Articles récents \ France \ Société L’hymen, un mythe patriarcal

En 2015, l’Association Nationale des Centres d’IVG et de Contraception (ANCIC) diffusait auprès du grand public une plaquette informative, destinée à déconstruire les idées reçues existant autour de l’hymen, et plus largement autour de la virginité. Le 14 septembre 2020, l’ANCIC fait part de son inquiétude quant à la volonté du gouvernement Macron de pénaliser les médecins délivrant des certificats de virginité, dans le cadre du projet de loi contre les séparatismes. Dans ce même communiqué de presse, l’association met à disposition sa campagne vieille de cinq ans sur l’hymen et ses réalités.

L’objectif de la campagne de l’ANCIC est clair : informer les jeunes filles et jeunes garçons de ce qu’est réellement l’hymen, et en quoi il n’est pas forcément lié à la perte de la virginité.

Les idées reçues

Dans l’imaginaire collectif, l’hymen est une membrane obstruant l’entrée du vagin. Au moment de la première pénétration sexuelle, ce dernier devrait être percé par le pénis, ce qui occasionnerait une perte de sang plus ou moins abondante, et permettrait donc de prouver la virginité de la jeune fille. Pourtant, tout ceci est faux. C’est précisément ce qu’écrit l’ANCIC dans sa brochure, en insistant sur le fait qu’il est impossible de prouver la virginité d’une jeune fille. L’Organisation Mondiale de la Santé le dit également :. Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord parce que comme le dit l’ANCIC : « Il existe de très nombreuses variétés anatomiques d’hymen. Certains hymens sont élastiques et se distendent, sans se déchirer, au moment du premier rapport sexuel ; certaines femmes n’ont pas d’hymen. » Aussi, la brochure de l’association précise que 40% des femmes ne saignent pas lors du premier rapport sexuel. Lors d’une interview, la gynécologue obstétricienne Laura Berlingo estime même que ce chiffre tournerait plutôt autour des 50% . Pour elle, la prétendue existence de l’hymen comme une sorte de « bouchon venant refermer le vagin » est d’autant plus absurde que ce dernier laisse s’écouler les règles, montrant ainsi qu’il ne s’agit pas d’une paroi fermée et non perméable. Concernant les règles, l’ANCIC démontre également qu’un tampon ne peut venir perforer l’hymen, du fait des raisons exposées précédemment. C’est aussi le cas pour l’équitation, certain.es s’imaginent que parce que les cavalières ont les jambes écartées, leur hymen peut se briser au cours de la pratique de ce sport. Enfin, tout comme l’OMS, l’association explique qu’on ne peut effectuer des tests de virginité auprès des jeunes filles, pour la simple et bonne raison qu’il est impossible de vérifier si l’hymen est bien intact, que ce soit visuellement, ou au toucher. L’ANCIC en arrive donc à la conclusion suivante : seule la femme peut affirmer qu’elle est vierge.

L’hymen en 2020 : un sujet de débat public

Si l’ANCIC a de nouveau publié sa brochure quant aux idées reçues sur l’hymen, c’est parce que la question de la virginité et de ces fameux tests a émergé dans la sphère publique au mois de septembre. En effet, il est question de pénaliser les médecins délivrant des certificats de virginité afin de lutter contre les séparatismes et l’islamisme radical, comme le dit Marlène Schiappa. Beaucoup s’interrogent sur la légitimité d’un tel débat : selon France 3 (relayée par la BBC :  seulement 30% des docteur·es affirment avoir été confronté·es à des demandes de certificat, et la majorité d’entre elles/eux déclare s’y être opposée. La gynécologue Ghada Hatem, fondatrice de La Maison des Femmes à St Denis, a déclaré sur France Inter qu’elle ne recevait pas plus de trois demandes de certificat par an. Sur cette question des certificats, l’ANCIC rappelle que « dans le code de santé publique, ce certificat n’a aucune existence légale, contrairement à un certificat pour la pratique du sport, par exemple. Il n’est donc pas reconnu par le conseil de l’ordre des médecins. »

Pourtant, si certain·es considèrent ces tests de virginité comme un non-sujet en France, l’ONU a appelé en octobre 2018 les Etats à interdire leur pratique. L’organisation insiste sur le côté traumatisant et humiliant de ces vérifications, et rappelle que « la virginité n’est pas un terme médical ou scientifique. Au contraire, le concept de virginité est une construction sociale, culturelle et religieuse, qui reflète les discriminations de genre opérées envers les femmes et les filles. » Comment ne pas être d’accord ? Derrière ces simples vérifications se cache bien entendu une volonté de contrôle sur la vie sexuelle et reproductive des femmes. Vérifier l’état de l’hymen de la jeune fille, c’est vérifier qu’elle sera vierge au moment de son mariage, et que ses enfants seront donc bien de son mari. Par ailleurs, les idées reçues sur l’hymen sont également porteuses d’une vision hétéronormée des rapports sexuels, comme le dit Laura Berlingo. Cette vision hétéronormée exclue les rapports homosexuels, mais aussi d’autres pratiques telles que la masturbation, ou le sexe oral. Dans ce cas, pourquoi l’ANCIC dénonce-t-elle la pénalisation des docteur.es acceptant de délivrer des certificats de virginité ?? Selon l’association, ces certificats médicaux servent avant tout à protéger les jeunes filles demandeuses de leur famille et des pressions sociales qu’elles subissent.

L’ANCIC préconise le dialogue et la mise en place d’aides sociales et financières pour ces jeunes filles en danger, plutôt que l’interdiction de la délivrance de tels certificats. En effet : « Mme Schiappa et Mr Darmanin se trompent de cible en pénalisant les professionnel.les de santé. Les personnes à condamner sont celles qui portent atteinte à la liberté individuelle des femmes, en leur exigeant ce certificat. » La gynécologue Ghada Hatem ne dit pas autre chose quand elle affirme que sa priorité est la sécurité de ces jeunes filles : « Si une fille a besoin d’un papier pour lui sauver la vie, je le fais. » . Finalement, ce que conseillent l’ANCIC tout comme Ghada Hatem, c’est la création d’un espace de parole sécurisé, dans lequel la jeune fille peut se livrer à un·e professionnel·le en toute confiance. Aussi, il est primordial de prendre le temps d’éduquer les élèves des collèges et des lycées, mais également les étudiant·es. Pour que les femmes puissent jouir de leur liberté sexuelle comme elles l’entendent, et ce loin des pré-jugés sexistes, il faut que les adolescent·es et les jeunes adultes prennent conscience que parler de virginité comme on le fait aujourd’hui ne veut rien dire en soit, mais au contraire contribue au développement d’un concept patriarcal dont le but ultime est de contrôler la vie sexuelle des femmes. 

Victoria Lavelle 50-50 magazine

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