DOSSIERS \ Après #metoo, avons-nous plus d'alliés pro-féministes ? Papatriarcat, le podcast d’un nouveau père

Le podcast Papatriarcat a été lancé symboliquement le 9 mars 2020, en solidarité avec le 8 mars, journée internationale des droits des femmes. Cedric Rostein a 37 ans. Il est papa d’une petite fille de deux ans, ce qui a été un élément déterminant pour la création de son podcast. Il travaille dans le domaine du management mais préfère dire dans : «le développement de l’humain». Il est actuellement en cours de reconversion pour avoir un projet plus familial. Il déclare : «J’ai appris énormément en m’occupant de ma fille et je suis monté en compétence sur le soin de l’enfant. Ma compagne m’a laissé volontairement  m’occuper, entre autres, des rendez-vous avec le pédiatre».

Quand on est un homme blanc, né dans une famille sexiste et raciste, on part de loin ! Le schéma qui était fort habituel récemment et perdure encore, était le suivant chez lui : son père était fonctionnaire et rentrait parfois vers 16h à la maison, sa mère rentrait de son travail vers 19h et la première question du père était : « qu’est-ce qu’il y a manger ce soir ?  »  

Le couple que Cédric forme avec sa compagne était déjà un modèle d’égalité pour la répartition des tâches domestiques mais l’arrivée d’un enfant bouleverse tout. La prise en charge d’un enfant, c’est du 100% de soin et on doit changer complètement sa vie pour s’en occuper. Cédric l’a fait, prenant réellement sa part de parentalité. 

 » Quand on parle des nouveaux pères cependant, tout n’est pas parfait  » confie Cédric qui a entendu le témoignage de Myriam Chatot dans le podcast les couilles sur la table. Certes, ils s’occupent plus de l’enfant mais parfois pour que leur épouse ou compagne s’acquitte des tâches domestiques :  on les voit donner à manger à leurs enfants, mais souvent encore c’est la mère qui a préparé à manger, donc tout n’est pas encore gagné. 

Le remède pour Cédric Rostein c’est un changement d’éducation basé sur la non violence.  Il a pris conscience des discriminations sexistes dès l’âge de 24 ans quand il a commencé à travailler. D’abord au Mac Do puis à la FNAC. Les deux fois, rares,  durant ces 12 années, où il a eu une supérieure hiérarchique, son expérience a été très différente de ce qu’il avait connu avec des hommes privilégiant la force pour s’imposer.  Celle qu’il a connue à la FNAC a été particulièrement enrichissante. Cédric dit de sa collègue supérieure hiérarchique : « c’était une machine de guerre en termes de travail, d’une extrême compétence, elle apportait des codes complètement différents tout en maîtrisant ceux des hommes ». Cette expérience lui a ouvert les yeux sur la différence importante entre les hommes et les femmes dans les entreprises où elles doivent faire beaucoup plus pour affirmer leur légitimité et anticiper les problèmes de sexisme.

La naissance de sa fille : un déclencheur

Il a peu à peu pris conscience du sexisme systémique qui régnait dans ce monde professionnel et prenait le parti des femmes lorsqu’elles subissaient des blagues sexistes.  Alors qu’il était à la FNAC et en position de cadre, il a défendu une jeune femme et cela a  ouvert la boîte de Pandore : un nombre important d’agressions verbales et de discriminations ont alors été dénoncées. Il a dû plusieurs fois s’opposer à des pratiques choquantes. Il a commencé à se poser des questions sur sa condition d’homme et a peu à peu chaussé des lunettes féministes. 

Il a analysé son rapport à la séduction d’homme hétérosexuel et s’est aperçu qu’il était souvent lié à la prédation. Son éducation féministe s’est mise en place par des lectures et des rencontres, et il a évolué vers la déconstruction de son éducation patriarcale 

La naissance de sa fille a été l’élément déclencheur : il s’est dit qu’il devait faire quelque chose pour rendre le monde meilleur pour elle. Sa compagne lui alors  soufflé l’idée du podcast. La lutte contre le patriarcat a vraiment pris toute sa place avec son rôle de papa. C’est ainsi qu’est né le podcast et blog « Papatriarcat ».

Cédric travaille dans le domaine du management, et plaide pour la non violence dans tous les domaines et particulièrement celui de l’éducation.  Il a été interpelé par la violence des parents exercée sur les enfants car celle-ci se répercute ensuite sur toutes les relations.

C’est donc par une éducation non violente, non coercitive, non contraignante et non sexiste que Cédric pense pouvoir changer les codes patriarcaux qui incitent à la rivalité. C’est ce biais qu’il choisit pour lutter contre l’ordre ancestral patriarcal et le droit du plus fort. 

Tous les 15 jours  il invite pour ses podcast des personnalités très riches qui lui ouvrent des portes et lui font découvrir des personnes qui œuvrent, comme lui, contre la violence patriarcale et le sexisme. 

Noémie Delattre a été l’une de ses invitées : elle est comédienne, autrice et conceptrice de son dernier spectacle Féministe pour homme qui a eu un énorme succès au théâtre de la Pépinière à Paris et a remporté un Molière.  Noémie D excelle dans la vulgarisation du féminisme. Cédric Rostein s’en inspire car il en est conscient, les hommes qui sont dans le stéréotype « football, bière, canapé pendant que ma femme cuisine » ne sont pas encore prêts à écouter ses podcasts mais il ne désespère pas. Au début il avait 5% d’hommes dans son audience, à présent il en a 25 %. 

Le podcast qui a eu le plus de succès est celui avec André Stern, en faveur de l’éducation émancipée des contraintes; il a fait 30 000 écoutes, un joli record pour un nouvel outil de communication. 

 » Le vrai enjeu  » dit-il  » est de commencer dès le plus jeune âge, d’assumer sa part de féminité et de s’opposer plus tard à toute violence.  » Cédric Rostein est un espoir pour les nouvelles masculinités pour un monde équilibré entre femmes et hommes où responsabilités parentales et travail professionnel seront partagés. Cette parentalité partagée réduirait automatiquement l’influence des stéréotypes de genre car les enfants auraient des modèles égalitaires.

Roselyne Segalen 50-50 Magazine

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