Articles récents \ DÉBATS \ Tribunes En finir avec le recours à la maternité de substitution (GPA) ? Oui, c’est possible

La pandémie a bouleversé nos sociétés et appelle à repenser nos options collectives en mettant, plus que jamais,  au cœur de nos préoccupations, la justice sociale et la dignité humaine. Elle a servi de révélateur à la situation catastrophique des enfants, nés de GPA, bloqués en Ukraine, mais aussi partout où elle est acceptée : Géorgie, Inde, Etats unis etc… et à la façon dont les droits humains élémentaires à n’être ni achetés ni vendus sont bafoués. Elle a mis en lumière la terrible réalité des mères porteuses ukrainiennes qui ont donné naissance à ces enfants : poussées par la misère dans ce pays des plus pauvres d’Europe dévasté par la guerre, recrutées par petites annonces, elles vont parfois s’engager, au prix de leur santé, voire de leur vie, dans plusieurs GPA successives. Quant aux agences qui commercialisent cette pratique, elles n’hésitent pas à y proposer des services qui s’apparent à du trafic humain puisque des mères porteuses peuvent être déplacées, au moment de leur accouchement, vers le pays des parents commanditaires, par commodité pour ceux-ci ! (1)

Il s’avère qu’une grande partie des parents d’intention sont des citoyen.ne.s européen.ne.s. Or, Le parlement européen a condamné clairement la pratique de la gestation pour autrui dès 2015 dans son rapport annuel sur les droits humains. La plupart des pays européens qui comptent 60% de la population de l’Union Européenne interdisent sa pratique sur leur territoire. 

Il y a là une incohérence incompréhensible et inadmissible. Il ne peut y avoir deux poids deux mesures. Si la maternité de substitution, au nom des droits humains et de la protection des femmes et des enfants, est prohibée dans la majeure partie de l’Europe, pourquoi la tolèrerait-on à l‘extérieur ? Y aurait-il une hiérarchie parmi les êtres humains et des catégories de femmes appelées à être instrumentalisées et exploitées ? 

La question de l’infertilité est généralement mise en avant pour justifier le recours à la Gestation pour autrui. Mais un problème d’infertilité est une question de santé publique qui appelle des politiques institutionnelles capables d’identifier et de remédier aux causes de cette infertilité. Or, rien de tout cela, le seul moyen avancé est une solution individuelle pour les personnes concernées, hommes ou femmes, au détriment à la fois des donneuses d’ovocytes, des mères porteuses qui doivent en assumer les risques médicaux, sociaux et économiques et des enfants qui sont traités comme des objets. Et n’oublions pas qu’être parent est un choix et non une obligation. En tant que féministes, nous décelons aussi ,avec le développement de la GA, le retour de l’injonction à la reproduction, preuve de virilité pour les hommes, imposition patriarcale pour les femmes et symbole d’intégration sociale pour les gays.

Enfin, comment peut-on accepter de mobiliser les ressources médicales pointues, rares, précieuses des pays où elle est tolérée , voire encouragée, pour des acte médicaux qui ne sauvent en rien des vies humaines et surtout pas celles du pays d’accueil ?  Comment peut-on accepter de créer des problèmes à l’enfant qui est volontairement privé du lien avec la mère qui l’a porté dans son ventre pour neuf mois ? Pire encore, n’est-on pas en présence d’un énième système de prédation riches/pauvres, Nord/Sud ? Il a été montré que les candidates mères porteuses sont partout motivées par des raisons économiques et y voient une issue financières, non pour elles même , mais pour les besoins de leur famille ou l’éducation de leurs propres enfants. Assurer une vie décente à chaque citoyenne, à chaque citoyen n‘est-ce pas le rôle des états et des sociétés, et non celui d’une catégorie de la population, alors pourquoi faire, encore et toujours, faire porter ce fardeau par les femmes ?

Les pays où le recours à la maternité de substitution est interdit pourraient s’unir et peser de leur détermination commune en faveur de son abolition dans toutes les instances internationale et européennes où la question de la GPA est débattue et non, comme aujourd’hui, se limiter à une approche individuelle et trop souvent défensive. Ils disposent, en matière de diplomatie , d’un concept protecteur des droits des femmes et des enfants remarquable qui est la non-patrimonialité du corps humain. Dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, il se décline en droit à la dignité et à l’intégrité physique. Ce principe pourrait être mis en avant sur le plan diplomatique dans l’organisation interne de l’Union Européenne et dans ses interventions externes. 

Au plan pratique, les pays abolitionnistes doivent s’organiser pour faire barrage aux actions de promotion de la GPA sur leur territoire. Ils doivent également faire évoluer leurs systèmes juridiques afin d’étendre les dispositions qui interdisent la GPA sur leur territoire à la maternité de substitution trans frontière. 

Dans ce contexte, l’Europe a un rôle important à jouer parce que, malgré tout, elle constitue encore un espace où les notions de dignité humaine et de justice sociale trouvent un écho. Aussi nous apparaît-il indispensable et urgent que l’Union Européenne développe un engagement clair en faveur de l’abolition universelle de cette pratique.

Coalition Internationale pour l’abolition de la Maternité de substitution (CIAMS)

Regarder la vidéo : Programme garantie de maternité de substitution à distance

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