Articles récents \ France \ Société Une enquête inédite sur la précarité menstruelle au sein de la population étudiante

En France, 1,7 million de personnes sont concerné·es par la précarité menstruelle. A l’heure où la crise sanitaire a aggravé la précarité des étudiant·es, la Fédération des Associations Générales Etudiantes (FAGE), l’Association Fédérative des étudiant·es Picto-charentais·es (AFEP) et l’Association Nationale des Étudiant·es Sages-Femmes (ANESF) s’associent pour mesurer l’ampleur de ce phénomène au sein de la population étudiante. 

En novembre dernier, la FAGE, l’AFEP et l’ANESF s’associaient pour appeler les étudiant·es à répondre à une enquête inédite sur la précarité menstruelle. Au final, dans le cadre de cette enquête, 6518 étudiant·es (1) vivant en France ont été interrogé·es, pour une moyenne d’âge de 20 ans.

Pour rappel, comme le souligne l’enquête, “la précarité menstruelle désigne la situation dans laquelle se trouvent les personnes menstruées qui n’ont pas les ressources économiques suffisantes pour se procurer des protections périodiques et des produits d’hygiène lors des règles”. Les conséquences peuvent être physiques (démangeaisons, infections, etc.) mais aussi sociales (perte de confiance en soi, difficultés de socialisation, etc). En France, 1,7 million de personnes sont concerné·es. Cette enquête inédite permet de mesurer l’ampleur de ce phénomène dans la population étudiante.

Un enjeu économique aux conséquences sanitaires

L’enquête rappelle que “20% des étudiant·es vivent sous le seuil de pauvreté en France”. A l’heure où les étudiant·es, précarisé·es par la crise sanitaire, font la queue dans les distributions alimentaires, les règles apparaissent comme un enjeu économique de taille pour les personnes qui, parmi elles/eux, sont menstruées. L’enquête indique qu’au cours d’une vie, les personnes menstruées dépensent environ 3420€ en protections hygiéniques, à raison de 285€ par an. Cependant, au-delà des protections hygiéniques, les dépenses liées aux règles concernent aussi les médicaments, les rendez-vous médicaux ou encore les vêtements, sous-vêtements et literies abîmés par le sang. L’enquête estime que ces dépenses connexes reviennent à plus de 20€ par mois.

Au total, si l’enquête indique que “7% des répondant·es se disent en situation de précarité menstruelle”, ce sont “13% des répondant·es [qui] ont déjà dû choisir entre des protections et un autre objet de première nécessité” et “33% [qui] estiment avoir besoin d’une aide pour se procurer des protections”. L’enquête ajoute que “1 étudiant·e menstrué·e sur 10 fabrique ses protections pour des raisons financières et 1 sur 20 utilise du papier toilette”.

A la question “que feriez-vous avec l’argent dépensé dans les protections si vous n’aviez pas à en acheter ?”, les étudiant·es interrogé·es répondent par exemple : “je mangerais à ma faim”, “je m’en servirais pour acheter des aliments de première nécessité auxquels je renonce fréquemment”, “je payerais le loyer ou la fac sans être angoissée à chaque fin de mois”.

Cette précarité menstruelle chez les étudiant·es a aussi des conséquences sur leur santé. Par manque de moyens financiers, “un·e étudiant·e menstrué·e sur 4 a déjà renoncé à un rendez-vous médical lié à ses menstruations”. L’enquête rappelle aussi que le manque de moyens peut entraîner une utilisation trop longue de la même protection hygiénique, ce qui augmente les risques de choc toxique (2). 

Quelles solutions ?

La moitié des personnes interrogé·es souhaitent que les protections hygiéniques soient remboursées par la sécurité sociale et 1⁄4 veut qu’elles soient mises à disposition gratuitement dans les universités. Comme le rappelle l’enquête, “certaines mutuelles ont déjà mis en place un dispositif de remboursement mais 4 étudiant·es sur 5 n’ont pas connaissance de cette possibilité”. De plus, certaines associations proposent des distributions de protections hygiéniques. C’est le cas de la FAGE qui organise des distributions ouvertes à tou·tes au sein des épiceries sociales et solidaires AGORAé.

D’autres solutions sont également proposées par les associations étudiantes ayant réalisé l’enquête. Elles demandent que les protections hygiéniques soient accessibles gratuitement pour les populations précaires, ainsi que pour tou·tes dans les lieux publics. La précarité étant un problème multi-dimensions, les associations étudiantes souhaitent également “une refonte structurelle des aides sociales”. Enfin, elles demandent que les produits nocifs contenus dans les protections hygiéniques soient interdits au niveau national et européen et que la composition des protections hygiéniques soit rendue publique. 

Dernier point à ne pas négliger : le tabou autour des règles. Comme le rappelle à juste titre l’enquête, en citant l’autrice Elise Thiébaut, ce tabou est politique puisqu’il contribue à maintenir le patriarcat : “cette question de l’impureté va être un outil fantastique pour le patriarcat, parce qu’une personne est désignée femme parce qu’elle a ses règles. Ce par quoi on est désigné comme femme va être ce qui est entaché de honte, de malaise, d’impureté dans l’esprit même des femmes”. Ce tabou a des conséquences indirectes sur la santé des personnes menstruées puisqu’il entraîne, par exemple, un manque de recherche sur les maladies liées aux menstruations comme l’endométriose et le syndrome des ovaires polykystiques. A cet égard, l’enquête indique que “le collectif Georgette Sand propose la mise en place d’une taxe rouge, qui financerait la recherche européenne sur les maladies gynécologiques, prélevée sur tous les produits menstruels”. Plus concrètement, une meilleure sensibilisation et prévention sur les règles pourrait être une première étape pour faire évoluer les mentalités. 

Maud Charpentier 50-50 Magazine

  1. L’enquête précise : “toutes les femmes n’ont pas forcément leurs règles pour différentes raisons (prise de médicaments, maladies, malformations, etc) et que des personnes ne s’identifiant pas comme femmes (personnes non-binaires, hommes transgenres, etc) peuvent en avoir”.
  2. L’enquête indique : “le syndrome du choc toxique est principalement dû à l’utilisation d’un tampon ou d’une coupe menstruelle puisque ce sont des protections qui engendrent une stagnation du sang dans le vagin. L’environnement est alors très favorable à la multiplication d’une bactérie de la famille des staphylocoques dorées, qui va sécréter une toxine diffusant dans l’organisme grâce à la circulation sanguine, et qui peut s’attaquer à nos organes (foie, reins, poumons, etc). Pouvant entraîner la manifestation de différents symptômes et dans les cas les plus extrêmes engendrer un dysfonctionnement des organes entraînant un coma voire un décès”.
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