Articles récents \ Monde La force des données genrées

À 13 jours du Forum Génération Egalité, Focus 2030, une association qui soutient des actions concourant à la réalisation des Objectifs de Développement Durable, organisait une table ronde « De la génération inégalité à la génération égalité : la force des données ». L’objectif  était de passer en revue les enjeux de l’événement et la nécessité des données genrées.

« Le FGE est le plus grand rassemblement mondial pour les droits des femmes depuis 26 ans. Focus 2030 a donc souhaité faire le point, pour évoquer les données les plus marquantes sur les inégalités de genre », présente, en introduction, Fanny Forgeau, sociologue spécialiste du genre et Présidente de Focus 2030.

« Les inégalités entre les femmes et les hommes sont les plus structurantes de nos sociétés . Avant la crise du Covid, il fallait attendre un siècle pour atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes. Avec la pandémie, on assiste à une aggravation des inégalités, et pour la première fois cette aggravation touche tous les pays. En une année, nous avons perdu 30 ans de retards supplémentaires pour atteindre l’égalité. C’est une génération de perdue », constate Sandra Lhote Fernandes, chargée de plaidoyer santé et égalité femmes-hommes pour Oxfam France.

Le constat est sans appel : les acquis pour les femmes et les filles sont très menacés.

« La pandémie menace de mettre un coup de frein dans la réduction de la pauvreté. Et la pauvreté est sexiste. 35 millions de femmes vivent sous le seuil de pauvreté aujourd’hui dans le monde. 47 millions de femmes ont basculé sous ce seuil à cause de la pandémie. D’ici 2030, il y aura plus de pauvres et en majorité ce seront des femmes », continue Sandra Lhote.

Comment expliquer une telle aggravation ? Il y aurait, à cause de la pandémie, 800 milliards de dollars de perte de revenus pour les femmes. Mais il s’agit seulement du secteur formel donc ce chiffre serait largement sous-estimé, car on le sait les femmes représentent la majorité du travail domestique informel et non rémunéré.

Les statistiques genrées

Pour combattre les inégalités, il faut correctement les évaluer, d’où l’importance des données genrées. « Les statistiques genrées sont un moteur de changement et sont indispensables pour demander des comptes aux gouvernements », intervient Liliana Suchodolska, analyste des politiques et des données de développement, PARIS 21/OCDE.

Cependant, aujourd’hui, les données genrées ne fonctionnent pas correctement. Pour mesurer les progrès des 17 objectifs de développement durable, l’ONU a mis en place 231 indicateurs. Or, selon ONU Femmes, « 53 indicateurs concernent les femmes, les filles et seuls 16 indicateurs sont collectés de façon régulière », rappelle Léa Fuiret, chargée de programmes et analystes de données Focus 2030. « Nous avons très peu de statistiques sur le milieu informel, sur la traite des êtres humains, sur les enfants victimes de violences. Beaucoup d’enquêtes s’intéressent aux filles et femmes de 15 à 49 ans mais peu en dehors de cette tranche d’âge, ce qui participe à leur invisibilisation. On connaît les résultats sur les discriminations mais on a peu de choses sur les raisons : on connaît le nombre de femmes qui siègent dans les parlements mais nous avons peu d’informations sur les femmes qui ont subi du harcèlement pendant leur carrière ».

Et Léa Fuiret rappelle que très souvent c’est la forme générique « LA » femme qui est utilisée. Il y a 3,8 milliards de femmes et de filles dans le monde et donc autant de situations uniques. « Il faut différencier les statistiques par âges, par conditions migratoire, statuts… Collecter les données ne suffit pas, il faut mettre en place un suivi de ces statistiques dans le temps et au niveau des territoires. Il faudrait une harmonisation des données et que ces données soient plus accessibles, elles sont souvent payantes… », conclut Léa Fuiret.

Il faut donc augmenter la qualité de collectes des données pour réussir à réduire, efficacement et durablement, les inégalités de genre. Et les Etats doivent s’impliquer davantage sur cet enjeu. Ils doivent se demander si leur budget permet de réduire concrètement les inégalités de genre.

D’après un sondage mené par Focus 2030 auprès de 17 000 personnes et dans 17 pays, 1 personne sur 2 pense que son gouvernement doit faire plus pour atteindre l’égalité de genre. Et il y a un consensus parmi toutes les personnes interrogées : l’urgence est de mettre fin à l’impunité des auteurs de violences.

Chloé Cohen 50-50 Magazine

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