Brèves Égalité salariale : il y a loin de la loi à son application

En 2015, nous nous étions associé·es juridiquement au recours engagé par l’élu régional Julien Bayou, afin d’obtenir la liste des entreprises mises en demeure ou sanctionnées pour non-respect de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. En effet, la CADA et le secrétariat aux droits des femmes de l’époque nous avait refusé cette liste. Ce refus sera par la suite constant de la part des ministres qui se sont succédé.

Il faut savoir que la loi est très peu contraignante : si elle demande en effet des moyens et un effort de la part des entreprises pour appliquer l’égalité salariale, il n’y a aucune obligation de résultats. Ainsi les entreprises sanctionnées sont celles qui n’ont absolument rien fait, et la sanction est bien légère : pénalité à hauteur d’1% de la masse salariale (maximum) et une interdiction de soumissionner aux marchés publics. Il est primordial que cette dernière disposition, la plus fâcheuse pour les entreprises, soit respectée (ce qui n’est pas toujours le cas !), et que citoyen·nes comme élu·es puissent juger de son effet dissuasif réel ! Pour ce faire, il nous est apparu impératif que la liste des entreprises condamnées soit rendue publique, afin de ne pas tromper la vigilance des élu·es régionaux·ales.

Par ailleurs, Les effronté·es préconisent que la pénalité s’élève à 10 % de la masse salariale pour être dissuasive, que les entreprises soient soumises à une obligation de résultats avec une date butoir pour les estimer, et qu’on majore les cotisations patronales des entreprises où le nombre d’emplois à temps partiel est supérieur à 15 % (car les temps partiels subis sont une autre composante des inégalités salariales entre les femmes et les hommes, 80 % des emplois à temps partiel étant occupés par des femmes).

En 2018, le recours que nous avions déposé fut rejeté par le Tribunal administratif, au motif que la divulgation de cette liste pourrait causer un préjudice aux entreprises concernées.

Ce motif restera aussi une constante, pour absurde qu’il soit car c’est bien parce que nous estimons que la loi n’est pas assez coercitive et que nous savons qu’elle n’est pas toujours respectée que nous jugeons qu’un contrôle est nécessaire. Charge aux entreprises de respecter la loi pour ne pas subir de préjudice…

D’ailleurs, le président Macron lui-même avait annoncé le 8 mars 2018 vouloir publier la liste des entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale, dans une logique de « name and shame », car « la stigmatisation fait changer les comportements », avait-il dit.

Nous attendons toujours la mise en application de ce discours, sur le modèle des ministres qui ont pu dévoiler les noms d’entreprises au comportement dommageable : entreprises sanctionnées pour délais de paiement trop long (E. Macron) en 2016 ; entreprises identifiées comme discriminant à l’embauche (M. El Khomri) en 2017 ; entreprises ayant recours au travail illégal (M. Pénicaud) en 2018.

En 2018 toujours, nous allions devant la justice pour casser le rejet de notre demande par le Tribunal Administratif. Nous avions d’ailleurs reçu le soutien de Mme Yvette Roudy, première Ministre des droits des femmes, qui a fait et donné son nom à la loi de 1983 en faveur de l’égalité salariale, et qui regrette que 35 ans plus tard, elle reste inappliquée. Aujourd’hui, en 2020, le Conseil d’État a rejeté notre pourvoi en cassation.

Il est toujours possible au gouvernement de publier cette liste comme cela s’est déjà vu ainsi que nous l’avons mentionné. Il est toujours possible à Monsieur Macron de mettre son discours en application.

Nous rappelons que les femmes sont les premières à subir un fort préjudice de l’inégalité salariale et d’une loi trop peu contraignante. Ces inégalités pèsent sur elles tout au long de leur vie, jusque sur leurs retraites (42 % inférieures à celles des hommes pour les pensions de droit direct).

Mme Schiappa, Mme Pénicaud, M. Macron, M. Philippe, la balle est toujours dans votre camp !

Les effronté·es

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