Articles récents \ DÉBATS \ Tribunes Projet de loi confortant les principes républicains : vers une meilleure protection des droits des femmes ?

Le projet de loi confortant les principes républicains, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 16 févier, sera examiné au Sénat du 30 mars au 8 avril 2021.  Il suscite de nombreuses polémiques. Si certaines de ces polémiques ne sont qu’un reflet des tensions autour de la défense de la laïcité en France, nous Femmes Solidaires soutient des éléments de ce projet de loi, proposant pour certain⸱es d’aller plus loin, même si d’autres éléments nous interrogent.

Nous nous méfions de l’obligation faite aux associations dans l’article 6 de « respecter l’ordre public ». Femmes solidaires, mouvement féministe, laïque et d’éducation populaire a pour objectif une transformation en profondeur de la société qui la libérerait des rapports de domination et de violences. Cette transformation et les moyens qui la rendent possible sont-ils conformes à l’ordre public ? Les associations engagées pour la défense des droits humains ne peuvent pas avoir pour objectif de préserver l’ordre public, sans que cela signifie pour autant un appel à l’insurrection générale.

Nous sommes en plein accord pour réaffirmer l’interdiction de la polygamie en France. Cependant, nous sommes préoccupées par les sanctions prévues pour les femmes en situation de polygamie : elles ne sont pas nécessairement informées de la polygamie de leur époux ou elles ne bénéficient pas forcément des moyens de s’y opposer. Par conséquent, elles ne doivent ni subir la suppression de leur titre de séjour ni se voir délivrer une obligation de quitter le territoire.

Pour nous, les expulser reviendrait à punir des victimes. La polygamie est une violence faite aux femmes. Femmes solidaires exige que le délit de polygamie soit mieux défini et reconnu. Nous demandons un statut autonome concernant le titre de séjour pour les femmes étrangères qui n’en bénéficient pas.

Le lien et la place des enfants semblent complètement occultés dans ce projet de loi. Quel sera le statut des enfants nés dans les mariages dissous ? Il faudra s’assurer que cette loi n’impactera pas et n’engendrera pas davantage de violences intrafamiliales observées dans la plupart des divorces et des séparations.

De plus, nous soulignons que des mariages coutumiers ou religieux aboutissant parfois à des mariages forcés ou arrangés sont célébrés sur notre territoire. Femmes solidaires propose que pour mieux lutter contre la polygamie, il faut que soit réaffirmé dans cette loi qu’aucun de ces mariages ne doit être célébré avant un mariage civil.

En revanche, dans certaines mairies, la suspicion et le doute des mariages de femmes d’origine étrangère s’installent facilement. L’audition et l’analyse des pièces par l’officier d’état civil doivent être partout identiques, dans toutes les mairies.

En outre, Femmes solidaires se réjouit également des avancées de ce projet de loi ouvrant notamment des droits sur le partage de la pension de réversion.

Concernant les certificats de complaisance, dont ceux visant à établir la « virginité » d’une personne, nous nous réjouissons que cette infraction soit punie car continuer à les prescrire c’est renforcer le système patriarcal. Derrière cette preuve de pureté, de conservatisme des traditions, se cache la marchandisation du corps des femmes. Donc Femmes solidaires ne peut que s’opposer à l’établissement des certificats.

Nous savons toutes que les femmes subissent une pression familiale indéniable et que les coupables doivent être sévèrement punis. Voilà pourquoi nous souhaitons aller plus loin en exigeant qu’un signalement et une enquête sociale soient ordonnés à chaque fois qu’une femme se présente devant un⸱e professionnel⸱le de santé pour demander un certificat de virginité.

Néanmoins, le projet de loi contient des avancées importantes pour les droits des femmes étrangères ou binationales en particulier concernant l’égalité de traitement dans l’héritage. Cette réforme répond à un impératif de protection des enfants et des conjointes (étrangères, binationales) vivant en France et pour lesquelles des lois étrangères consacrent une inégalité des droits en matière d’héritage, surtout pour les filles et les femmes en l’absence de descendance masculine.

Actuellement, en cas de divorce international et de conflit entre le droit français et le droit d’autres pays, plus particulièrement algérien, relatif au régime matrimonial, le principe d’immutabilité du régime matrimonial qui exclut de faire application d’un autre droit aux époux et la règle de conflit fait que la loi voulue par les époux du fait du premier domicile de la famille emporte présomption de volonté.

C’est-à-dire que si le premier domicile est le pays d’origine, c’est le droit matrimonial de ce pays qui s’applique sauf dispositions expresses et sauf liens étroits avec l’autre pays.

Concrètement, cela exclut du champ de l’égalité de nombreuses femmes étrangères ou binationales vivant en France. Depuis sa création, Femmes solidaires dénonce et condamne cette inégalité de droit entre les femmes françaises et les étrangères et revendique des lois égalitaires.

Femmes solidaires souhaite, par ailleurs, sur la question de la laïcité que les centres sociaux soient soumis aux mêmes exigences que l’Education nationale au regard des nombreux jeunes qui les fréquentent.

Nous proposons un périmètre d’éloignement entre les lieux de culte et les lieux d’éducation (écoles, gymnases, centres sociaux…). En effet, très souvent les lieux de culte les plus radicaux viennent se placer près des lycées, collèges ou des lieux d’éducation physique et exercent une pression notamment sur les filles quant aux pratiques culturelles et sportives.

Nous demandons une mission d’information sur l’endoctrinement sectaire ou religieux des enfants.

Nous aimerions notamment soulever la question du voilement des petites filles et des filles avant 15 ans.

Nous appelons enfin à une réflexion nationale sur les territoires à statut particulier, dont Mayotte, dans l’application de la laïcité et des valeurs de la République.

Femmes Solidaires

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