Articles récents \ France \ Société Atelier : démasquer et répondre au sexisme du quotidien

Dans le cadre d’une formation proposée par Ekiwork, un Atelier a été ouvert au grand public sur le thème du sexisme. Son objectif principal est de démasquer le sexisme qui s’exerce autour de nous, pour mieux y répondre en pratique au quotidien. Elisabeth Chaudière, créatrice, dirigeante et intervenante d’Ekiwork depuis 2017, nous a accompagnées aux côtés de Mélie Aboul Nasr, formatrice, autrice et podcasteuse.

« Le sexisme enferme les femmes et les hommes. En 2019, 99% de femmes et 73% d’hommes entre 18 et 30 ans ont subi un ou plusieurs actes ou propos sexistes. » (1) Dans nos sociétés, les outrages sexistes font partie du quotidien des filles et des garçons, des femmes et des hommes. Dresser un panorama exhaustif des outrages sexistes semble être un projet ambitieux, en déceler certains rouages est toutefois envisageable. Le « sexisme » s’inscrit dans des contextes précis et recouvre diverses réalités. Il s’exerce souvent au travers de publicités, de livres, de films, de jouets pour enfants, mais aussi dans la rue, à la maison, ou encore au travail… Se détacher des stéréotypes genrés que l’on a intériorisé et qui se traduisent ensuite par des actions sexistes, mal intentionnées ou non, nécessite aussi bien une prise de conscience individuelle qu’une action collective. Affirmer notre volonté de rompre avec le sexisme quotidien est une chose, parvenir à mettre en pratique des actes concrets en est une autre.

Pierre Tevanian, essayiste, agrégé de philosophie et militant français a théorisé le concept de « mécanique raciste » pour mettre en évidence le caractère systémique du racisme. Une écrasante majorité de la population se revendique antiraciste. Pour autant, les discriminations subies par les personnes victimes du racisme ne semblent pas en voie d’extinction. Marine Spaak applique les mêmes critères discriminatoires utilisés par P. Tevanian pour mettre en exergue les rouages du sexisme et cela fonctionne très bien !

La première étape de la mécanique est la focalisation. Il s’agit de prendre un critère arbitraire et d’en faire une caractéristique importante d’un ou plusieurs individus. Les femmes partageraient un ensemble de critères communs comme le fait d’aimer les enfants et d’en vouloir. La seconde étape est la différenciation. Les femmes ne sont plus seulement toutes pareilles, elles sont aussi très différentes des hommes ! Des adjectifs et traits de caractère sont attribués spécifiquement aux femmes et aux hommes. C’est à ce titre que Victoire Tuaillon affirme : « nos organes génitaux nous prédestineraient à un tempérament. » (2). Ensuite, nous avons la péjoration : ce qui était d’abord une différence devient une marque d’infériorité. Il est bien connu qu’une femme n’est pas suffisamment douée pour bricoler, ou conduit moins bien qu’un homme ! Ces préjugés sexistes peuvent aussi prendre place via un sexisme dit « bienveillant », plus tacite, mais pas moins réel. Affirmer que les femmes font mieux la cuisine est un moyen pour certains hommes de s’en dédouaner et de réduire drastiquement leur implication dans les tâches domestiques au sein du foyer. Enfin, la dernière étape est celle de la légitimation. En s’appuyant sur les trois étapes précédentes, les inégalités de traitement entre les femmes et les hommes sont justifiées.

Comprendre et déceler les rouages de la « mécanique sexiste » …

Etablir des règles de comportement à partir de ce que l’on considère comme inné est la conséquence d’une intériorisation de normes étiquetées par le sens commun comme proprement « féminines » et « masculines ». Elles se poursuivent dans l’endossement conscient ou non de rôles tenus au sein de la hiérarchie sociale. Elles s’accompagnent la plupart du temps d’une infériorisation et dévalorisation des filles et des femmes. Chacun·e peut être amené·e, à son insu, à véhiculer un ensemble de stéréotypes genrés qui s’incarneront ensuite concrètement dans les comportements du quotidien.

Lors de la formation nous avons constitué des groupes de réflexion pour mieux cerner ce qui caractérise les comportements sexistes. Dans cette perspective, nous avons classé plusieurs témoignages en trois catégories : 1. Outrage sexiste, 2. Harcèlement sexuel, 3. Autres.

L’outrage sexiste renvoie à des propos qui enferment et/ou réduisent une personne à des comportements et règles de conduite qui sont liés à son sexe ou à son genre. Il porte atteinte à la dignité d’une personne en raison de son caractère dégradant ou humiliant et/ou créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. A l’aune d’exemples concrets, on remarque que les femmes peuvent aussi véhiculer inconsciemment des préjugés sexistes. Toutefois, les hommes sont majoritairement porteurs des stéréotypes genrés transmis par la société patriarcale. L’article 621-1 du code pénal détermine l’outrage sexiste comme une infraction qui peut être punie d’une amende allant jusqu’à 750 euros.

A partir d’une dizaine de cas pratiques, nous nous sommes demandées comment différencier l’outrage sexiste de la discrimination sexiste ? Lorsqu’il y a un impact sur l’accès à un bien, un service ou directement sur la carrière professionnelle on peut parler de discrimination. Tout en les distinguant les uns des autres, nous avons pris connaissance de comportements qui peuvent être rassemblés sous la même étiquette de « violences sexistes et sexuelles. »

…pour mieux impulser le changement : agir face au sexisme en tant que témouine/témoin ou cible directe

Nous avons poursuivi notre réflexion sur les différentes conséquences des comportements sexistes du quotidien. Pour y faire face et mieux réagir à l’avenir, les participantes ont partagé leurs réflexions sur des situations auxquelles elles ont été confrontées. Le processus d’action par les citoyen·nes contre le sexisme est déjà largement entamé. Pourtant il ne tend toujours pas à disparaître dans nos espaces publics et au sein de la sphère privée.

Il existe plusieurs moyens efficaces pour répondre aux outrages sexistes. Tout d’abord expirer et/ou inspirer, prendre quelques secondes pour analyser la situation (gravité, enjeu, type de relation, fréquence, risque…) avant d’agir est une méthode utile pour se sentir prêt·e à affronter les propos.

Ensuite, renforcer la communication non verbale peut permettre à votre interlocutrice/interlocuteur de rapidement vous comprendre : reculer la tête, s’écarter physiquement, froncer les sourcils, plisser les yeux, ouvrir grand les yeux, en sont quelques exemples. Demander à la personne qui se trouve en face de vous de reformuler son propos peut lui permettre d’en réaliser les enjeux et conséquences.

Enfin, exprimer concrètement son ressenti sans nécessairement rentrer dans un conflit virulent, est certainement le moyen le plus efficace pour lutter contre le sexisme au quotidien.

En conclusion, les deux formatrices ont rappelé qu’il existait autant de façons de réagir que de personnes. Tout dépend du contexte et si à tout moment un danger semble apparaître, agir comme on le peut est bien évidemment la chose à faire.

Chloé Vaysse 50-50 Magazine

(1) #MoiJeune, Etude réalisée par OpinionWay pour 20Minutes, 8 mars 2019  

(2) Victoire Tuaillon, Les Couilles sur la table, Ed. Binge Audio, 2019.

Ekiwork Formation

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