ordonne dans le cadre d’une ordonnance de protection. Ce sont les femmes victimes de violences qui sont incitées à partir et, de ce fait, c’est l’agresseur qui continue à jouir du domicile. C’est une véritable double peine.

Les moyens consacrés à la lutte contre les violences à l’encontre des femmes n’étaient pas à la hauteur avant l’épidémie, ils ne le sont pas plus aujourd’hui. Les quelques mesures prises ne sont que du saupoudrage bien incertain. Une fois de plus, l’Espagne, sur cette question, a pris des mesures en urgence bien plus fortes que la France.

Nous exigeons l’application stricte de la loi : les plaintes doivent être prises, la police et la gendarmerie doivent se déplacer immédiatement au domicile des victimes quand celles-ci en font la demande.
L’expulsion du conjoint violent doit être réalisée sans délai. Si la femme le demande, les enfants et elle doivent être immédiatement mis à l’abri. Les associations doivent recevoir des aides d’urgence supplémentaires pour pouvoir soutenir les victimes.
 Un milliard c’est le budget nécessaire pour accompagner les femmes victimes de violence, on est loin du compte !

Avortement

La mobilisation des associations avec le succès de la pétition « Covid 19 : Les avortements ne peuvent attendre ! Pour une loi d’urgence ! » a permis l’allongement du délai pour la pilule abortive. Mais ceci ne suffira pas. Le 11 mai, lors du déconfinement, des femmes auront dépassé les délais de 12 semaines. Nous exigeons l’augmentation du délai légal pour avorter de 8 semaines, correspondant à la durée du confinement.

Nos vies, pas leurs profits !

La pandémie devrait obliger toutes et tous à changer de logique. Le gouvernement reste cependant sur une logique de retour au travail le plus rapide possible au mépris de la santé de la population. Le projet de réouverture des établissements scolaires tel qu’il est conçu, rajoute aux angoisses et à la culpabilisation pour la santé des enfants, et pour celles qui font parti des personnels de l’éducation, toutes catégories professionnelles confondues, la charge de travail et mentale sera infernale.
Ce gouvernement et ceux qui l’ont précédé ont une responsabilité immense dans cette crise. Reconduire les inégalités actuelles nous mènera dans une nouvelle impasse. Le néo libéralisme, le capitalisme, le patriarcat tuent.

Nous devons changer de paradigme, dire stop au capitalisme et aux logiques productivistes et destructrices de la planète, à la marchandisation des biens communs comme la santé, l’éducation, la culture…. tout comme à la privatisation de l’accès à l’eau, l’énergie.
Il nous faut nous situer dans des logiques d’égalité et de reconnaissance qui doivent structurer la construction d’une société future. Les femmes payent un lourd tribut à cette crise, mais c’est aussi grâce à elles que la société tient debout et fait face, comme ce fut le cas bien souvent dans les moments difficiles de l’Histoire.

La construction d’une société émancipatrice pour toutes et tous, débarrassée de l’oppression, du sexisme et du racisme, celle de l’après, ne pourra se faire sans elles, sans la reconnaissance de leur rôle, de leur place et sans éradiquer les inégalités actuelles.

#OnArrêteToutes

 

                                 

En cette date historique qui unit les travailleuses/travailleurs du monde entier dans la lutte pour leurs droits, nous, féministes qui sommes force transfrontière et mémoire des luttes, lançons un appel pour un 1er mai féministe transnational

Nous continuons à élever nos voix pour dénoncer ensemble la crise de la reproduction de la vie à laquelle nous sommes confronté·es, laquelle précarise et intensifie le travail productif et reproductif des femmes, des lesbiennes, des travestis, des trans et des non-binaires. C’est pourquoi nous devons nous organiser et lutter ensemble.

La pandémie mondiale de COVID-19 a mis en évidence non seulement la crise capitaliste patriarcale, mais aussi qu’il est urgent de transformer la société dans son ensemble. Pendant cette pandémie, des millions de personnes travaillent dans des entrepôts logistiques pour des bas salaires et sans aucune protection. Les conditions de travail des personnes migrantes sont encore plus précaires. Les différentes mesures qui les maintiennent dans une situation irrégulière sur le territoire, comme les politiques d’immigration choisie, ne servent qu’à intensifier la surexploitation. Des millions de travailleuses de la santé et d’ouvrières travaillent sans arrêt pour des salaires insuffisants dans des conditions indignes, mettant leur vie en danger chaque jour. Des milliers de travailleuses domestiques sont licenciées sans recevoir aucune compensation. Des millions de femmes sont surchargées par le travail du soin et des millions de travailleuses/travailleurs de l’économie informelle, des économies alternatives et populaires et des précaires se retrouvent sans emploi. La crise pandémique montre clairement que les emplois nécessaires à la reproduction sociale, qui sont aussi les plus précaires et féminisés, donnent lieu à une exploitation plus forte.

