Brèves Crèche : un effet positif sur le développement du langage pour les enfants défavorisés

 

En France, aujourd’hui, près d’un enfant sur cinq de moins de trois ans est accueilli en crèche selon l’Observatoire national de la petite enfance. À partir des données de l’enquête Elfe (Étude Longitudinale Française depuis l’Enfance), Lidia Panico et Anne Solaz, checheures à l’Ined, accompagnées de Lawrence Berger, professeur à l’Université du Wisconsin-Madison (États-Unis), ont mené la première étude française portant sur l’impact de ce mode de garde, en matière de langage, de motricité et de comportement. Les résultats révèlent que la crèche a, toutes chose égales par ailleurs, un impact positif sur l’acquisition du langage, et peu d’effet sur la motricité et sur le comportement. L’impact positif sur les compétences langagières est particulièrement marqué chez les enfants défavorisés.

La petite enfance est une étape cruciale du développement du cerveau et de la formation des structures et des mécanismes qui façonnent le bien-être cognitif, physique, social et émotionnel tout au long de la vie. En outre, des soins de qualité dès la petite enfance peuvent avoir des effets directs et indirects sur le développement de l’enfant. L’étude longitudinale française pour l’enfance (Elfe) est la première étude scientifique d’envergure nationale consacrée au suivi régulier de 18 000 enfants, de la naissance à l’âge adulte. La cohorte Elfe permet de mieux comprendre comment l’environnement, l’entourage familial, les conditions de vie, ou encore les modes de gardes peuvent influencer leur développement, leur santé et leur socialisation.

En France, les crèches sont très appréciées par les familles en raison de la qualification du personnel, des conditions de garde et de l’idée selon laquelle elles préparent bien à la transition vers l’école maternelle. Bien que la majorité des parents aient une préférence pour la crèche comme mode de garde, il reste la deuxième forme de garde d’enfants formelle la plus répandue en France derrière les assistantes maternelles. Le manque de places disponibles en est la raison principale.

Un effet positif sur l’acquisition du langage, en particulier chez les enfants défavorisés

Pour évaluer le langage, les chercheurs ont utilisé le MacArthur-Bates Inventory qui mesure le volume et la variété du vocabulaire acquis. Cet indicateur compte le nombre de mots dits de manière spontanée par l’enfant parmi une liste de 100 proposés. Les chercheurs ont également tenu compte du fait que les enfants qui fréquentent la crèche ont des caractéristiques particulières. À caractéristiques données, les enfants qui fréquentent une crèche obtiennent en moyenne de meilleurs résultats à cette évaluation linguistique. Suivent ceux pris en charge par une nounou privée, et ceux pris en charge par une assistante maternelle. Les enfants pris en charge par les parents, présentent quant à eux les plus faibles compétences linguistiques. Les enfants qui fréquentent la crèche sont capables de dire en moyenne 80 mots, ce qui représente 6 mots de plus que la moyenne, et 12 mots de plus que ceux gardés à la maison par les parents. Le contact de l’enfant avec des professionnels de la petite enfance, qui peuvent proposer des activités éducatives adaptées à l’âge de l’enfant, ainsi que le contact avec d’autres enfants pourraient être une source d’enrichissement du vocabulaire.

Les enfants les moins favorisés – en particulier ceux dont les mères ont un faible niveau d’étude, sont immigrantes et ceux des ménages à faible revenu – semblent bénéficier le plus de la fréquentation de la crèche, notamment en ce qui concerne le développement du langage.

Motricité et comportement : des effets moins marqués

Les enfants qui fréquentent une crèche ont des capacités motrices un peu supérieures à ceux de toutes les autres formes de garde. Les écarts sont également plus fortement marqués chez les enfants moins favorisés, bien que ces différences selon le mode de garde soient plus faibles que dans le domaine du langage. L’évaluation du développement moteur s’appuie sur des indicateurs mesurant à la fois la motricité globale et la motricité fine. La motricité fine est associée à de meilleurs résultats ultérieurs en écriture, en lecture et en mathématiques et peuvent donc être importants pour la préparation à l’école. La motricité globale est pertinente pour identifier le retard de développement et est associée à un bien-être physique, un comportement et des compétences socio-émotionnelles ultérieurs.

Pour ce qui est du comportement, les enfants accueillis en crèche présenteraient en moyenne un peu plus d’effets négatifs par rapport aux enfants ayant d’autres modes de garde. Cet effet un peu négatif n’est pas retrouvé chez les enfants moins favorisés. Dans cette étude, les comportements sont évalués à travers l’acceptation des soins, la contestation des réprimandes et l’agressivité exprimées par l’enfant.

Dans l’ensemble, les résultats suggèrent que la fréquentation de la crèche est plus bénéfique aux enfants défavorisés qu’à leurs homologues plus favorisés. Cela implique que faciliter l’accès accru à la crèche parmi les familles défavorisées peut avoir un potentiel de réduction des disparités socio-économiques précoces dans le développement, en particulier dans le domaine du langage. Étant donné l’importance du développement cognitif, social et émotionnel dès le plus jeune âge quant aux résultats plus tardifs dans la vie, cela pourrait aussi avoir un impact sur les inégalités socioéconomiques à long terme. Cela peut être particulièrement important dans la mesure où les enfants défavorisés fréquentent moins les crèches que les autres enfants.

INED

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