En même temps, le confinement actuel montre que des milliers de femmes, de lesbiennes, de travesti·es et de trans ne peuvent protéger leur santé en restant à la maison et parce qu’elles doivent continuer à travailler. Pour bon nombre de celles qui restent chez elles, le système patriarcal se décharge sur elles de la responsabilité des soins aux enfants et aux personnes âgées, plus vulnérables. Ceci décuple le poids du travail domestique pour lequel il n’y a jamais eu de rémunération ni de limite horaire. Nombreuses sont celles pour qui le foyer n’est pas sûr car il implique l’isolement et l’enfermement avec leurs agresseurs. Les féminicides et les violences envers les femmes et les personnes LGBTQI* ont augmenté durant cette crise. La gestion sécuritaire de cette crise omet cette réalité. Quant aux femmes en situation de handicap, dont le soin et la vie quotidienne sont soumis à des rythmes très particuliers, leur place dans la société est d’avantage invisibilisée.

Nous refusons de laisser l’avenir ressembler à ce présent et nous refusons de revenir à la normalité néolibérale dont l’insoutenabilité se révèle de manière évidente dans cette crise. Nous luttons pour en finir avec l’extractivisme, l’élevage intensif et la production agro-alimentaire à grande échelle qui soumet toutes les espèces vivantes et la terre au profit du capital.

Nous luttons aujourd’hui pour survivre au milieu d’une pandémie, mais nous nous organisons aussi maintenant pour faire face aux conséquences à long terme que cela aura sur les conditions économiques et de vie de millions de personnes dans le monde.

Nous ne voulons pas sortir de cette situation « d’urgence » encore plus endettées et précarisées ! Nous demandons que la richesse sociale soit utilisée pour garantir que chacun·e ait un revenu, que personne ne soit obligé de s’endetter pour survivre. La richesse sociale servira à préserver la vie et ne sera plus accaparée par une minorité de privilégié·es. Nous exigeons que l’accès au système de santé soit garanti et gratuit et que les droits à la santé mentale, sexuelle, et (non) reproductive soient reconnus comme droits essentiels parce que le confinement obligatoire ne peut pas être une excuse pour nous faire perdre le droit à disposer de nos corps et notre autonomie.

Dans les quartiers populaires, s’organisent des manifestations aux balcons contre les féminicides et des réseaux d’autodéfense contre les violences machistes. Dans les communautés, les femmes indigènes, qui ont toujours lutté contre la destruction de la planète, s’affrontent à un État qui profite du confinement pour déployer des projets extractivistes. Dans toutes les prisons, les détenu·es dénoncent des conditions de détention inhumaines et l’ absence totale de protections. Partout, les personnes migrantes se rebellent contre la surpopulation dans les centres de rétention et réclament des papiers, sans lesquels leur vie, encore plus avec cette pandémie, est soumise à des conditions d’exploitation et de violence accrues. A certains endroits, des grèves surgissent, réclamant que seules les activités indispensables soient maintenues et ceci dans des conditions dignes.

Ces dernières années, la grève féministe a été l’outil qui a uni nos luttes au niveau mondial et nous a permis de rejeter la violence patriarcale dans sa dimension structurelle : à la maison, dans la rue, sur le lieu de travail, aux frontières. Lors de la grève des 8 et 9 mars derniers, nous avons été des millions à travers le monde à nous retrouver, occupant les rues avec notre puissance féministe. Pendant la pandémie et dans les mois qui suivront, le processus d’insubordination alimenté par la grève féministe fait de notre travail reproductif un champ de lutte pour s’opposer à la division sexuelle et raciste du travail et pour exiger la socialisation du travail de soins.

Nous exigeons que toutes les tâches qui ne sont pas nécessaires au maintien de la vie soient suspendues : le travail de tous·tes pour défendre la vie, pas pour les profits ! Nous demandons la fin de la subordination, de l’exploitation, de la précarisation. Nous exigeons également des protections contre le virus dans les emplois essentiels.

Nous voulons tout bouleverser pour mettre fin à la violence patriarcale et raciste de la société néolibérale, pour pouvoir avorter de façon sûre, libre et gratuite, pour cesser de nous endetter, pour disposer de nos libertés. Ce que la grève féministe mondiale nous a appris, c’est que, ensemble, nous sommes fortes et que, maintenant plus que jamais, nous devons unir nos voix, afin d’éviter la fragmentation que la pandémie semble nous imposer.

Nous voulons une sortie de crise féministe transfrontière afin de ne pas revenir à une normalité faite d’inégalités et de violences. En cette journée internationale des travailleuses et des travailleurs, nous crierons toute notre colère contre la violence d’une société qui nous exploite, nous opprime et nous tue.

Le 1er mai, plus que jamais, nous disons que nos vies ne sont pas au service de leurs profits. En cette journée internationale des travailleuses et travailleurs, nous affirmons une fois de plus que la société peut être organisée sur de nouvelles bases, qu’une vie sans violence patriarcale et raciste et sans exploitation est possible.

Marche Mondiale des Femmes

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